Après l'échec des deux sessions d'investiture du PSOE de Pedro Sánchez (1), Anticapitalistas est convaincu qu'il est nécessaire d'enclencher une nouvelle dynamique politique et sociale.
Ces deux votes ont démontré que les seules majorités qui semblent arithmétiquement réalisables sont les suivantes : ou un gouvernement de coalition entre les forces des élites dominantes et en faveur de l'austérité, ou un virage du PSOE en direction d'un gouvernement d'un type nouveau, une coalition large avec Podemos, bénéficiant de la neutralité des partis nationalistes catalans et basques.
Synthèse et articles Inprecor
Cependant, après l'accord rétrograde conclu entre le PSOE et Ciudadanos ainsi que dans le cadre de l'actuel rapport des forces parlementaires, nous considérons qu'il est politiquement stérile de continuer d'attendre du PSOE la formation d'un " gouvernement fort pour le changement ». L'insistance de la direction du PSOE d'utiliser son accord avec Ciudadanos comme document de base pour des négociations avec d'autres forces politiques invalide, de fait, la création d'un gouvernement de transformation et de conquête des droits pour la majorité de la population, pour les travailleurs. Anticapitalistas considère donc qu'il faut aujourd'hui reconnaître qu'un tel gouvernement, alternatif à celui d'une " grande coalition » (2), n'est actuellement pas possible. Le PSOE s'est défini clairement au cours des dernières semaines : il ne peut être un allié fiable pour le processus de changement de fond des structures sociales et économiques, que la situation actuelle exige. Il est loyal envers la troïka (FMI, BCE, Commission européenne), les politiques économiques dans la continuité néolibérale ainsi qu'envers la restauration d'un régime politique à bout de souffle. Le processus de changement ouvert par le 15M (15 mai 2011, début du mouvement des Indignés) est un processus vivant, avec ses difficultés et ses reflux. Il ne peut progresser sans luttes et il ne pourra jamais être subordonné à la logique de la " réduction des espérances ». Nous ne sommes pas allés aussi loin pour nous satisfaire d'un " moindre mal », qui ne serait qu'un " plus grand mal » : l'assimilation du bloc du changement à la logique gestionnaire du " non, ce n'est pas possible » (3).
Donner encore du crédit à l'idée d'un " gouvernement du changement » de la part du PSOE génère des attentes et pourrait créer de faux espoirs. Ainsi, en vertu de l'accord PSOE-Ciudadanos, qui peut maintenant être étendu au Parti populaire, il n'y a que deux issues : une grande coalition ou de nouvelles élections. Dans les deux cas, nous devons être prêts à organiser une riposte et à être dans les meilleures conditions pour affronter les deux possibilités. Et, surtout, le discours pour un vrai changement devra être bien plus net et plus clair si nous voulons faire échouer ce pseudo-changement du régime, ou être capables de faire face au nouveau gouvernement qui pourrait sortir de l'opération en cours visant à former une " grande coalition ».
Ces nouvelles élections possibles devraient être organisées, clairement, autour d'un objectif : accumuler la force nécessaire sur le terrain social et électoral pour déborder les projets de réforme du régime et, de cette façon, placer au centre du débat politique l'horizon de processus constituants ainsi que la démocratisation de l'économie (abrogation de la réforme du travail, socialisation des secteurs stratégiques comme la banque ou les compagnies électriques, introduction de formes de contrôle des travailleurs dans les entreprises, un revenu de base), pour aboutir à un nouveau pacte confédéral entre les peuples et avancer vers un nouveau cadre institutionnel, où le pouvoir serait exercé de plus en plus à partir d'en bas.
Le défi auquel doivent faire face les forces du " bloc du changement » est immense. Nous devons intensifier la dynamique de contestation d'une éventuelle " grande coalition », et en même temps agir pour éviter la fin du cycle politique ouvert par le 15M. Cela signifie qu'il est nécessaire de continuer à élargir le champ social et politique des forces du changement. En bref, nous devons nous préparer pour être dans la meilleure position dans un scénario qui sera plein de dangers, mais aussi de possibilités pour ceux qui veulent la fin du régime de 1978 et du totalitarisme austéritaire.
Cette grande coalition - que préparent les élites, les oligarchies et les institutions européennes - pourrait se former sur la base de la passivité sociale, facilitant une dynamique politique de restauration du régime. Face à ce danger, nous considérons que seule une nouvelle dynamique de mobilisation peut modifier la dynamique politique en vigueur. Une dynamique orientée vers la création d'un sentiment de stabilité dans le cadre d'une économie qui, loin de la prétendue reprise, continue à produire du chômage, de la pauvreté et de la précarité. Face à cela, les forces du changement doivent promouvoir une grande coalition sociale pour perturber le scénario politique et social.
Anticapitalistas considère donc que maintenant il faut changer de braquet. Cela nécessite, d'un côté, de cesser d'interpeller un PSOE incapable de rompre avec les élites et le néolibéralisme. Et, de l'autre, de développer une dynamique alternative à celle des élites, une dynamique qui élargit la base sociale du bloc du changement, en y impliquant les classes populaires. Alors que les partis du régime bâtissent leur grande coalition, nous, forces du changement, sur la base de notre diversité, devons progresser dans la construction d'un bloc social capable de prendre la direction du pays, pour que le capital ne gouverne plus jamais. ■
* Anticapitalistas (Anticapitalistes, un courant politique au sein de Podemos) est la section de la IVe Internationale dans l'État espagnol. Ce communiqué a été publié sur son site web : http://www.anticapitalistas.org/comunicados/ (nous reprenons ici en la révisant la traduction d'À l'Encontre .
2. Par " grande coalition » on entend ici un accord gouvernemental entre le PSOE, Ciudadanos et le Parti populaire.
3. " no se puede » : un retournement du slogan " si, podemos » (" oui, on peut »), populaire dans les mouvements sociaux, dont vient le nom du mouvement politique-social Podemos.