Des militants de gauche en Russie, dont des camarades du groupe Vpered (" En avant »), ont lancé une lettre ouverte pour protester contre la vague de répression, au nom de la lutte contre l'" extrémisme », qui touche tous les militants sociaux, démocratiques ou syndicalistes de la fédération de Russie.
Lettre ouverte sur la répression des militants sociaux et de gauche en Russie
Depuis un an, nous assistons à une importante augmentation de la répression de la police russe et des services de sécurité contre les militants des mouvements sociaux et des partis politiques de gauche. Alors que les précédentes répressions étaient principalement centrées sur des accusations, sans fondement, concernant des activités concrètes de ces groupes, aujourd'hui nous assistons à une campagne agressive de l'État russe contre tous ce qui est catalogué comme " extrémisme », pour quelque raison que ce soit.
La loi de la fédération russe sur " la prévention contre les activités extrémistes » votée en 2002 a été amendée deux fois depuis (en 2006 et en 2007). Les bureaucrates d'État, les services de police et les cours de justice n'ont cessé d'élargir cette notion d'" extrémisme ». Ainsi, des juges et des officiers de police qualifient d'" extrémiste » non seulement des organisations mais aussi des discours tenus en public ou des " incitations au désordre populaire ». Cette qualification permet aux bureaucrates et au parquet de lancer des poursuites judiciaires.
La police russe et les services de sécurité utilisent des mesures répressives préventives comme des arrestations illégales ou le refus du droit de se réunir pour tous ceux qui sont qualifiés comme "extrémistes".
À l'automne 2008, une unité spéciale de police pour combattre l'extrémisme, le Centre pour la prévention de l'extrémisme (appelé Centre E), a été constituée, au sein du ministère de l'Intérieur. Elle est aujourd'hui en activité dans toutes les régions de la fédération russe.
Depuis le début de l'année, la police a violement interrompu des dizaines d'évènements publics, manifestations ou rassemblements, pourtant légaux. Les agents du centre E ont recours de plus en plus souvent à des provocations dont le but est de permettre de fabriquer des preuves permettant de monter des accusations criminelles contre les militants. Le cas le plus connu est celui d'Artem Loskutov, un anarchiste et artiste de Novosibirsk qui a passé plus d'un mois en prison parce que des agents du Centre E avaient placé des narcotiques sur lui. Une autre pratique consiste à déclarer des organisations, des publications ou des groupes extrémistes sans aucune raison. Cela permet de les rendre illégales et ouvre des possibilités illimitées de les poursuivre en justice. L'exemple récent le plus ridicule de cette pratique est celui d'une organisation sur les droits civiques de Novorossisk (port sur la mer Noire) qui a été accusée d'extrémisme par des " témoins experts » ayant détecté que les militants avaient crié lors un rassemblement : " le droits ne sont pas donnés, il faut les prendre ! »
Voici une liste des actions récentes du Centre E :
• Fin août, une cour de Tver (nord-ouest de Moscou) a considéré " extrémistes » des tracts publiés par une section locale du syndicat interrégional des travailleurs de l'automobile (ITUA). Cela signifie que l'entièreté du syndicat, qui est connu comme l'organisation la plus militante du mouvement ouvrier organisé de Russie, est directement menacé d'être banni comme " groupe extrémiste ».
• Le 31 octobre, des agents du Centre E ont fait une perquisition brutale et illégale dans les bureaux moscovites du Front de gauche frappant et arrêtant tous les militatants qui se trouvaient sur place.
• Le 4 novembre, environ 40 participants à une manifestation antifasciste à Moscou ont été arrêtés sans raison. Ils ont été retenus dans un poste de police pendant plus de trois heures et chacun d'entre eux a été illégalement photographié et forcé de fournir des informations sur sa vie privée.
• Le 6 novembre, des inconnus ont mis le feu aux bureaux du parti dirigeant, Russie unie, de Penza (sud-est de Moscou). Après cet incident, presque tous les militants d'opposition locaux, y compris les dirigeants de la branche locale de jeunesse du Parti communiste de la fédération de Russie, ont été victimes de fouilles illégales et d'arrestations.
• Le 6 novembre, plusieurs militants dirigeants du mouvement local antifasciste et anarchiste d'Izhevsk ont été illégalement détenus. Ils ont été contraints par les agents du Centre E de témoigner sur leur prétendue complicité avec un appel téléphonique menaçant de bombe le ministère de l'Intérieur, le 4 novembre. Au cours de l'année, les antifasciste de Izhevsk ont été la cible d'une intense campagne de répression par les agents du Centre E. Plus d'une centaine d'entre eux ont été illégalement arrêtés et ont subi des interrogatoires et ont reçu des menaces directes contre leur sécurité physique.
• Le 7 novembre, des militants du Mouvement socialiste Vpered, à Samara, ont été arrêtés sans raison au départ de la manifestation commémorant la révolution d'octobre. Avant cet incident, des militants locaux ont été l'objet d'intenses investigations par les agents de Centre E. De nombreuses fois ils ont été illégalement arrêtés et physiquement forcé de faire un rapport.
• Le 7 novembre, à Saratov, des militants de Vpered et des anarchistes ont été détenus durant la manifestation de commémoration de la révolution d'octobre après avoir été impliqués dans une altercation verbale avec un inconnu. Le soir, le Bureau de la résistance populaire à la crise, une coalition locale de militants de gauche et sociaux, a été attaqué et saccagé par une bande de néo-nazis qui, selon certaines informations, ont des liens avec la police.
• Depuis la fin août, la branche locale de la Confédération syndicale sibérienne du travail (SKT) a été la cible d'une intense campagne de pression des autorités locales et de la police. La police et des agents du Centre E ont menacé des militants étudiants du SKT d'expulsion des universités. Les locaux de cette organisations sont menacés d'âtre fermés.
Cette liste des récentes actions anti-extrémistes de la police russe est fort incomplète. Nous sommes convaincus que le véritable but de ces actions et de supprimer toute réelle opposition politique, tous mouvements sociaux et toute tentative d'auto organisation venant de la base en Russie.
En tant que membres d'organisations européennes de gauche et de mouvements sociaux, nous exprimons notre désaccord profond avec les actions répressives de la police russe. Nous sommes en totale solidarité avec la juste lutte des organisations russes de gauche et des militants syndicaux pour les droits des travailleurs, contre le fascisme, le racisme et l'oppression politique te sociale.
Nous demandons que les autorités russes mettent fin immédiatement à cette campagne antidémocratique conte l'" extrémisme ». Nous demandons la démantèlement du Centre E dont les responsables se sont discrédités pour leur usage de la violence et leur mépris flagrant pour les droits politiques et civiques.
Nous nous déclarons prêt à lancer une large campagne des solidarité avec tous les militants de gauche de Russie, les militants ouvriers, antifascistes, antiracistes, du mouvement social qui sont persécutés par la police.
Traduction Jack Radcliff (de l'anglais)