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Le gouvernement de droite reconduit sur fond de polarisation

par Aage Skovrind
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Les élections législatives danoises du 8 février ont marqué la polarisation croissante du pays, avec deux blocs clairement définis au sein du Parlement. La liste unitaire (Enhedlisten) de l'Alliance Rouge-Verte s'est consolidée comme une force permanente dans la politique danoise. Le défi principal sera de transformer son progrès électoral en un fort mouvement contre le gouvernement de droite qui crée la pauvreté, la guerre et la xénophobie.

 

Malgré la perte de quatre sièges au Parlement, le Parti libéral du premier ministre sortant, Anders Fogh Rasmussen, s'apprête à poursuivre son expérience gouvernementale. Son partenaire Conservateur au sein de la coalition gouvernementale a gagné un siège, alors que le Parti du peuple danois (PPD), d'extrême-droite, qui garantit la majorité parlementaire à ce gouvernement, a progressé de deux sièges.

 

Les principaux changements sont à relever au sein de l'opposition parlementaire. En perdant cinq sièges les sociaux-démocrates ne se sont pas relevés de leur défaite historique de 2001, lorsqu'ils ont perdu non seulement le gouvernement mais aussi leur position quasi centenaire de premier parti. Au cours de la campagne électorale, marquée par une concurrence médiatique entre les personnalités, le social-démocrate Mogens Lykketoft ne s'est pas avéré capable de présenter une alternative crédible, ni sur le terrain politique ni sur le terrain personnel.

 

Les deux candidats premier-ministre — le libéral et le social-démocrate — ont promis plus ou moins la même amélioration des services sociaux (santé, retraites, réduction des coûts des gardes d'enfants, augmentation des budgets de l'éducation et de la recherche). Fogh Rasmussen a insisté que les " réductions des impôts " (qui ont favorisé surtout les hauts revenus et les propriétaires des grands domaines) commencées par le gouvernement après les élections de 2001 allaient être poursuivies. Il a aussi souligné que seul un gouvernement de droite serait capable de maintenir les politiques de restriction de l'immigration. Cette politique a provoqué de fortes critiques à l'échelle internationale, mais le candidat social-démocrate a déclaré qu'il ne comptait pas la remettre en cause. L'augmentation du taux de chômage depuis son arrivée aux affaires en 2001 apparaissait aussi comme le principal avaipoint faible du gouvernement sortant.

 

Bien que Lykketoft ait présenté un plan de création d'emplois et que la fermeture au début de la campagne d'un abattoir, entraînant le licenciement de 450 travailleurs, lui ait fourni un argument supplémentaire, il n'a pas réussi à apparaître comme un véritable opposant. Après tout, les privatisations et l'austérité du gouvernement bourgeois ne sont rien d'autre que la poursuite de la politique de son prédécesseur social-démocrate. De même le Parti social-démocrate a soutenu l'envoi des troupes danoises en Irak et a intégré l'accord national en faveur du projet de Constitution européenne.

 

Ainsi au sein de l'opposition ce sont les centristes du Parti radical libéral qui furent les grands gagnants de ces élections, passant de 9 à 17 sièges au Parlement. A la différence des sociaux-démocrates, ce parti s'est fermement opposé à la politique anti-immigrés du gouvernement bourgeois. Parvenant à se présenter comme " une alternative responsable, humanitaire et impartiale ", les Radicaux-libéraux ont acquis une grande popularité chez les étudiants et parmi la population urbaine instruite. Dans certains quartiers ouvriers traditionnels de Copenhague ils sont même parvenus à devenir le parti dominant.

 

A gauche, les réformistes du Parti socialiste populaire (PSP) ont subi une nouvelle défaite, en perdant un siège. Son dirigeant depuis 14 ans, Holger K. Nielsen, a présenté sa démission au lendemain des élections.

 

La gauche radicale de la Liste unitaire (Enhedlisten) de l'Alliance Rouge-Verte a pour sa part réalisé son meilleur résultat depuis sa fondation. Avec 3,4 % des suffrages exprimés l'ARV a accru sa représentation parlementaire, passant de 4 à 6 sièges (1). Plusieurs facteurs expliquent ce succès. Parmi eux il faut souligner l'évolution à droite du PSP et en particulier son soutient au projet de Constitution européenne (36 % de ses membres avaient voté contre lors du référendum interne de ce parti), l'opposition claire de l'ARV à l'engagement danois en Irak ainsi que la performance médiatique de la jeune députée de l'ARV, Pernille Rosenkrantz-Theil, surnommée par les médias la " princesse des élections ". L'ARV a gagné un important soutien dans la jeunesse, en particulier chez ceux qui votaient pour la première fois (dans les élections d'essai au sein de plusieurs lycées l'Alliance est apparue comme le parti dominant).

 

" L'augmentation de notre représentation parlementaire fut l'un des trois objectifs que nous nous étions fixés ", expliquait la députée de l'ARV Line Barfod. " Cependant — a-t-elle ajouté — nous ne sommes pas parvenus à modifier l'équilibre politique en faveur de la gauche ni à renforcer l'opposition contre la guerre. Et surtout nous avons complètement échoué à renverser le gouvernement. "

 

Il n'en resta pas moins que l'Alliance a réussi à mener une campagne active et bien coordonnée et que la quasi-totalité de ses membres s'y sont investis. Au cours de la campagne l'ARV a recruté 800 nouveaux membres. Les élections municipales et régionales du 15 novembre prochain ainsi que le référendum sur la Constitution européenne seront les deux prochains défis que l'Alliance devra relever.

 

► L'ARV pratique " le tourniquet " pour ses élus. Les élus de l'ARV sont : Line Barfod, Pernille Rosenkrantz-Theil, Frank Aaen, Rune Lund, Per Clausen et J°rgen Arbo-Bµhr (SAP). Les sortants de l'ARV étaient : S°ren S°ndergaard (SAP), Line Barfod, Pernille Rosenkrantz-Theil, Keld Albrechtsen.

 

 

* Aage Skovrind est attaché de presse de l'Alliance Rouge-Verte (ARV), une organisation de la gauche radicale recomposée, fondée en 1989 ( www.enhedslisten.dk ). Le Parti ouvrier socialiste (SAP, section danoise de la IVe Internationale) est une des organisations de l'ARV.

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