Il y a trois mois, la direction de Numilog (1), filiale de Cevital, a licencié abusivement trois travailleurs pour avoir participé à l'installation d'une section syndicale, déclenchant un conflit social qui allait défrayer la chronique et retentir sur tout le territoire algérien et même au-delà.
Se croyant au-dessus des lois, l'employeur a ignoré les mises en demeure et les rappels à l'ordre de l'inspection du travail et refusé d'appliquer les décisions de la justice lui ordonnant la réintégration des travailleurs licenciés, l'ouverture de l'entreprise et la reconnaissance du syndicat.
Contexte
- Le groupe Cevital emploie 18.000 personnes. Il est présent dans l'agroalimentaire, la construction, l'électronique ou le BTP. Il a été fondé en 1998.
- En France, le groupe possède Brandt (1.000 salariés)
- Son PDG, Issad Rebrab, milliardaire et première fortune d'Algérie, a été arrêté le 23 avril 2019, accusé de malversations. Issad Rebrab a été cité dans les Panama papers
Trois mois durant, alors que le représentant emblématique de l'oligarchie civile algérienne croyait les réduire au silence et les soumettre en leur coupant brusquement les vivres, nous saluons la grande dignité et la bravoure exemplaire de ces travailleurs qui continuent de brandir l'étendard de la lutte contre l'oppression ouvrière et de montrer la voie du salut à des milliers de travailleurs qui partagent la même histoire, à Samha Brandt Sétif, l'autre filiale de Cevital, où des centaines de travailleurs sont licenciés abusivement.
Les travailleurs s'organisent pour combattre la terreur patronale et faire réintégrer leurs collègues.
De Numilog à Samha Brandt Sétif en passant par BSA El Kseur (2), les travailleurs inaugurent le renouvellement d'un syndicalisme combatif et démocratique dans l'environnement hostile qu'est l'entreprise privée.
Nous saluons la lutte victorieuse des travailleurs de BSA El Kseur. En effet, après un mois de grève active et une procédure judiciaire qui a entretenu le suspense, avant de débouter l'employeur, la détermination des grévistes a eu raison de l'entêtement de l'employeur qui a finalement cédé sur la plateforme des revendications dans une réunion avec les représentants des travailleurs. Les résultats de la négociation ont ensuite été soumis à l'assemblée générale des travailleurs qui les a entérinés en votant à bulletin secret la reprise du travail.
La lutte des travailleurs de Numilog, une leçon de démocratie grandeur nature !
La grève de Numilog a le mérite de clarifier les choses en matière de démocratie, de démasquer tous les faux démocrates qui dénient aux travailleurs le droit de s'organiser et de choisir leur cadre d'organisation syndicale. Elle montre au grand jour ces pseudos militants de progrès qui défendent la démocratie de classe qui donne la liberté aux riches d'exploiter à leur guise des travailleurs. Cette grève a aussi le mérite d'aider à la décantation sociale entre ceux qui choisissent le camp des travailleurs et la lutte pour l'émancipation sociale et ceux qui rejoignent le camp des bourgeois oligarques qui cultivent la servilité et la soumission. Elle contribue à dissiper enfin le brouillard qui ne permettait pas aux travailleurs et aux masses laborieuses de distinguer leurs vrais et leurs faux alliés politiques et les irradie de courage et de volonté d'engager le combat pour leur émancipation.
Le coronavirus est utilisé pour une guerre sociale contre les masses laborieuses !
Au niveau central, le pouvoir qui a mis à profit Covid-19 pour endiguer la reprise du hirak, met en place une politique d'étranglement de la vie sociale et économique dont la finalité est de liquider le reste des acquis sociaux et démocratiques des travailleurs.
Dans les entreprises privées, les répercussions économiques de cette politique sont imputées aux travailleurs qui sont mis en congé sans solde, voire jetés à la rue comme de vulgaires objets usagés. Alors que la loi oblige les employeurs à mettre une partie de leurs travailleurs en congé spécial rémunéré, les patrons les mettent tous au chômage et exercent le chantage à l'emploi, pour obtenir de l'État des subventions et des crédits financiers. Autrement dit faire payer la crise aux masses laborieuses.
Le PST, allié objectif de tous ceux qui défendent les travailleurs !
À ceux qui s'évertuent à confondre le PST en pérorant sur son engagement dans les conflits sociaux en cours, on leur dit bravo, vous avez découvert le secret de polichinelle. Ces invétérés larbins de la bourgeoisie ne comprennent pas que le monde des travailleurs est le monde naturel du PST. Tous ceux qui touchent aux travailleurs touchent au PST. À ceux qui s'offusquent de la convergence de vue entre le PST et l'UGTA de Bejaïa dans ce contexte de luttes ouvrières, nous leur disons que le PST est l'allié objectif de tous ceux qui luttent en faveur des travailleurs. Le syndicat n'est pas une finalité, mais un cadre d'organisation de la lutte sociale des travailleurs. Le PST n'a aucune préférence syndicale quelconque. C'est la combativité des travailleurs qui détermine la valeur du cadre syndical et non l'inverse.
La bureaucratie comme la démocratie ouvrière existent aussi bien à l'UGTA que dans les syndicats autonomes. Le PST n'a aucune gêne à soutenir l'UGTA quand elle défend les travailleurs et à la dénoncer quand elle les trahit, cela est également valable pour les syndicats dits autonomes. Aujourd'hui l'UGTA de Bejaïa appelle à la mobilisation ouvrière pour soutenir les travailleurs victimes de licenciement et de la répression patronale, et le PST est partie prenante de cette lutte.
* Hocine G. est militant du Parti socialiste des travailleurs (PST, Algérie).
Cité dans le cadre de l'affaire des Panama Papers parmi les personnalités ayant des comptes bancaires dans les paradis fiscaux, Issad Rebrab a été arrêté en avril 2019 pour suspicion de fausses déclarations liées à des transferts de capitaux vers l'étranger, surfacturation d'équipements importés et importation de matériel d'occasion et condamné à 18 mois de prison, dont 6 mois ferme, et une amende de 1,383 milliard de dinars (un peu plus de 10 millions d'euros) le 31 décembre 2019. Il a été libéré le 1er janvier 2020. Le journal Marianne du 3 mai 2019 a qualifié Issad Rebrab de " farouche adversaire » du clan Bouteflika et de " bête noire du régime », et les accusations dont il a fait l'objet de " fallacieux prétextes » (https://www.marianne.net/monde/algerie-l-etrange-purge-du-general-salah).
2. Les travailleurs de la Brasserie Star d'Algérie (BSA), basée à El Kseur dans la willaya de Béjaïa, ont déclenché une grève le 3 août 2020. Le 9 septembre, leurs revendications ont été pratiquement toutes satisfaites (intégration de 35 travailleurs sous CDI, un siège syndical équipé à l'intérieur de l'entreprise, paiement de la prime annuelle en ce mois de septembre, paiement majoré des journées de travail en période de repos légal…) et après discussion, l'AG des grévistes a majoritairement décidé de la reprise le lendemain. Selon un article de Mourad Bouaiche dans DZVID, " les travailleurs de Numilog et de BSA étaient en grèves interactives dans un même front syndical face aux attaques du capitalisme. Si la grève des travailleurs de BSA d'El Kseur a réussi, c'est grâce, en partie, à l'apport de la grève de leurs camarades de Numilog. » (https://www.dzvid.com/2020/09/13/les-enseignements-de-la-greve-victorie…)