À propos du film de Malena Martínez Cabrera, Hugo Blanco, Río Profundo

par
Malena Mart?¡nez Cabrera<br> © Laura Morsch-Kihn, Raquel Gonzalez

La rencontre, en 1999, lors d'une assemblée de la Confederaci¾n campesina del Per· (CCP, Confédération paysanne du Pérou), d'une jeune cinéaste avec un vétéran des luttes populaires a débouché sur un film (tourné en 2019), <a href="https://vimeo.com/319345132"><i>Hugo Blanco, Río Profundo</i></a>. Soixante ans après les luttes paysannes au Pérou pour la réforme agraire, ce film suscite l'intérêt et la controverse.

Lauréat du concours national des projets de distribution de longs-métrages 2019, le film fut dénoncé (en juin 2020) par des militaires et des politiciens de l'extrême droite péruvienne comme " apologie du terrorisme ». Ces calomnies ont suscité un manifeste de soutien à Hugo Blanco signé en moins de 48 heures par plus de 2.000 personnalités, que nous publions ainsi qu'un entretien récent.

Agé aujourd'hui de 86 ans, Hugo Blanco a joué un rôle important, depuis les années 1960, dans les luttes paysannes pour la réforme agraire. Issu d'une famille métisse (1), né en 1934 dans l'ancienne capitale inca de Cuzco, il milita longtemps activement au sein de la IVe Internationale.

En 1960, à son retour d'Argentine, Hugo Blanco regagna Cuzco et travailla dans une hacienda de la vallée de La Convención. À l'époque, la campagne connaissait un régime semi-féodal hérité du colonialisme (contre l'autorisation de cultiver une parcelle, le propriétaire exigeait du paysan de travailler à l'hacienda et d'y effectuer toutes sortes de tâches domestiques). Les syndicats paysans déclenchèrent une grève illimitée, qui rencontra l'opposition (y compris violente) des latifundistes et suscita la création de structures d'autodéfense.

Chronologie Pérou 1900-1979

Capturé en mai 1963, après un assaut contre une caserne de la garde civile, Hugo Blanco fut jugé en 1966 par un tribunal militaire. Grâce à une campagne mondiale impulsée par la (alors très petite) IVe Internationale (2) - qui recueillit de nombreux soutiens (Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Isaac Deutscher, Bertrand Russell, pour ne citer que les personnalités les plus célèbres) - Hugo Blanco échappa à la mort et fut condamné à 25 ans de prison. Il fut libéré en 1970 par le régime du général Juan Velasco Alvarado, qui cherchait l'appui de la gauche péruvienne. Déporté au Mexique en 1971, Hugo Blanco vécut ensuite au Chili jusqu'au coup d'État du 11 septembre 1973 contre le gouvernement de l'Unité populaire.

Réfugié au Mexique, puis en Suède, il regagna le Pérou et fut élu en 1978 député du Frente obrero, campesino, estudiantil y popular à l'Assemblée constituante. De 1980 à 1986, il fut député du Partido revolucionario de los trabajadores et, de 1990 à 1992, sénateur de la coalition Izquierda Unida.

Membre honoraire de la CCP, Hugo Blanco s'est consacré dans les années 1990 à la défense des intérêts des paysans de Cuzco et de la feuille de coca (menacée de criminalisation). En 2006, il a créé le périodique Lucha Indígena pour la défense des peuples indigènes, affirmant que ceux-ci pratiquent l'écosocialisme depuis des centaines d'années (3).

Le film de Malena Martínez Cabrera permet à travers la personnalité de Hugo Blanco de récupérer la mémoire des luttes paysannes. Car, après le conflit armé des années 1980 à 2000 (guérilla du groupe mao-stalinien Sentier lumineux), estime la cinéaste, " au Pérou, souvent, l'expression "luttes sociales" est confondue avec lutte armée : je trouve encore cela incroyable ! Les luttes sociales se font pour le changement social et peuvent ne rien avoir à faire avec les armes. Encore aujourd'hui au Pérou, quelqu'un qui lutte pour les droits sociaux est suspecté de sympathiser avec le terrorisme » (4).

Bibliographie

• Hugo Blanco, Tierra o Muerte : las luchas campesinas en Per· [introd. : Peter Camejo]. Mexico, Siglo XXI editores, 1972.

• Hugo Blanco, Nosotros los Indios. Buenos Aires, Herramienta, La Minga, 2010.

• Hugo Blanco (Dir.), Lucha Indígena (N° 1, marzo 2006).

Articles de et sur Hugo Blanco

• Dans la revue Quatrième Internationale :

- Hugo Blanco, " A propos des guérillas et des milices », n° 104 (mars 1965), pp. 45-47.

- " Arrachons la libération de Hugo Blanco », n° 109 (novembre 1966), pp. 6-10

Hugo Blanco, " Appel pour la libération du leader paysan péruvien Vicente Lanado », n° 124 (mai 1970), pp. 17-18.

- " Interview de trois prisonniers politiques, Hector Bejar, Ricardo Gadéa et Hugo Blanco, sur les problèmes de la révolution péruvienne », n° 125 (juin 1970), pp. 33-37.

- Hugo Blanco, Eduardo Creus & Juliao Bordao, " Le Chili après le putsch », n° 9/10 nouvelle série (septembre-octobre 1973), pp. 8-11.

• Dans la revue Inprecor :

- " Pérou : une interview de Hugo Blanco », n° 32 (6 juillet 1978), pp. 3-12 [Avec le projet de Constitution présenté par le PST pour l'Assemblée constituante, p. 8-9].

- " A la veille de la grève des mineurs », n° 34 (21 septembre 1978), pp. 19-22.

- " Nous appelons les travailleurs à prendre le pouvoir », n° 35 (5 octobre 1978), pp. 8-18.

- " La grève générale », n° 44 (1er février 1979), pp. 25-26.

- " La grève des paysans », n° 278 (13 décembre 1988), pp. 28-29.

- " La catastrophe imminente », n° 292 (4-17 septembre 1989), pp. 22-24.

- " Le mauvais roman de Vargas Llosa », n° 308 (4-17 mai 1990), p. 26.

- " Entretien avec Hugo Blanco », n° 447 (mai 2000), pp. 29-32.

- " La solidarité a surgi et s'est développée dans tous ses aspects » : adresse au XVe Congrès mondial [de la IVe Internationale], n° 480/481 (mars-avril 2003), p. 62.

- " Pérou : massacre de Bagua », n° 551/552 (juillet-août 2009), pp. 14-16.

- Sengo Pérez, " Hugo Blanco, un militant légendaire, pour la terre, pour la Terre Mère », n° 597 (septembre 2013), pp. 29-31.

• Autres articles

- Martín C·neo, " Les dix vies d'Hugo Blanco », Dial : diffusion de l'information sur l'Amérique latine, 3225 (14 février 2013) : http://www.alterinfos.org/spip.php?article5440

Filmographie

- Malena Martínez Cabrera, Hugo Blanco y el periódico Lucha Indígena (2014)

- Malena Martínez Cabrera, Cinco trotskistas y Hugo Blanco (2017)

- Malena Martínez Cabrera, Hugo Blanco, Río Profundo (2019)

Hanz-Peter Renk, militant solidariteS de Suisse a réalisé ce dossier pour Inprecor

notes
1. Par conséquent, Hugo Blanco parle le quechua (la langue des indigènes péruviens).

2. " Arrachons la libération de Hugo Blanco », Quatrième Internationale n° 109 (novembre 1966), pp. 6-10.

3. Michael Löwy, " Vers un écosocialisme ? », Mouvements, n° 70 (2012), pp. 107-113 : https://www.cairn.info/revue-mouvements-2012-2-page-107.htm

4. Entretien avec Malena Martínez Cabrera pour son film Hugo Blanco, Río Profundo : https://blogs.mediapart.fr/edition/cinemas-damerique-latine-et-plus-encore/article/270719/entretien-avec-malena-martinez-cabrera-pour-son-film-hugo-bl