Corse : Les enseignements d’une séquence électorale

par A Manca

Au-delà des résultats concrets du deuxième tour en Corse, il convient de tirer tous les enseignements d’un scrutin qui voit l’extrême-droite parvenir à s’implanter significativement dans un type d’élections qui jusqu’alors ne lui était pas favorable.

En effet, malgré les scores très élevés du tandem Le Pen-Zemmour à la présidentielle, ses candidats n’avaient pas bénéficié mathématiquement de cette vague lors des précédentes législatives.

Malgré sa défaite lors de ce deuxième tour, il est clair que le RN et ses idées nauséabondes influent considérablement auprès de dizaine de milliers de personnes au cœur de notre société. Et on aurait grand tort de relativiser la présence de mouvements néofascistes locaux, qui s’ils ont échoué au plan électoral, sont néanmoins présents et loin d’être effacés du décor.

L’euphorie d’un soir ne doit absolument pas masquer cette réalité.

Certes, dans un sursaut salvateur, les électrices et les électeurs, venus d’horizons politiques très hétéroclites, ont repoussé momentanément la menace que constitue l’extrême-droite. Mais rien ne peut venir contredire que celle-ci soit parvenue à polluer durablement le champ politique en faisant en sorte que ses thèmes de prédilection (immigration, sécurité, islamophobie, rejet de l’écologie) soient repris, y compris par des formations nationalistes corses.

Par ailleurs, il nous a été donné à voir, lors du premier tour, l’exécrable climat qui a régné entre celles-ci. Et ce n’est pas ce « sursaut patriotique » du dernier moment qui peut laisser à penser que les plaies sont refermées. D’autant que pour partie, certains des mouvements, ont davantage insisté sur la nature allogène du RN que sur sa dimension d’extrême-droite. En ne nommant pas clairement le danger, celles-ci font preuve d’un déni qui atteste de la droitisation de leurs démarches politiques.

Quant au Nouveau Front Populaire, à l’exception de la première circonscription de Haute-Corse, il n’a pas produit de dynamiques qui peuvent aller au-delà de cette péripétie électorale. Pire, il est fortement probable, que perdurent en son sein, sur le fond comme sur la forme, tous les phénomènes qui témoignent du refus, voire du déni de partis ou mouvements, incapables de proposer concrètement une alternative ancrée au cœur de notre pays. Le peuple de gauche est encore orphelin d’une dimension majeure qui verrait le monde du travail, occuper une place centrale sur le champ politique corse.

Nous l’avons dit et répété en étant unitaires pour un, pour deux et pour dix, la vie ne s’arrêtera pas au soir du 7 juillet. Il est à espérer que le mouvement social passe à l’offensive, car même les programmes les plus alléchants risquent de finir aux oubliettes et les manœuvres politiques en cours ne sont pas faites pour respecter les aspirations profondes des travailleurs. Ce front des républicains dits « responsables » qui est en train de se dessiner fera immanquablement imploser le NFP, mais plus périlleux encore, occasionnera d’immenses déceptions que l’extrême-droite n’aura plus alors qu’à capitaliser. Cette énième trahison pourrait déboucher sur une période de violences hors-normes.

La refondation radicale d’une vraie gauche pour la Corse est un objectif incontournable. Elle passera par un renforcement du mouvement social, par la déconnexion d’une partie de la jeunesse avec les partis réformistes, par l’intervention indépendante des militantes féministes et par une lutte sans concessions contre le racisme, la xénophobie et toutes les formes d’aliénation. La dimension écologique des combats à venir implique une sortie du tout- tourisme en tant qu’horizon indépassable.

Tous ces points s’inscrivant dans une stratégie de changements radicaux faisant pièce à un système capitaliste qui ruine notre avenir commun.