Il y a quelque chose d’hypocrite dans les appels à la paix lorsqu’ils émanent de ceux qui bombardent et exterminent des populations, comme on l’a vu avec Netanyahou et la proposition prétendument « israélienne » présentée par Biden la semaine dernière. Il en va de même pour les intentions de « paix » de Poutine à l’égard de l’Ukraine, alors qu’il a concentré ses troupes et bombarde Kharkiv depuis le territoire russe. Il en va de même pour ceux dont l’idée se résume à un appel aux victimes pour qu’elles arrêtent de résister. Il en va certainement de même, dans l’hypocrisie, des autres pouvoirs impliqués. Et cela concerne aussi bien les Etats « arabes » (ou l’Iran) d’une part, que les « démocraties » occidentales d’autre part, qui ont plus ou moins coupé les flux de munitions depuis octobre pour soutenir «leur» Netanyahou, et qui viennent seulement maintenant de dire qu’elles pourraient permettre aux Ukrainiens de bombarder non seulement l’Ukraine( !) mais aussi l’artillerie qui les frappe depuis la Russie !
Le problème, cependant, n’est pas l’hypocrisie, mais sa racine, le réseau d’intérêts dont elle découle. Pour le dire comme les Palestiniens, ce sont les conditions dans lesquelles la « paix » est assurée, car « il n’y a pas de paix sans justice » : la Nakba de 1947, d’une part, et l’invasion de la Crimée et du Donbass, d’autre part, ne frappent pas seulement des populations sous des formes génocidaires et impérialistes, mais, en aiguisant l’appétit de puissantes machines de guerre, elles conduisent à des destructions encore plus grandes. C’est cette logique même qu’il faut arrêter si l’on veut vraiment la paix, et pas seulement de manière hypocrite.
Ce n’est donc pas tant dans ses proclamations que le « Sommet de la paix » en Ukraine, qui se prépare cette semaine en Suisse « neutre », manque de pertinence. C’est surtout dans les conditions auxquelles il devra faire face. « L’objectif de cette réunion de chefs d’État et de gouvernement est de développer une compréhension commune de la voie vers une paix juste et durable en Ukraine » (écrivent les organisateurs suisses). En fait, 160 pays ont été invités à ce « sommet » et il a été annoncé qu’au moins 90 d’entre eux y participeront, du Nord comme du Sud. Mais le point crucial est finalement l’absence de la Russie, qui a d’avance jugé sa participation « futile », ce qui a poussé les organisateurs à revoir leurs objectifs à la baisse : "La Suisse est convaincue que la Russie doit être impliquée dans le processus. Un processus de paix sans la Russie est impensable".
L’absence emblématique de l’envahisseur est évidemment cruciale (et révélatrice). Mais en outre, les autres « chefs d’Etat et de gouvernement » expriment aussi, en tant que tels, des forces matérielles et des intérêts qui ne sont pas nécessairement ceux des populations elles-mêmes, ni même d’ailleurs les leurs. Ces populations, notamment les victimes, devront s’y impliquer elles-mêmes pour que la « paix » soit permanente -voire pour que la paix existe tout court, comme le confirme la Russie. Pour les peuples, il y a des « valeurs » qui peuvent être « absolues » : comme le disent les syndicats de Krivi Rih bombardée, « la sécurité et le bien-être de nos familles et de nos amis est pour nous une valeur absolue, à laquelle nous ne renonçons pas », dans leur appel très actuel à l’occasion des élections européennes ("Appel aux représentants politiques des peuples d’Europe et du monde : Justice pour les travailleurs d’Ukraine !").
Mais l’appel de la société ukrainienne ne concerne pas seulement, ni principalement, les « représentants » institutionnels, dont beaucoup, même s’ils ne sont pas dictateurs, sont eux-mêmes liés par les intérêts de leurs classes dirigeantes. Il s’agit surtout pour nous autres, les travailleurs, les mouvements, les peuples, (j’ajouterais la « gauche », si cela voulait encore dire quelque chose), ..., d’échapper aux « hypocrisies » d’un monde de riches et de puissants1. En d’autres termes, nous devons être capables d’exprimer, et d’imposer, le principe de « paix », c’est-à-dire que les armes impérialistes modernes ne déterminent pas nos vies. C’est exactement ce que nous demandent les Ukrainiens (et les Russes, ainsi que les Palestiniens et les Israéliens): les aider à se débarrasser de la loi de la guerre et de l’occupation - et ne pas être indifférents, ni laisser nos propres « dirigeants » négocier le monde sur le dos des populations concernées, en mettant en œuvre ce dont rêve l’extrême droite mondiale, avec Poutine à sa tête et Trump à la suite…
Epochi, 8/6/2024, Traduit du grec avec l’aide de DeepL. En anglais ici.
- 1Comme l’initiative actuelle, précisément par rapport au Sommet de Suisse, de Sotsialnyi Rukh (Ukraine), Posle Media Collective (Russie) et (BFS-MPS/Solidarités/Emanzipazion (Suisse).