Istanbul, le 25 juin 2013
L'explosion de colère du 31 mai 2013 qui ne s'est toujours pas éteinte à ce jour, a été un mouvement unique en Turquie qui a conduit, d'après les chiffres données par le ministère de l'Intérieur, 2,5 million de gens à descendre dans la rue. Il y a eu quatre morts et 4.600 blessés dont 600 policiers. Des milliers de gens ont été mis en détention, et ceux qui ont participé aux manifestations à leur domicile en tapant sur les pots et casseroles ne sont pas inclus dans ces chiffres.
Sur la Turquie
Cette explosion qui a lieu en Turquie, citée comme exemple du paradis néolibéral au Moyen-Orient et dans d'autres pays en voie de développement, n'a pas été le produit d'une revendication sociale précise comme cela avait été le cas dans d'autres soulèvements populaires du passé ou dans le soulèvement actuel au Brésil que la résistance de Taksim a inspiré. On n'a pas assisté, jusqu'à maintenant, à des pillages. Dans une atmosphère où l'intervention d'un Premier ministre qui pensait avoir consolidé son pouvoir sur tous les plans avait atteint son apogée - intervention dans plusieurs domaines de la vie quotidienne allant du flirt à l'habillement, à la consommation d'alcool, et même au nombre d'enfants à faire -, les gens sont descendus dans la rue dès qu'ils ont été mis au courant par les réseaux sociaux ou par un ami de ce que la police avait fait aux gens s'opposant à l'enlèvement des arbres dans un parc en plein centre d'Istanbul, et en peu de temps leur nombre s'est élevé à des millions.
Le gouvernement qui s'est retrouvé confronté à ce mouvement, ayant éclaté dans le climat plutôt optimiste qu'il avait créé en entamant un processus de négociations avec le mouvement national kurde, a adopté une attitude extrêmement sévère envers les manifestants. Il a mis de l'huile sur le feu et le nombre des manifestants s'est accru après chaque discours du Premier ministre et chaque violence policière. Le gouvernement a ainsi réussi à rassembler dans un front uni tous ses opposants, aussi bien ceux qui étaient déjà connus que ceux qui participaient pour la première fois à une action politique. Par conséquent, tout semble maintenant remis en cause dans une Turquie qui entre dans une période critique avec les élections et les débats sur la nouvelle Constitution. ■
* Masis Kürkçügil, théoricien marxiste et un des fondateurs de la nouvelle gauche turque dans les années 1960, est membre de la direction de Sosyalist demokrasi icin Yeni Yol (Une nouvelle voie pour la démocratie socsialiste, section turque de la IVe Internationale).