Mitsotakis pouvait se réjouir vendredi 8 mars : sa loi autorisant les facs privées a été votée dans la soirée, et divers fonds financiers s’apprêtent à faire s’installer en Grèce des établissements universitaires « non étatiques à but non lucratif », pour lesquels le terrain a été préparé par diverses dispositions ces dernières années.
La droite réalise ainsi son vieux rêve d’offrir un nouveau marché éducatif (existant au primaire et au secondaire) aux capitalistes grecs et étrangers, et d’attaquer davantage encore le service public d’éducation. Néanmoins, cette victoire est très étriquée, et la mobilisation devrait se poursuivre !
Coup d’État constitutionnel de la Nouvelle Démocratie
La Nouvelle Démocratie (ND) a dû reconnaître que sa loi ne respecte pas l’article 16 de la Constitution, interdisant la création de facs privées et assurant le monopole et la gratuité des facs publiques. Des recours au Conseil d’État auront lieu. Le service scientifique du Parlement a aussi relevé que le projet n’assurait en rien le but « non lucratif » des facs privées ! Mitsotakis a d’ailleurs étalé son mépris pour le service public, déclarant (dans un festival de haine de classe) que l’époque où l’entreprise était bannie de l’université est achevée, qu’il faut être « moderne »… Le Premier ministre a finalement réussi à ressouder son groupe ND : obligé récemment de tenir son engagement de faire voter une loi pour le mariage homosexuel, il avait été désavoué par l’Église orthodoxe et par une partie de ND, s’alignant en refus derrière le ministre fasciste Mavroudís Vorídis et l’ultranationaliste Antónis Samarás. Cette fois, toutEs les députéEs de ND ont voté (159 sur 300)… mais sans obtenir une autre voix (129 contre), alors que les fascistes, le Pasok et une partie de Syriza sont pour les facs privées ! Et surtout, il semble bien qu’une bonne partie de l’opinion publique, prétendue favorable à la fac privée, ait compris le danger pour les jeunes et les travailleurEs. Et cela, avant tout grâce à l’extraordinaire mobilisation des étudiantEs depuis plus de deux mois !
Radicalité et unité
Dans la suite d’une mobilisation infatigable, malgré la tentative de criminaliser les formes d’action (AG massives, occupations des facs), le 8 mars a été préparé pour une mobilisation nationale. Dès le 7 mars, le bâtiment administratif de la fac d’Athènes a été occupé avec une banderole géante au sommet « Éducation exclusivement gratuite et publique ! ». Et le 8, ce sont entre 20 000 et 30 000 jeunes d’Athènes et de nombreuses facs du pays qui ont manifesté des heures durant, avec de nombreux enseignantEs et divers collectifs syndicaux, tenant tête aux flics sur la place du Parlement, malgré des charges sauvages. À noter, avant le départ de la manif s’est tenu sur place un meeting syndical pour le 8 mars féministe, en solidarité notamment aux femmes palestiniennes.
Personne n’a été surpris : une fois le projet déposé, la loi serait votée. La question sera désormais de voir, toutes et tous ensemble, comment continuer, et surtout comment continuer avec la même détermination contre l’existence mortifère de facs privées, et cela dans l’unité. Car, comme nous le disait une camarade étudiante d’AREN (groupe des plus unitaires de la gauche anticapitaliste) militant dans une des facs les plus battantes, même si les divergences politiques étaient faibles, les différenciations entre diverses forces tendaient à s’accroître. Nos camarades de NAR notent aussi une tendance de quelques groupes à vouloir chapeauter le mouvement. Mais, ajoute notre camarade d’AREN, grâce aussi à la volonté unitaire de deux ou trois groupes, l’unité a été la plus forte : « Dans notre fac, les étudiantEs ont bien compris la nécessité de l’unité et de la lutte en commun ». On a pu observer la même chose dans toutes les manifs, et cela explique leur ampleur et l’effet positif que cela a eu pour la popularisation. Dès lundi, AG partout !
Athènes, le 10 mars 2024, publié par L’Anticapitaliste.