C'est arrivé : nous nous révoltons

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La nuit dernière (du 20 au 21 mai) la Puerta del Sol a été, jusqu'à présent, l'un des événements les plus émouvants que j'ai pu vivre dans ma vie. Non seulement parce qu'on a pu, à nouveau, constater le fonctionnement parfait de ce qu'on appelle " La République de Sol », avec ses commissions répondant aux attentes de tout les gens qui y passent, avec ses groupes de travail en assemblée permanente qui débattent dans la rue sur des questions que les " hautes sphères » veulent occulter dans leurs bureaux (économie, logement, services publics, monarchie, privatisations…), avec ses groupes " d'attention » (loisirs, crèches, repos) pour permettre la participation conviviale de tous et toutes…

Non seulement pour l'imagination débordante qu'on y trouve à chaque recoin grâce aux centaines de pancartes et calicots rédigés par les gens, et non par les " experts » qui nous appellent à voter pour ceux qui " s'occupent de toi » ou pour le " président des simples gens » (1). Non seulement pour la quantité de jeunes entre 25 et 35 ans qui participent à ce Mouvement du 15 Mai et qui connaissent ici leur première expérience militante, dans cet événement fondateur pour toute une génération.

Je dis non seulement car, le plus important, hier, ce fut que les gens ont défié les interdictions des autorités et ont décidé que ces lois ne les représentaient pas. Et ils l'ont fait sans cesser de crier pendant plus de cinq heures contre les banques, contre Botin (2), contre le PSOE et le PP, contre cette démocratie, contre les spéculateurs et contre ce " monde de merde » que nous avons.

A Sol, comme le dit Walter Benjamin, l'histoire se condense. Cette fois ci, il ne s'agit pas seulement de revendiquer un logement digne ou de demander le retrait de la LOU (3) ou du processus de Bologne (4). Cette fois, toute une génération est en train d'exiger, de manière organisée un changement du système politique et économique, de bas en haut. Et comme la révolte est contagieuse, chaque jour s'ajoute une nouvelle place occupée, ici et à l'étranger, à cette " spanish revolution ».

Bientôt arriveront des moments décisif pour le Mouvement du 15 Mai, avec les tentatives de calmer la protestation avec quelques mesurettes ou avec la pression médiatique pour qu'elle reste une " gentille révolution » qui ne remette pas en question les piliers sur lesquels repose le système. C'est pour cela que, au-delà des légitimes revendications liées à la réforme des lois injustes et antidémocratiques, il sera très important de réclamer d'ouvrir un nouveau processus constituant. La Constitution de 1978, personne, parmi les jeunes générations présentes dans les places, ne l'a votée. Les politiciens professionnels, le système électoral, les attaques contre les droits fondamentaux, la primauté donnée aux marchés, ont un sens parce qu'ils s'appuient sur cette Constitution. Rompre avec elle et préparer, au travers de commissions populaires comme celle de Sol, une nouvelle Constitution pourrait changer les bases de l'Espagne actuelle. L'horizon du possible s'élargit chaque jour à Sol et, cette fois-ci, nous pouvons demander la lune, parce que nous avons déjà le Soleil (Puerta del Sol signifie " Porte du Soleil »)… ■

* Ra·l Camargo est militant d'Izquierda Anticapitalista.

notes
1. slogans utilisés pendant la campagne électorale (NdT).

2. Emilio Botin, directeur de la Banque Santander, est l'un des hommes les plus riches d'Espagne (NDLR).

3. loi sur les université (NdT).

4. processus de réformes européen de l'enseignement supérieur (NDLR).

traducteur
www.lcr-lagauche.be