Iran : les mollahs fragilisés, la lutte du peuple continue

par Babak Kia
Ebrahim Raïssi avec le président russe, Vladimir Poutine et le président turc Recep Tayyip Erdoğan (Téhéran, 19 juillet 2022). © Kremlin.ru, CC BY 4.0

La mort du président Raïssi, le 19 mai dernier dans un accident d’hélicoptère, n’affectera pas vraiment le fonctionnement de la République islamique. Dans le système institutionnel en place, le véritable pouvoir est détenu par le Guide qui décide des grandes orientations. Le président n’est que le numéro 2, un exécutant.

Cela dit, Raïssi était pressenti pour succéder au Guide, Ali Khameneï, âgé de 85 ans et malade. De ce point de vue, cette disparition fragilise la mollahrchie. Elle attisera les tensions au sein des clans qui se partagent le pouvoir et les richesses et ouvrira des brèches pour de futurs soulèvements populaires. 

La mort de Raïssi a certes fait l’objet par le pouvoir d’une mise en scène de deuil national. À la va-vite, le régime va faire élire un nouveau président le 28 juin prochain. Mais ce qu’il faut retenir, ce sont les fêtes spontanées qui ont éclaté à l’annonce de la mort de Raïssi. De Téhéran à Saqez au Kurdistan (ville natale de Jina Mahsa Amini), la population a exprimé sa joie plus ou moins ouvertement, et ce, à défaut de pouvoir juger Raïssi pour ses crimes. 

Le « boucher de Téhéran »

Car le CV de Raïssi explique largement la détestation populaire à son égard et à l’égard de la République islamique. Dans la décennie 1980, Raïssi a été procureur-adjoint de Téhéran. Sous les ordres de Khomeiny, il a mené la répression et fait exécuter une dizaine de milliers de prisonnierEs politiques à la fin de la guerre contre l’Irak. 

L’objectif du régime était d’éliminer toute possibilité de contestation et d’éradiquer la génération militante qui s’était opposée à la dictature du Shah mais qui refusait également la dictature de la République islamique. Procureur-adjoint mais également bourreau, Raïssi a été dénoncé par des survivants de cette vague sanglante comme celui qui achevait de ses propres mains les opposantEs. Son rôle dans les exécutions de 1988 lui a valu le surnom de « boucher de Téhéran ». 

Plus récemment, sous son mandat de président de la République, il a réactivé la brigade des mœurs. Il porte une responsabilité directe dans le harcèlement des femmes, dans la mort de Jina Mahssa Amini et dans la violente répression du soulèvement « Femme Vie Liberté ». Il a également fait emprisonner et torturer des dirigeantEs syndicaux, des écologistes, des militantEs des droits humains et de défense des droits des femmes ou des enfants, des artistes. Son bilan économique et social est désastreux. Frappée par une inflation de 70 %, près de 60 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Dans le même temps, l’enrichissement des dirigeants du régime, des gardiens de la Révolution et de leurs proches atteint des sommets. 

Solidarité des dirigeants du monde

On comprend pourquoi nul ne pleure la mort de Raïssi… personne sauf les dignitaires du régime, leurs alliés régionaux dont certains par campisme absurde et criminel, mais aussi les dirigeants de certains États européens ou de la région qui, à l’instar de la Turquie, ont proposé, pour que rien ne change, leur assistance dans l’espoir de retrouver Raïssi vivant. Même l’Otan a présenté ses condoléances… Quand il s’agit de sauver un chef d’État, la solidarité des dirigeants du monde est là, malgré les divergences. 

Mais en Iran personne n’oublie que ces mêmes dirigeants régionaux et européens ne s’empressent jamais quand il faut sauver les milliers d’IranienNEs victimes de catastrophes naturelles ou du régime lui-même. Personne n’oublie la politique migratoire criminelle de l’Union européenne qui refuse l’asile à celles et ceux qui fuient la dictature.

Dans leur lutte contre la République islamique, les peuples d’Iran ne comptent que sur leur propre force et sur la solidarité internationale par en bas.