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Dimanche 9 novembre, un affrontement annoncé

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Dénonciation des mensonges de Rajoy. © Jordiferrer

Les Catalans vont finalement voter le 9 novembre sur leur indépendance. Après avoir ignoré ce référendum, le gouvernement de Mariano Rajoy a demandé à la Cour constitutionnelle de le suspendre. Que cela arrive ou non, cette date va être un jour très important pour la mobilisation. Elle va voir s'affronter, d'une part, les défenseurs du droit à décider et, d'autre part, le gouvernement et tout ce qui soutient le déni du droit démocratique.

Barcelone, le 1er novembre 2014

Comme la situation change chaque semaine, il faut commencer à se rappeler ce qui est arrivé après le 14 octobre, le jour où Artur Mas, président de la Généralité de Catalogne et leader de la Convergència i Unió (coalition des partis du centre-droit), recula lors de la convocation de la première consultation.

Mas fit la proposition d'un nouveau référendum, le 9 novembre, très décaféiné : non fondé sur une loi adoptée par le Parlement, mais sur " les mécanismes juridiques existants » qui ne sont pas divulgués afin d'empêcher une nouvelle suspension par la Cour constitutionnelle ; une consultation contrôlée non par des fonctionnaires de la Generalitat, mais par des bénévoles ; sans l'existence préalable d'un recensement, mais avec des documents d'identité présentés au moment même du vote ; avec moins de bureaux de vote et sans qu'ils soient communiqués à l'avance, leur localisation devant être recherchée à partir de l'Internet etc.

La conséquence immédiate de cette nouvelle rentrée dans le jeu de la part de Mas fut de briser l'unité du bloc favorable à la requête (CiU, ERC, ICV, EUiA, CUP). Joan Herrera (juriste et secrétaire de Iniciativa per Catalunya Verds ICV) a même annoncé que, dans ces conditions, il n'irait pas voter. Toutefois, les évolutions ayant trait à la situation, comme les autres fois, restent en suspens. En particulier, la réaction du mouvement et celle de la concentration du Congrès national catalan (ANC) ainsi que d'Omnium cultural (2) qui avaient convoqué, le 19 octobre 2014, la grande manifestation sur la Plaza de Catalunya.

Synthèse

Ce jour-là, une foule conflua sur la place. Et à cette occasion il a été précisé, sans équivoque, que la nouvelle requête de Mas ne correspondait pas au référendum voulu, ni à celui qui avait été annoncé. Mais, de la sorte, on demandait aux partis politiques de reprendre les négociations afin de retrouver l'unité désirée, avec l'objectif que le référendum soit aussi proche que possible du premier, celui convoqué pour le 27 septembre et retiré ensuite par Mas. Il fut affirmé que cette fois il ne pourrait, en aucun cas, y avoir une reculade : " Le 9 novembre on votera et nous allons défier l'État inadéquat » (Muriel Casals, professeure émérite d'économie de l'UAB - Université autonome de Barcelone - et présidente d'Omnium cultural) ; " nous voulons toujours ce référendum et nous allons transformer le 9 novembre en une mobilisation pour dénoncer la régression démocratique de l'État espagnol » (Carme Forcadell, linguiste, présidente de l'Assemblée Nationale Catalane).

Il a également été demandé de convoquer des élections plébiscitaires qui se tiendraient dans les trois mois après le 9 novembre. Les dizaines de milliers de personnes qui remplissaient la place ont scandé : " Unité ! » Le sens de ce slogan ne consistait pas à exiger une unité à tout prix, mais de ne pas reculer face à une possible nouvelle interdiction de la Cour constitutionnelle. Après la manifestation du 19 octobre, Artur Mas a été contraint d'accepter le mandat portant sur l'organisation du 9 novembre, s'il ne voulait pas courir le risque, très grand, de devenir un cadavre politique. Et les partis politiques favorables au 9 novembre - donc au droit de décider - devraient mettre de côté leur colère justifiée face aux manœuvres de Mas et essayer de reconstruire l'unité de la nouvelle figure que prenait le 9 novembre. Dès lors, le 9 novembre ne pouvait plus être seulement le jour d'une consultation promise afin de disposer du point de vue des Catalans concernant l'indépendance. Le 9 novembre devait devenir un jour très important de mobilisation et d'expression de la volonté d'exercer le droit de décider.

L'unité autour du nouveau 9 novembre a pu être établie, stabilisée, suite à la réunion du Pacte Nacional pel Dret a Decidir (PNDD, Pacte national pour le droit de décider), qui a approuvé les grandes lignes de l'orientation proposée par l'ANC et Omnium sur la Plaza de Catalunya.

Pour réaliser l'ampleur du soutien existant, il suffit de rappeler, de manière succincte, les faits suivants : 96 % des municipalités, plus de 3 000 entités regroupées dans le PNDD, les syndicats (CCOO et UGT, entre autres), les employeurs, les PME, 4 000 firmes du troisième secteur, 12 500 clubs sportifs, les ONG, AMPAS regroupant 500 000 familles, etc.

L'unité vise à faire du nouveau 9 novembre une journée de mobilisation, qui soit expression de la volonté démocratique du peuple de Catalogne et une dénonciation de la régression démocratique de l'État espagnol. Mais, plus important, après le 19 octobre, est que l'ANC, dans le cadre de son slogan " Maintenant c'est l'heure », accélère la sensibilisation et la mobilisation de la société civile catalane afin d'assurer une forte participation au 9 novembre, quels que soient les deux scénarios.

Le gouvernement veut interdire le 9 Novembre

Après l'euphorie initiale - constatant que Mas reculait face à l'exigence d'une consultation populaire - le gouvernement Rajoy a semblé opter pour une attitude visant à ridiculiser et enlever de son importance au 9 novembre. Toutefois, suite la manifestation sur Plaza de Catalunya et la réunion du PNDD, il est devenu clair que le 9 Novembre était important, très important. Et Rajoy a décidé de l'attaquer. Le 30 octobre, la Commission permanente du Conseil d'État a donné satisfaction aux souhaits du gouvernement. Et elle a décidé à l'unanimité que la nouvelle consultation du 9 novembre avait les mêmes éléments de non-constitutionnalité que l'ancienne proposition référendaire. Avec cet avenant, le 31 octobre, le Conseil des ministres a décidé de demander à la Cour constitutionnelle de suspendre " tout acte de la préparation de la consultation, ceux qui ont déjà été réalisés et ceux destinés à être exécutés ». Autrement dit, ils arrêtent tout, quoi que ce soit, sans exception, afin d'éviter que Mas puisse trouver de nouveaux subterfuges juridiques

Nous ne savons pas ce que la Cour constitutionnelle décidera lors de sa réunion après le 3 novembre 2014, mais l'opinion générale est qu'elle se conformera à l'exigence du gouvernement et suspendra à nouveau provisoirement le 9 novembre.

Mais cette fois, il est peu probable, mais pas impossible, que se répète la comédie de l'histoire et que Mas recule à nouveau. Cette fois le coût politique serait beaucoup plus élevé. Jusqu'à présent, le président a déclaré qu'il ferait appel de la suspension et a déjà appelé à voter le 9 novembre.

Avec la décision de contester la nouvelle requête, le gouvernement Rajoy vise de plus en plus à convaincre les gens que si vous voulez exercer le droit de décider, il est inévitable d'opérer une rupture avec la loi. Il n'y a pas de subterfuge juridique qui tienne : ou capituler ou désobéir.

Mais les gens iront voter

Le même jour, le 30 octobre, l'ANC et Omnium ont fait la clarté : " Quoi qu'il arrive, nous voulons voter. Nous voulons des files d'attente devant les bureaux de vote pour faire valoir notre droit à nous exprimer. Nous voulons que ce soit une dénonciation de cet État oppressif ». Ce ne sont pas que des mots. La machine est déjà en place dans tous les coins du pays, même si l'essentiel de l'effort va tomber sur l'ANC, tous les partisans du droit à décider vont se serrer les coudes. Parmi les principales activités il y aura : un marathon d'appels téléphoniques pour encourager le vote, une distribution dans les boîtes aux lettres afin d'atteindre 70 % des ménages, la publication d'un demi-million de brochures, et enfin la grande assemblée centrale, le 7 novembre, avenue Maria Cristina à Barcelone, à partir de 20 heures.

Le 9 novembre, deux choses peuvent se produire. Si la Cour constitutionnelle a la sagesse, improbable, de ne pas accepter la proposition du gouvernement Rajoy, ce dernier sera discrédité. S'accumuleront d'autres éléments d'une crise, et des millions de personnes vont aller tranquillement et paisiblement voter. Ce qui donnera une majorité confortable au Oui-Oui et une petite minorité au Non-Non, parce que les partisans de cette option (PP et Ciutadans : une plateforme d'intellectuels opposés au nationalisme catalan) appellent au boycott, donc à ne pas voter.

Si la Cour constitutionnelle se conforme au pronostic le plus probable, et ainsi suspend la nouvelle exigence de référendum, des centaines de milliers de personnes vont également se rendre aux urnes pour tenter de voter, dès neuf heures du matin. Elles vont y rester paisiblement et essayeront de montrer au monde - au moyen de photos, de vidéos, de messages et de tous les types de médias - que l'État espagnol réprime la liberté et la démocratie. La mobilisation sera massive parce que l'interdiction va augmenter l'indignation; et cela pas seulement contre le gouvernement, mais aussi contre la Constitution et ceux qui approuvent l'interdiction, y compris PSOE (Pari socialiste ouvrier espagnol).

Le 9 novembre sera une date décisive qui va marquer la situation politique en Catalogne et peut-être dans tout l'État espagnol. Y aura-t-il des élections anticipées en Catalogne ? Qu'elles aient lieu et sous quelle forme, cela dépendra également du 9 novembre. ■

* Martí Caussa a été un des animateurs et fondateurs de la LCR dans l'État espagnol. Il milite actuellement dans le cadre du Processus constituant - Procés Constituent - en Catalogne. Cet article a été d'abord publié par Viento Sur (http://www.vientosur.info) puis, traduit en français, par A l'Encontre (http://alencontre.org

notes
1. Le 9 novembre 2014, date du référendum annoncé sur le statut de la Catalogne. Voir l'article de Josep Maria Antentas, 11 septembre et 9 novembre : le moment de vérité, publié dans Inprecor n° 607/608 d'août-septembre 2014 : http://ks3260355.kimsufi.com/inprecor/article-inprecor?id=1658

2. Omnium cultural est une association qui depuis des décennies agit pour promouvoir la langue et la culture catalanes et " pour la liberté de la Catalogne ».

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