Dans la région de Valence, l'argent public est dilapidé par le transfert de soins de santé à des sociétés privées sous couvert de " partenariats public-privé ». Au même moment, les remboursements des médicaments pour les maladies graves sont réduits.
València, le 5 octobre 2013
La Cour des comptes a publié un rapport sur la privatisation de la radiologie dans le Pays valencien qui dit ce dont tout le monde s'est plaint durant des années : l'argent public a été dilapidé. Près de 17 millions d'euros par an ont été transférés, sans justification, à une société privée et ce surcoût n'a pas garanti un service adéquat. Entre autres, le prix payé à la société Erescanner pour une exploration par résonance magnétique est de 257 €, alors que la même opération réalisée par une équipe publique coûte 108 €. Ces 17 millions permettraient d'employer durant une année 340 médecins, c'est-à-dire doter de médecins 40 nouveaux centres de soins primaires. Malgré le rejet professionnel et la dénonciation de la Cour des comptes, le ministère régional de la santé a maintenu ce contrat jusqu'en 2018, ce qui implique un surcoût de 85 millions d'euros.
D'autre part, 4,5 millions d'euros ont été retirés du budget régional de la santé pour payer les intérêts de retard à une entreprise, retard dû à une démarche tardive de certification d'un centre de santé publique. Cet argent aurait pu permettre de payer durant une année 125 infirmières. Selon une estimation réalisée par les professionnels de ces centres de santé privés, leur gestion privée représente un surcoût annuel de 220 millions d'euros par rapport à une gestion publique. Avec cet argent on aurait pu payer plus de deux fois la réforme des services de santé mentale, bien mal traités, en les intégrant au système de soins communautaire. Ou bien payer des milliers de chercheurs. Tout ceci n'a pu être réalisé à cause de la " gestion » réalisée par le gouvernement régional valencien, un gouvernement qui nous ment lorsqu'il attribue les coupes budgétaires à la " crise » et à la " réduction du déficit » (qui n'est rien d'autres que le payement de la dette illégitime) et lorsqu'il justifie les privatisations par " l'efficacité » du secteur privé.
Ces transferts de l'argent de la santé publique à des entreprises privées ont lieu alors que, en même temps, les remboursements des médicaments pour les maladies graves, tel le cancer ou les maladies rhumatismales, ont été réduits, que presque tous les centres de santé ont été fermés à partir de 15 h, 1 400 lits hospitaliers ont été fermés dans l'ensemble du pays, que le personnel formé pour les urgences médicales a été licencié par les Centres d'information et de coordination des urgences et que le nombre d'ambulances de ces services a été réduit.
Comment expliquer ce transfert d'argent public à des entreprises privées alors qu'est conduite une politique de réductions budgétaires généralisées ? Le ministère nous dit que les entreprises privées sont plus efficaces que la santé publique et que cette dernière n'est pas viable. Toutefois, la Cour des comptes affirme le contraire et annonce que les fonds publics ont été mal employés.
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Pourquoi le ministère régional est-il si " inefficace » ? Pour l'Association valencienne de défense de la santé publique (ACDESA) la raison essentielle c'est la passage de la santé publique dans les mains privées, que le ministère de la santé présente comme le " partenariat public-privé ». Il est bien connu que le résultat de ce " partenariat » implique justement le transfert de ressources publiques à des services privés. Légiféré par la loi 15/97, ce " partenariat » signifie que les subventions pour le secteur privé de la santé augmentent régulièrement alors que les dépenses pour la santé publique diminuent proportionnellement. Un petit exemple : la fermeture des lits psychiatriques dans l'hôpital général d'Elx et le déplacement des patients à 40 km, à l'hôpital privé de Torrevella. Un autre : la presse a dénoncé le fait qu'un patient a attendu près d'un an une opération chirurgicale maxillo-faciale, car il refusait le transfert dans un centre géré par Sanitas. Il faut garder à l'esprit que, pour être rentable, un hôpital ou une clinique privée ne peuvent supporter une alternative de soins publics de qualité… Autrement dit, si parallèlement à la privatisation la santé publique n'est pas démantelée, la majorité des patients exigera d'être soignée par la santé publique et les sociétés qui gèrent les centres privatisés ne feront pas d'affaires.
La décision de privatiser la santé a de graves répercussions économiques et sociales. Dans le domaine économique, la privatisation de l'hôpital Alzira est un cas exemplaire. Lorsque les résultats financiers n'ont pas été au goût des l'entreprise privée et qu'elle se disait " dans le rouge », la Generalitat a sauvé l'hôpital en recommençant l'adjudication avec de nouvelles règles, plus favorables au concessionnaire. Cela a coûté aux finances publiques 69,4 millions d'euros ainsi qu'une augmentation de la subvention annuelle de 85 %. Depuis lors, la subvention a été encore accrue de 68 %. Tout cela c'est traduit par une augmentation du déficit et de l'endettement public. Ces méthodes de concessions sont inefficaces et, si elles ne sont pas illégales, elles sont illégitimes. La Cour des comptes qui peut avoir un accès direct aux documents et aux factures, d'une part, et l'audit citoyen, d'autre part, sont indispensables et doivent collaborer pour garantir le retour au secteur public de tout ce qui a été privatisé, sans aucune indemnité.
Nous savons par ailleurs que les services de santé privés à but lucratif ne fournissent pas l'assistance indispensable à la population et que les revues scientifiques de meilleur niveau ont démontré la mauvaise qualité des soins qu'ils fournissent et un niveau plus élevé de mortalité de la santé privée.
Nous devons donc exiger du ministère un service de santé à 100 % public. L'ordonnance de la Cour qui a suspendu la privatisation de six hôpitaux de Madrid indique qu'il " est difficile de comprendre comment les responsables de l'administration, chargés de la gestion publique de ce service essentiel, assument ainsi leur propre incapacité à le gérer avec plus d'efficacité ». Mais la population résiste. À Marina Alta, la population a obtenu que les mairies, y compris celles dirigées par le Parti populaire, exigent le retour au public du service de santé privatisé. À Madrid, la coopération entre le personnel médical et les usagers a paralysé les privatisations et demande des comptes à ceux qui en portent la responsabilité. C'est la voie pour abroger un système de santé inhumain. ■
* Manuel Girón, Begonya Bevià, Francisco Macià sont militants de l'Association valencienne de défense de la santé publique (ACDESA). Nous reproduisons cet article du Diario Información : http://www.diarioinformacion.com