
Le 22 septembre 2025 a été une journée importante pour l’Italie, car les rues de nombreuses villes se sont remplies au-delà de toute attente.
Bien sûr, le mérite de ce grand succès revient aux organisations qui ont organisé cette journée de grève générale, les syndicats de base et un large éventail de mouvements et d’associations qui, depuis au moins deux ans, se mobilisent sans relâche en solidarité avec le peuple palestinien – en premier lieu, bien sûr, les civil·es de Gaza qui subissent un génocide reconnu même par l’ONU, tandis que les Palestinien·nes de Cisjordanie sont victimes de la violence aveugle des colons (protégés et favorisés par l’armée).
Les commentaires de la presse dominante et de la « politique institutionnelle », celle de la majorité gouvernementale prêteraient franchement à rire s’il ne s’agissait pas d’un massacre aux proportions colossales, même si elles trahissent toutefois le regret de constater que la poussée de solidarité se maintient à mesure que l’indignation et la colère s’intensifient avec le temps, creusant encore davantage le fossé entre l’opinion publique et les actions du gouvernement, totalement complice de l’extermination.
Oui, il s’agissait d’une grève politique, même si, honnêtement, l’auteur de ces lignes ne connaît pas d’autre type de grève, car même lorsque les conflits sont d’ordre économique, les choix politiques sont toujours remis en question. Cela est tellement vrai que même les forces politiques de l’opposition et la CGIL, le syndicat le plus représentatif, qui n’ont fait que balbutier pendant les premiers mois du massacre, ont pris conscience, après la rupture unilatérale de la trêve par Israël sans aucune justification le 18 mars 2025, que s’ils ne voulaient pas disparaître de la scène politique, ils devaient choisir leur camp. Même si cette prise de position tardive est encore faible et contradictoire, surtout parce que lorsqu’il s’agit de condamner explicitement Israël et son projet colonial, beaucoup restent victimes de l’autocensure.
C’est pourquoi la grève de fin de service déclarée par la CGIL le 19 septembre dernier a été un échec, la plate-forme sur laquelle on demandait de faire grève était très faible (car les contradictions découlant de l’autocensure étaient plus qu’évidentes), au point d’être complètement inefficace. C’est inévitable : face à un génocide, à une famine préméditée, à l’agression délibérée de nombreux pays de la région, les masques tombent d’eux-mêmes.
Malgré tout cela, l’initiative de la CGIL confirme qu’il existe des signes évidents d’insatisfaction face à l’inertie dont ont fait preuve dès le début les organisations, en particulier le PD et la CGIL. En outre, il faut tenir compte du fait que, compte tenu de l’ampleur considérable de la mobilisation du 22 septembre, il est très probable que de nombreux·ses travailleur·ses affilié·es à la CGIL aient fait grève le 22 et non le 19. En effet, les commentaires de Maurizio Landini (secrétaire de la CGIL) sur le succès de la mobilisation ont été particulièrement prudents et surtout élogieux.
Un autre élément important qui ressort de la journée du 22 septembre est le nombre élevé de barrages routiers et de blocages de gares ferroviaires (notamment à Naples et à Milan). À Bologne, un barrage routier sur le périphérique et l’autoroute a empêché pendant des heures d’accéder à l’aéroport. Enfin, les passages frontaliers ont été bloqués dans de nombreux ports, de Venise à Salerne. Malgré les efforts du gouvernement et de nombreux organes de presse pour exagérer jusqu’à l’absurde les affrontements avec la police, le fait est que le décret sur la sécurité voulu par Salvini et Piantedosi n’a pas atteint son objectif d’intimidation et de répression de masse. C’est une chose de promulguer des décrets, c’en est une autre de créer les conditions pour qu’ils puissent être appliqués.
Tout cela s’est produit à un moment particulièrement important et délicat sur le plan international, avec la reconnaissance de l’État de Palestine par de nombreux pays, notamment la France et la Grande-Bretagne, soutiens et complices indéfectibles d’Israël.
Ce geste politiquement important reste évidemment symbolique et se heurte à l’attitude classiquement colonialiste de l’Occident, qui prétend déterminer quelles forces politiques palestiniennes peuvent obtenir l’accord pour gouverner, alors que rien n’est dit, et surtout rien n’est fait, pour imposer à Israël le démantèlement des colonies en Cisjordanie et le retrait de la bande de Gaza. En ce sens, la position du gouvernement italien est exemplaire. L’intention de présenter une motion au Parlement qui conditionne la reconnaissance de la Palestine à la libération de tous les otages et à la disparition du Hamas de la scène politique palestinienne vise évidemment à diviser l’opposition. Une opération qui est loin d’être irréalisable. Mais ce changement de position, passant du refus de la reconnaissance parce que « inopportune » à sa subordination à certaines conditions, signifie que même l’extrême droite italienne ne peut rester totalement sourde aux demandes de l’opinion publique.
Évidemment, certains pays occidentaux – à l’exception, sans surprise, des États-Unis – cherchent à limiter les préjudices causés par leur complicité dans le génocide.
Dans la nuit du 22 au 23 septembre, la Global Sumud Flotilla, en route vers Gaza, a été attaquée par des drones israéliens dans la mer Égée, en eaux internationales : bien qu’il n’y ait pas encore eu de revendication de la part de l’État d’Israël, il est clair que cette action a été rendue possible grâce à son impunité. Pour l’instant, heureusement, il n’y a pas de blessés ni pire, mais la violation israélienne est très grave, même si, comme d’habitude, elle n’a pas suscité les mêmes réactions que l’intrusion russe dans certains pays de l’OTAN ou le survol de drones non identifiés au-dessus du Danemark et de la Norvège. Une fois de plus, le double standard occidental qui absout systématiquement Israël de toute responsabilité se manifeste clairement.
La réaction du gouvernement italien est également symptomatique dans ce cas, celui-ci tentant de cacher son embarras par des déclarations empreintes de banalité, de cynisme et de frilosité.
Giorgia Meloni, convoquant les journalistes à New York où elle se trouve pour l’assemblée de l’ONU, bien qu’elle ne puisse que condamner l’attaque israélienne, en profite pour insulter la Flottille et surtout pour dire une vérité et beaucoup de mensonges. La vérité est que le but de la Flottille est de mettre le gouvernement en difficulté : ce qui est sacro-saint étant donné que la participation active de l’Italie au génocide est désormais établie depuis longtemps (surtout dans les domaines économique et technologique. Nous tenons pour acquis le domaine politique). Les mensonges cyniques sont ceux avec lesquels la « dame » revendique pour l’Italie un rôle central dans l’aide aux civils de Gaza. Bien sûr, il est positif que quelques dizaines de personnes aient réussi à arriver dans notre pays. Mais cela n’enlève rien au fait que l’Italie et son gouvernement n’ont rien fait pour faire pression sur Israël afin qu’il lève l’embargo sur l’aide humanitaire ou soutienne un cessez-le-feu. Au contraire, on pourrait réaliser une anthologie des horreurs avec les déclarations de Tajani, Meloni et leurs acolytes entre le 7 octobre 2023 et le 18 mars 2025.
Crosetto, ministre de la Défense, a fait preuve de prudence dans sa communication à la Chambre et au Sénat le 25 septembre. Tout en soulignant à plusieurs reprises que le gouvernement apprécie l’objectif de la Flottille et se soucie de la sécurité des personnes à bord des navires, quelle que soit leur nationalité, il ne renonce pas à l’intimidation : il invite ceux qui sont en contact avec la Flottille à leur dire que « le climat est préoccupant » et que les deux frégates de la marine militaire envoyées à leur secours resteront en réalité à regarder si des attaques devaient avoir lieu dans les eaux internationales, tandis que lorsqu’elles s’approcheront de Gaza et se trouveront donc dans ce qu’Israël prétend être ses eaux nationales (ce qui n’est pas vrai), le gouvernement italien est une fois de plus prêt à détourner le regard et à couvrir tout crime commis par « le pays ami ».
Dans une tentative désespérée de se tirer d’affaire, le gouvernement italien propose à la Flottille de livrer l’aide à Chypre pour qu’elle soit ensuite gérée par l’Église catholique et en particulier par le cardinal Pizzaballa, qui, il y a quelques mois à peine, a dû se rendre en personne à la paroisse de Gaza City, bombardée intentionnellement, pour lui apporter son aide. Rappelons en passant que Pizzaballa est resté plusieurs jours à Gaza City après le bombardement, car il n’avait aucune garantie quant à l’entrée de l’aide qu’il avait apportée avec lui.
L’opération politique qui se cache derrière cette proposition est simple : exploiter les critiques que le Vatican, en particulier avec François, a adressées à Israël, ce qui devrait rendre la supercherie plus acceptable. En effet, le point central est le siège de Gaza et l’utilisation du blocage de toute forme d’aide comme arme pour affamer les Palestiniens. L’objectif prioritaire de la Global Sumud Flotilla est précisément d’essayer de briser ce siège, en pouvant livrer des tonnes d’aide.
Lorsque Giorgia Meloni affirme que la Flottille ne peut pas prétendre que l’Italie s’implique dans un conflit armé, elle ment tout en proférant une absurdité colossale. Comme mentionné ci-dessus, notre rôle dans le massacre des Palestinien·nes est désormais explicite et ce depuis longtemps, nous sommes donc déjà impliqués dans un conflit, mais du mauvais côté.
Après le 22 septembre et l’implication dans les manifestations des travailleurs, le gouvernement peut encore moins qu’avant ignorer le fait que de larges pans de l’opinion publique n’acceptent pas la complicité avec Israël et commencent désormais à s’organiser. C’est pourquoi il est important de donner une continuité aux manifestations. Pour atteindre cet objectif, les conditions sont réunies et ne doivent pas être gâchées.
Publié le 25 septembre 2025 par R/Project