La campagne électorale se révéla à la fois très dure et difficile. Si l'on assiste à l'initiative médiatique du gouvernement Berlusconi, qui cherche désespérément, mais non sans certains succès, à récupérer le soutien perdu, du côté de l'Union on ne voit point arriver un message fort et crédible de changement et d'alternative aux politiques libérales. Le programme de l'Union reste en effet dans le cadre des politiques néolibérales, depuis le Pacte de stabilité jusqu'à la stratégie de Lisbonne. L'initiative de Rifondazione n'a pu que tempérer certains de ses aspects et introduire quelques corrections partielles. Nous sommes bien loin du parcours aérien d'une " Grande Réforme » du pays.
Au contraire, les expectatives viennent d'être victimes d'une offensive centriste et modératrice qui se déroule au sein même de l'Union, et qui se manifeste sur le terrain du train à grande vitesse, dans le vote au Parlement européen de la directive Bolkestein, dans la proposition de Prodi de la réduction du coût du travail — une mesure en faveur de la Confindustria dirigée par Montezemolo.
C'est dans ce cadre qu'apparaît l'exclusion de Marco Ferrando de la liste des candidats du PRC. Une décision grave, qui produit une déchirure statutaire et matérielle dans le parti mais qui est surtout une concession à l'offensive centriste et modérée contre le PRC. Au delà des différences d'appréciation concernant certaines des affirmation de Ferrando, il s'agit de l'instrumentalisation politique de la part de " Corriere della Sera » comme de l'Olivier. Au nom d'une " incompatibilité » présumée avec la ligne politique du parti, le secrétariat national du PRC a réalisé là un choix grave du point de vue formel, erroné du point de vue politique et préoccupant en ce qui concerne ses relations avec les minorités. Que veut dire la garantie du droit au désaccord si, quand il est exercé, la mesure disciplinaire bondit immédiatement ? Et comment régler alors, dans l'avenir, les divergences politiques auxquelles nous ne voulons absolument pas renoncer et qui ne manqueront pas d'avoir des retombées publiques ? Si la marche vers le gouvernement produit de tels effets dès avant l'installation du nouveau parlement, quelle sera la situation dans l'avenir ? Ce sont des questions qui concernent la qualité de la vie du parti, son avenir en tant que cadre unitaire capable d'accueillir des positions différentes.
Face à l'offensive centriste donc, le PRC a besoin d'un sursaut et d'un tournant dans la ligne politique et dans la campagne électorale. Il faut un saut qualitatif sur le terrain des propositions politiques si l'on ne veut pas être écrasés par le profil programmatique de l'Union et pour cela le parti a besoin des idées et des propositions d'une gauche anticapitaliste cohérente. Les idées et propositions que nous retenons sont celles qui sont essentielles pour battre Berlusconi.
Pour cela nous proposons et nous allons soutenir dans la campagne électorale quelques priorité programmatiques qui affirment nettement que le " Non à la guerre et au libéralisme !» continuera au-delà du 9 avril, même après une éventuelle victoire du centre gauche et l'installation probable d'un gouvernement Prodi.
1. La première priorité c'est " Abrogeons les toutes ! » — l'engagement de compléter ce que le programme de l'Union laisse incomplet, à savoir l'abrogations de toutes les lois scélérates du gouvernement Berlusconi et non de la seule loi Bossi-Fini : la loi 30, la loi Moratti, la loi sur les retraites, la loi Fini sur les drogues, la loi 40 sur la fécondation artificielle (1). L'abrogation de ces lois ne représente pas seulement une mesure symbolique, mais c'est l'unique moyen pour que leur remaniement ou " dépassement » ne soit un retour aux lois précédentes de centre-gauche, c'est-à-dire au paquet Treu, à la Turco-Napolitano, à la Zecchino-Berlinguer, à la réforme Dini des retraites.
2. Le seconde priorité est salariale. Il ne suffit pas de faire référence à la redistribution des revenus si l'on n'adopte pas un système précis permettant de récupérer ce que les salaires ont perdu en vingt ans de politiques libérales. Pour cela nous croyons que le rétablissement d'une " Nouvelle échelle mobile » est un combat nécessaire. A côté de cette lutte nous nous battrons pour l'introduction du salaire social afin de combattre la précarité et pour l'augmentation du minimum des retraites.
3. La précarité sera combattue tout d'abord en rétablissant des rigidités claires dans le marché du travail et la protection du travail salarié.
4. Si le programme de l'Union annonce l'abrogation de la loi Bossi-Fini, il ne propose par l'abolition de centres de rétention provisoire [des migrants]. Il s'agit là du prix payé à la philosophie des " flux » et des quotas d'immigration. De même que le droit de vote pour les immigrés, le droit d'asile, la droit à la citoyenneté du lieu de résidence, la fermeture de toutes les formes des centres de rétention provisoire constituent notre priorité.
5. Le retrait d'Irak doit être inconditionnel et immédiat. La préservation du " temps technique » nécessaire pour préserver la sécurité des militaires est un fait qui ne peut servir d'alibi pour le prolongement de la mission. Mais l'Italie est présente sur d'autres fronts, à commencer par l'Afghanistan. L'engagement contre la guerre implique le retrait de tous ces fronts, ainsi que la réduction des dépenses militaires, la fermeture des bases militaires étrangères, la reconversion de l'industrie militaire. C'est dans ce cadre que nous nous battons contre le projet d'une armée européenne.
6. La lutte pour les droits du peuple palestinien doit continuer à partir de la reconnaissance entière du vote exprimé démocratiquement lors des dernières élections, du refus de tout chantage à la suppression des aides aux Palestiniens, chantage qui sert à imposer les projet unilatéraux d'Israël soutenus par les puissance occidentales.
7. Dans ce cadre nous prenons la responsabilité pour assurer pleinement le succès de la manifestation du 18 mars pour le retrait de l'Irak et en défense des droits des Palestiniens.
8. L'approbation de la directive Bolkestein et les déclarations sur le train à grande vitesse disent plus que n'importe quel programme quelles sont les véritables intentions du centre-gauche. Nous nous battons pour le rejet des libéralisations, pour la défense du droit du travail, pour la sauvegarde du droit des populations locales contre la logique du profit et la destruction de l'environnement.
9. Nous somme le parti des droits, de la liberté et de l'autodétermination des femmes. L'offensive centriste va même jusqu'à la négation de ces droits, en particulier en ce qui concerne la liberté d'orientation sexuelle. Nous devons nous battre pour la réalisation des PACS, pour un statut laïque, pour l'abrogation de la loi 40, pour le respect de l'autodétermination des femmes, pour garantir à toutes et à tous la liberté sexuelle.
10. L'arrêt des privatisations et des libéralisations doit être complété par la relance de l'intervention publique en prévoyant des nouvelles formes de nationalisations à commencer par les secteurs essentiels de l'économie : l'énergie, les télécommunications, les transports, les banques, la santé.
En tant que Gauche critique nous sommes pleinement engagés dans la lutte pour chasser Berlusconi et pour faire avancer les raisons et les intérêts des travailleuses, des travailleurs, des précaires, des chômeurs. Nous voulons travailler pour créer les conditions d'une réelle alternative de société, d'un changement du système qui ne peut pas éviter la mise en question de l'ordre capitaliste. Pour ce faire nous pensons que toute la gauche alternative doit s'atteler à l'élaboration d'un programme anticapitaliste moderne. Un nouveau programme qui soit à la hauteur du temps présent et capable de se mesurer avec les échecs qui pèsent sur nous ; un programme en lien avec les luttes et les mouvements, dont la discussion faire croître et mûrir une gauche anticapitaliste moderne. C'est dans cet esprit que nous invitons à la grande discussion collective autour du Manifeste programmatique " Pour une gauche anticapitaliste ». Une discussion que nous lançons en tant que Gauche critique, mais que nous imaginons ouverte, plurielle et participative. Au cours des mois prochains, même s'ils sont à cheval avec la campagne électorale, nous tenterons ce devoir que nous croyons particulièrement utile pour définir les contours de la gauche en construction et due la refondation nécessaire... Nous le ferons au travers d'une discussion ville par ville pour aboutir à une grande assemblée nationale au mois de mai. Nous espérons être nombreux à participer à cet effort, pour donner un contribution réelle à la refondation communiste, pour mener une réflexion trop longtemps renvoyée à plus tard, pour donner plus de force et d'efficacité à une gauche critique, une gauche anticapitaliste cohérente.
Le 19 février 2006
1. Cf. l'article ci-contre.