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Une victoire électorale qui ouvre sur des tâches plus difficiles

par

Les résultats des élections européennes - 26,6 % et 1,5 million de suffrages pour Syriza - traduisent une claire victoire de la gauche radicale en Grèce.

Athènes, le 26 mai 2014

Le gouvernement de coalition de la Nouvelle Démocratie (ND) et du Pasok (Mouvement socialiste panhellénique) s'affirme dorénavant comme un exécutif minoritaire. Pour la première fois, cela est confirmé dans les urnes et pas seulement à l'occasion de sondages.

Ce gouvernement ne dispose plus d'une légitimité démocratique parlementaire (1) pour appliquer les mesures extrêmes d'austérité qui sont intégrées dans le " programme à moyen terme », c'est-à-dire le nouvel accord passé par la classe dominante grecque et les " créanciers » internationaux.

Le succès de Syriza se fait plus évident si nous avons à l'esprit le difficile test de trois élections : les élections municipales, provinciales et européennes.

Synthèse

Pour ce qui a trait aux élections municipales, les difficultés à surpasser sont beaucoup plus grandes dans la mesure où " les politiciens locaux », disposant d'un réseau clientéliste, sont plus difficiles à chasser. La vague énorme de choc politique - qui a pris son essor sous les effets de la crise " financière » et des luttes de masses de 2010-2012 - touche ces lieux avec retard. Ce qui s'est confirmé par l'irruption de candidats " indépendants ».

Même sur ce terrain difficile, Syriza a obtenu des avancées significatives telles que la victoire dans la province de l'Attique - qui inclut la capitale Athènes et les municipalités qui l'entourent -, celle dans la province des îles de la mer Ionienne et de nombreuses autres municipalités ayant une forte composition sociale de travailleurs.

Entre le premier et le deuxième tour des élections locales, Syriza a donné la preuve qu'il n'avait pas une attitude arrogante face aux autres composantes de la gauche. De manière unilatérale et immédiate, Syriza a appelé à soutenir les candidats du KKE (Parti communiste) lorsqu'ils faisaient face aux candidats de la Nouvelle Démocratie ou du Pasok au second tour. Ce fut le cas dans les municipalités de Patras, Chaïdari [banlieue d'Athènes], Petroupoli [nord-ouest d'Athènes], Ikaria [île de la mer Egée orientale]. Les victoires marquées des candidats du KKE dans toutes ces municipalités prouvent que la base électorale de Syriza a bien reçu le message du principe d'une unité de la gauche radicale et a appliqué cette orientation politique dans sa très large majorité, sans hésitation.

Heureusement, les camarades d'Antarsya (2) ont adopté une approche similaire appelant à voter pour le candidat de Syriza pour la municipalité d'Athènes au second tour. Malheureusement, le KKE a choisi une tactique électorale consistant à maintenir " une distance égale » entre Syriza et les candidats de la coalition gouvernementale. Il a demandé à sa base de rester neutre.

Dans la municipalité d'Athènes, Gavriil Sakellaridis, candidat de Syriza, s'est approché du seuil d'une majorité électorale. En effet, il a été battu de peu par Georges Kaminis (maire d'Athènes entré en fonction en janvier 2011), candidat soutenu par une coalition des partis pro-austérité qui a réuni 51,4% des suffrages contre 48,6% pour Sakellaridis. Ce résultat est la preuve que la neutralité (" la distance égale » prônée par le KKE) n'est jamais neutre en dernière instance.

Il faut souligner le relief particulier des victoires dans une série de municipalités où la dynamique électorale était nettement enracinée dans un programme radical et sans ambiguïté ainsi que dans des alliances propres aux mobilisations sociales. On peut citer comme exemples les villes suivantes : Chalandri [au nord-est d'Athènes], Philadelphia [dans la conurbation d'Athènes], Keratsini [à l'ouest d'Athènes]. Ces résultats fournissent la preuve, une fois de plus, qu'une orientation radicale de gauche ne conduit pas à la marginalisation. Au contraire, dans un contexte de crise, c'est une précondition pour obtenir des victoires difficiles et y compris inattendues.

Élections européennes

Lors des élections européennes, Syriza s'est affirmé comme le premier parti, avec une avance de 3,8 % sur la Nouvelle Démocratie. Cela confirme les succès politiques et électoraux des mois de mai et juin 2012. Ces derniers n'étaient pas aléatoires, ils n'étaient pas qu'un feu de paille dans une conjoncture, à l'époque, de révolte contre l'austérité.

Malgré les attaques brutales de la classe dominante et des médias (contrôlés de manière monopolistique par la droite), Syriza a pu conserver des forces et les affirmer à un niveau élevé, plaçant la gauche radicale au premier rang et rendant tangible la perspective d'un gouvernement de gauche. Il faut noter que ce succès s'est affirmé au moment où le mouvement de masse est relativement en déclin, du moins si on le compare à la révolte sociale qui a marqué les années 2010 à 2012.

Le KKE, qui s'est appuyé sur sa force et ses capacités organisationnelles, a réussi à consolider sa position par rapport à juin 2012, mais se trouve au-dessous du niveau de mai 2012. Il a obtenu 6,09 % des suffrages, soit 341 748 vote ce 25 mai 2014. En juin 2012, il avait obtenu 4,5 % et 277 227 votes. En mai 2012, 8,48 % et 536 072 votes.

Quant à Antarsya, cette coalition a obtenu 0,72 % et 40 396 votes le 25 mai 2014 ; cela doit être comparé aux 0,33 % et 20 396 votes de juin 2012 et aux 1,19 % et 75 416 votes de mai 2012.

Mais le recul relatif du mouvement de masse, malgré les luttes héroïques des nettoyeuses des ministères, des enseignants, des infirmières, etc. a offert au gouvernement une certaine marge de manœuvre et la capacité de réunir des forces au plan électoral.

Le principal point d'appui dans cette perspective se situe dans ce qui est qualifié de centre gauche. Autrement dit, le vote combiné en faveur de diverses forces de centre gauche indique qu'il existe encore un espace politique pour le social-libéralisme, du moins pour qu'il survive. Le résultat de l'Olivier (nom choisi par le Pasok pour se présenter aux élections européennes, qui fait allusion à l'Ulivo de Prodi créé en 1995 et dissous en 2007) à hauteur de 8,03 %, soit 450.000 suffrages, et le score de la Rivière (To Potami, nouvelle formation lancée en 2014 par la vedette de télévision Stavros Theodorakis et jouant la carte de l'opposition à la classe politique), qui a obtenu 6,6 % des suffrages, soit 370.000 voix, confirme le poids relatif de ce " centre gauche ». Il faut encore y ajouter les voix captées par Dimar, la Gauche démocratique de Fotis Kouvélis (3), qui a participé au gouvernement de Samaras-Venizelos et qui, actuellement, l'appuie du dehors. Certes, l'addition de ces votes est inférieure à ce que, par le passé, le Pasok pouvait réunir (4). Le futur de ces forces dites de centre gauche dépendra d'une question : quelle sera leur position face au gouvernement d'Antonis Samaras. Soit ces partis choisissent de soutenir le gouvernement dont la Nouvelle Démocratie est la colonne vertébrale, soit ils optent pour un cours indépendant ou relativement indépendant.

Pour l'instant, cet " espace » politique occupé par le " centre gauche » - autrement dit par des démagogues revendiquant une certaine " sensibilité sociale » - sert avant tout la direction de droite extrême de la Nouvelle Démocratie pour l'application d'une austérité sans merci et inédite dans l'histoire contemporaine. Ce " centre gauche » permet à Samaras d'espérer pouvoir maintenir en place le gouvernement jusqu'en 2016.

La face obscure des résultats électoraux réside dans les votes obtenus par les néonazis d'Aube dorée : 9,39 % des voix, soit 527.000 suffrages. DEA au sein de Syriza a systématiquement mis l'accent, afin de battre et écraser les néonazis, sur l'objectif de mettre en échec l'austérité, de mener conjointement une bataille idéologique antiraciste incluant les migrants, de généraliser des mobilisations de masse antifascistes qui empêchent les néonazis d'occuper l'espace public. En outre, nous devons accroître les efforts de la gauche de radicale afin de couper le cordon ombilical qui relie Aube dorée avec l'Etat et ses diverses institutions (police de choc, des secteurs de l'armée, une partie de l'appareil judiciaire, etc.).

Avec cette analyse et approche d'ensemble, des leçons fort utiles peuvent être dégagées pour les militants des mouvements de résistance et de la gauche radicale. Le succès électoral de Syriza est réel et il crée un environnement politique nouveau. Toutefois, le renversement du gouvernement de coalition, la rupture des accords passés avec la Troïka (BCE, FMI, UE), la mise en question de l'austérité constituent des tâches beaucoup plus complexes et difficiles qu'une bataille électorale au sens étroit du terme.

Nous avons besoin d'un mouvement de masse, organisé d'en bas, qui se traduise par une présence dans la rue et des actions de grève. Nous avons besoin d'un accroissement des batailles politiques stimulées par la gauche radicale. Nous avons besoin d'une alliance entre Syriza, Antarsya et le KKE, comme élément permettant d'organiser beaucoup plus largement les activistes qui ne sont pas " encartés ». Et cela exige un programme clair de la gauche radicale, entre autres ayant trait aux caractéristiques et aux actions d'un gouvernement de gauche effectif, cela placé dans une orientation anticapitaliste et socialiste. ■

* DEA (Gauche ouvrière internationaliste) fait partie de la Plateforme de gauche de Syriza qui est composée par le Courant de gauche, dont le porte-parole le plus connu est Panagiotis Lafazanis, et le Red Network, qui réunit DEA, Kokkino et APO. (Traduction A l'Encontre : http://alencontre.org/europe/grece/grece-une-victoire-electorale-qui-ou…)

notes
1. Dès les résultats des élections européennes confirmées, Alexis Tsipras, leader de ladite majorité présidentielle de Syriza, a rencontré le président grec Karolos Papoulias. Il lui a demandé de convoquer des élections anticipées car le parlement élu précédemment ne correspond plus à l'importance respective des forces politiques telle que l'ont enregistrée les résultats des élections européennes. Cela d'autant plus, selon Alexis Tsipras, que " tous les analystes avaient indiqué qu'un écart dépassant 3 % marquerait un séisme dans la vie politique grecque ».

2. Antarsya (Front de la gauche anticapitaliste grecque) a été créé en 2009. Il regroupe, entre autres, le Parti ouvrier socialiste (SEK), le Courant de la nouvelle gauche (NAR), l'Organisation des communistes internationalistes (OKDE-Spartakos, section grecque de la IVe Internationale), etc.

3. Fotis Kouvélis, le mercredi 28 mai, a présenté sa démission de la présidence de Dimar. Pour rappel, cette formation avait obtenu 6,5 % des voix en juin 2012. Avec le résultat obtenu lors des européennes, Dimar est en dessous du quorum nécessaire pour obtenir des sièges au parlement grec lors de législatives. (Réd. A l'Encontre)

4. En 2009, lors des législatives, le Pasok de Georges Papandréou obtenait 43,92 % des suffrages exprimés.

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