Comme l'Argentine en 2001, la Grèce doit rompre avec la troïka et suspendre le paiement de la dette.
Une grande partie de la population grecque a démontré depuis le premier mémorandum de mai 2010 une opposition croissante aux mesures d'austérité imposées par les autorités grecques et la troïka : grèves générales, occupation des places publiques, manifestations de rue, mouvement de résistance aux augmentations de tarif des services et des transports, sans oublier la relance de l'activité de certains services comme celui de l'hôpital de Kilkis en Macédoine ou le redémarrage le 15 février 2012 du quotidien Eleftherotypia sous conduite des travailleurs.
La soumission et la compromission du gouvernement grec avec la troïka ne fait qu'aggraver la situation économique du pays et viole les droits économiques et sociaux de la population.
Le dernier plan, mensongèrement appelé " de sauvetage », constitue une étape de plus dans l'abandon de la souveraineté de la Grèce par rapport à l'Union européenne et aux créanciers : l'ensemble des nouveaux crédits ira au remboursement d'une dette qui est très largement illégitime et sera géré directement par les créanciers.
Les peuples des pays du Sud de la planète ont été soumis pendant deux décennies (1982 au début des années 2000) à ce genre de politique. Elle utilise le prétexte du remboursement de la dette comme arme pour détruire une série de conquêtes sociales qui constituent des droits économiques et sociaux fondamentaux.
L'Argentine est un cas emblématique. Après 25 ans de politiques néolibérale (1976-2001) et une succession de plans d'austérité menés par le FMI, une rébellion populaire a éclaté en décembre 2001 et a conduit à la chute du gouvernement. Les nouvelles autorités ont décrété unilatéralement la suspension du remboursement de la dette publique sous formes de titres vendus sur les marchés financiers pour un montant de 90 milliards de dollars. Cela reste jusqu'à aujourd'hui la plus importante suspension de paiement de l'histoire. Après trois ans de suspension de paiement au cours desquels le gouvernement a mis en place une politique de relance économique et a refusé de suivre les recommandations du FMI, l'Argentine a imposé aux créanciers une réduction de dette de 65 %. A partir de fin décembre 2001, l'Argentine a aussi suspendu le remboursement de sa dette bilatérale (pour un montant de 6,5 milliards de dollars) à l'égard de pays comme l'Espagne, la France, l'Allemagne, l'Italie, la Grande-Bretagne… réunis dans le Club de Paris. Cette suspension de paiement dure depuis dix ans et l'Argentine s'en porte très bien. Entre 2003 et 2012, son taux de croissance annuel moyen a atteint 8 %. Si l'Argentine n'avait pas suspendu le remboursement de la dette et si elle n'avait pas refusé les diktats du FMI et des autres créanciers, elle aurait été incapable de profiter à partir de 2004-2005 de l'augmentation du prix des produits qu'elle exporte sur le marché mondial. Toutes les recettes auraient été englouties par le remboursement de la dette. Sous la pression populaire, les autorités argentines ont refusé les augmentations de tarif de l'électricité, de l'eau, des télécommunications, etc. que voulaient imposer les transnationales étrangères et le FMI. Les conditions de vie des Argentins se sont nettement améliorées et aujourd'hui des citoyens européens prennent le chemin de ce pays pour essayer d'y trouver un travail digne. L'exemple de l'Argentine montre que c'est en refusant de se soumettre aux créanciers et au FMI pour payer une dette largement illégitime qu'on peut relever la tête et améliorer les conditions de vie de la population.
Comme indiqué au début de cet article, il faut que le combat des Grecs ne reste pas isolé. Il faut construire un large mouvement de solidarité et, avec l'ensemble peuples européens, bâtir un front de résistance pour l'annulation de la dette illégitime et la refondation complète d'une Europe des peuples via un processus constituant authentiquement démocratique. ■
* Éric Toussaint, président du Comité pour l'annulation de la dette du Tiers monde (CADTM), membre de la Commission présidentielle d'audit intégral de la dette (CAIC) de l'Équateur et du Conseil scientifique d'ATTAC France, est militant de la Ligue communiste révolutionnaire (section belge de la IVe Internationale) et membre du Comité International de la IVe Internationale. Il a récemment dirigé avec Damien Millet le livre collectif La Dette ou la Vie (Aden-CADTM, 2011) et a participé au livre d'ATTAC : Le piège de la dette publique. Comment s'en sortir (édition Les liens qui libèrent, Paris, 2011). Cet article a été écrit pour le journal Eleftherotypia des travailleurs.