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Netanyahou va devoir payer le prix de l’hubris

par Michel Warschawski
Barrière de Cisjordanie à Abu Dis, séparant la Cisjordanie de Jérusalem-Est. La maison à droite est une petite colonie, avec quelques autres maisons plus loin sur la droite. Je ne pense pas qu’Israël la considère comme une colonie, puisqu’elle se trouve dans ce qu’il a décidé d’appeler Jérusalem. «Barrière de sécurité» et colonie. © Jacob Rask d’Alingsås, Suède - Flickr, CC BY 2.0.

Il y a cinquante ans, l’armée israélienne était prise de surprise par l’attaque égypto-syrienne, et des milliers de soldats en payaient le prix ; il faudra plusieurs semaines pour retourner la situation, mais la guerre de 1973 restera gravée dans l’histoire comme une défaite.  Le 7 octobre 2023, Israël est à nouveau surpris, cette fois par des milliers de militants du Hamas de Gaza qui font tomber le système de clôture qui encercle leur territoire, pénètrent sur le territoire israélien et y commettent des attaques sanglantes qui font plus de mille morts ; par ailleurs, les Gazaouis parviennent à enlever plusieurs centaines d’otages qu’ils ramènent dans leur territoire et qui vont vraisemblablement servir à un futur echange de prisonniers.

Le dénominateur commun entre ces deux évènements porte un nom en grec classique : l’hubris, c’est-à-dire un aveuglement engendré par un excès de puissance, ou de puissance apparente. Peu avant la guerre de 1973, le général Moshe Dayan se vantait qu’Israël s’était donné les moyens pour imposer une situation de « ni guerre ni paix » pour les cent ans à venir (sic). Cinquante ans plus tard, Benyamin Netanyahou et les voyous qui l’entourent étaient persuadés que les deux millions de Gazaouis accepteraient le siège qui leur est imposé depuis plus de 15 ans en se contentant de lancer de temps à autre des roquettes assez primitives. Cette fois ce sont des milliers de civils qui paient le prix, en particulier dans les localités qui appartiennent à ce qu’on appelle « l’enveloppe de Gaza ».

On l’a souvent répété : Gaza est une cocotte-minute sous laquelle brûle en permanence le feu des agressions israéliennes et qui subit un siège barbare, auquel d’ailleurs participe le pouvoir égyptien. Tôt ou tard la cocotte-minute explosera. « Les meilleurs services de renseignement du monde » (comme on l’avait déjà vu en 1973 !) n’ont rien vu venir : eux aussi ont été piégés par l’hubris.

Hubris et corruption : car au-delà de l’aveuglement politique, le pouvoir Netanyahou se caractérise aussi par un niveau de corruption inédit : le Premier ministre, sa femme et son voyou de fils (envoyé en exil de luxe de l’autre côté de l’Atlantique à la demande expresse  des responsables de la  sécurité personnelle de Netanyahou), aiment l’argent et le luxe : ils sont entourés de millionnaires qui les couvrent de cadeaux, en échange, évidemment, de services rendus. Sans parler des budgets faramineux pour les partis religieux et leurs institutions en échange de leur soutien politique indéfectible.

Et pétage de plombs : par deux fois les Israéliens ont pu récemment voir et écouter Netanyahou à la télévision, ce n’est plus le même homme. Celui qui était considéré comme le démagogue le plus efficace de la classe politique israélienne n’était plus que l’ombre de lui-même, un homme éteint et apeuré. Certains journalistes en général bien informés n’hésitent plus à parler en termes médicaux. Ne l’oublions pas : le Premier ministre est inculpé pour trois affaires de corruption et le risque de connaitre le même sort que son lointain prédécesseur Ehoud Olmert (qui a fait de la prison pour corruption) est réel. S’il n’y avait eu les pressions de sa femme Sara et du voyou, il semble que Netanyahou était prêt a accepter un deal avec le parquet : plaider coupable en échange d’une peine allégée et se retirer de la politique.

Netanyahou sait pertinemment qu’après la fin de la guerre actuelle, la constitution d’une commission d’enquête nationale sera la demande principale du mouvement de masse qui, avant la crise actuelle, s’était mobilisé contre la corruption de Netanyahou. Ce mouvement n’a pas disparu, mais s’est pour l’instant recyclé dans la prise en charge des déplacés de l’«enveloppe de Gaza». Car là aussi, l’État Netanyahou a été totalement absent, et c’est la société civile qui a pris en charge les dizaines de milliers de déplacés, leurs besoins matériels, l’appui psychologique et l’éducation des enfants.

La population civile de Gaza paie un prix colossal pour avoir osé défier le colonialisme israélien. Ce que l’armée israélienne commet depuis maintenant un mois appartient à la catégorie des crimes contre l’humanité. L’État d’Israël et ses gouvernants devront rendre des comptes devant les instances de justice internationales, ainsi que leurs complices, de Joe Biden à Emmanuel Macron.

Même si la rage des Gazaouis a fait de très nombreuses victimes civiles (donc innocentes) israéliennes, il faut dire haut et fort qu’ils ont été poussés a cette réaction extrême par un siège barbare, confirmant ainsi une vieille leçon de l’histoire : la barbarie de l’oppresseur déteint souvent sur l’opprimé et le barbarise à son tour. C’est un crime supplémentaire à inscrire sur le compte de l’occupant colonial israélien.

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