L’impact de la guerre génocidaire israélienne à Gaza sur le Moyen-Orient

par Joseph Daher
La clôture de la frontière israélo-libanaise, au nord de Metula. © Aykleinman (talk) - CC BY-SA 3.0

On aurait tort de considérer l’offensive en Palestine comme un acte de guerre isolé. En réalité, cela s’inscrit dans un cadre plus global de tensions entre les États-Unis et les différents États du Moyen-Orient.

L’armée d’occupation israélienne continue, plus de 160 jours après son début, à mener une guerre génocidaire contre la population palestinienne de la bande de Gaza. Cette opération a immédiatement succédé à l’attaque du Hamas du 7 octobre, qui a provoqué la mort de 1 139 personnes, dont 695 civil·es israélien·nes, 373 membres des forces de sécurité et 71 étranger·es. Il convient de noter que le 7 octobre 2023, des civil·es israélien·nes ont également été tué·es par les forces d’occupation israéliennes, notamment par des tirs d’obus de chars sur des maisons où des Israélien·nes étaient détenus. Un élément peu rappelé dans les médias dominants occidentaux.

Les 2,4 millions d’habitant·es de la bande de Gaza vivent sous un bombardement israélien constant d’une violence inégalée. À la mi-mars 2024, selon les estimations les plus basses, plus de 31 000 Palestinien·nes ont été tué·es par les frappes israéliennes, dont plus de 12 300 enfants. Le nombre d’enfants tué·es en un peu plus de quatre mois dans la bande de Gaza est supérieur au nombre d’enfants tué·es par toutes les guerres au niveau international au cours des quatre dernières années. La grande majorité des victimes sont des femmes et des enfants. Il faut ajouter plus de 10 000 disparu·es sous les décombres et présumé·es mort·es. Plus de 1,9 million de Palestiniens ont été déplacé·es sur le territoire de la bande de Gaza, soit plus de 85 % de la population totale. À bien des égards, il s’agit d’une nouvelle Nakba. Lors de la Nakba de 1948, plus de 700 000 Palestinien·nes avaient été chassé·es de leurs foyers par la force et étaient devenu·es des réfugié·es. Ce mécanisme s’est poursuivi jusqu’à aujourd’hui.

À l’heure actuelle, les tensions régionales continuent de s’intensifier sans se transformer (pour l’instant) en une guerre ouverte généralisée, bien que les tensions se soient accrues de façon spectaculaire depuis le début du mois de janvier. Face à la violence de l’armée d’occupation israélienne, soutenue par ses alliés impérialistes occidentaux, les peuples de Syrie, d’Irak, du Yémen et du Liban sont confrontés aux risques croissants d’une conflagration régionale plus meurtrière encore.

Des interventions israéliennes en Syrie

Depuis le 7 octobre, Israël a pris à plusieurs reprises la Syrie pour cible, en procédant à des assassinats ciblés de personnalités importantes. Au sud de Damas, des missiles israéliens ont assassiné le général de brigade Razi Mousavi, un commandant clé de la Force Qods, la branche des opérations extérieures et l’unité d’élite des Gardiens de la révolution (le corps d’armée qui porte l’idéologie de la République islamique d’Iran). Les dirigeants iraniens ont promis de réagir à l’assassinat du 25 décembre.

Quelques jours plus tard, le 8 janvier, Hassan Akkacha, un membre du Hamas, responsable des opérations de tir de roquettes sur Israël depuis la Syrie, a été tué par l’armée d’occupation israélienne opérant à Beit Jinn, une ville israélienne située au sud-ouest de Damas. Entre le 12 octobre et le 8 janvier, pas moins de 18 frappes israéliennes ont visé à plusieurs reprises les aéroports de Damas et d’Alep. Elles ont également frappé des positions et des installations du Hezbollah et des forces pro-iraniennes dans la région de Damas.

Bien que le dictateur Bachar el-Assad ait affirmé en paroles sa solidarité avec les Palestiniens, le régime syrien ne semble avoir ni l’intérêt ni la capacité de participer directement à une riposte à la guerre israélienne contre la bande de Gaza. Cette attitude est conforme à la politique historique du régime syrien qui, depuis 1974, s’efforce d’éviter toute confrontation sérieuse et directe avec Israël. En outre, la condamnation de la guerre menée par Israël de la part des responsables syriens ne débouchera sur aucune forme de soutien militaire ou politique au Hamas. Il n’y aura pas de renforcement des relations entre ces deux acteurs, pas de retour à la configuration d’avant 2011, qui avait été suspendue après que le mouvement palestinien eut exprimé son soutien au soulèvement syrien.

Si le régime syrien a rétabli les liens avec le Hamas à l’été 2022, c’est grâce à la médiation du Hezbollah. Les relations futures entre la Syrie et le Hamas seront principalement fonction des intérêts liés à l’Iran et au Hezbollah et structurés par ces derniers.

Tensions entre la Syrie et la Turquie

Entre-temps, la violence s’est intensifiée dans le nord de la Syrie. Le nord-ouest est devenu un nœud de conflits marqué par une intensification des bombardements de la part de la Russie et de la Syrie. Cette escalade fait suite à une action particulièrement meurtrière menée lors de la cérémonie de remise des diplômes d’une académie militaire dans la ville de Homs qui a coûté la vie à au moins 89 personnes. Cette attaque, qui a été effectuée par des drones chargés d’explosifs provenant probablement des zones voisines contrôlées par les autorités turques ou par Hayat Tahrir Sham (HTS)1 , a donné le coup d’envoi à une série de bombardements d’une ampleur accrue.

Cet attentat a servi de prétexte au régime syrien et à son allié russe pour intensifier leurs actions militaires dans la région, ce qui a eu de graves conséquences humanitaires. Depuis le début du mois d’octobre, plus de 100 personnes ont été tuées, dont près de 40 % d’enfants, et plus de 400 autres ont été blessées. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), 120 000 personnes ont été contraintes de quitter leur domicile en raison des tirs d’artillerie et des bombardements effectués par les forces armées de Damas et de Moscou.

L’armée turque a élargi sa zone d’action en ciblant les régions contrôlées par l’Administration autonome du nord et de l’est de la Syrie (AANES). Cette décision stratégique a été prise à la suite d’un attentat perpétré le 1er octobre à l’entrée du ministère de l’Intérieur à Ankara, qui a fait deux blessés parmi les policiers. Un groupe affilié au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a revendiqué l’attentat. Ceci a conduit le gouvernement turc à prendre des mesures rapides et énergiques. Entre autres, le 17 octobre, le parlement turc a voté en faveur d’une prolongation de son mandat, autorisant les forces armées à lancer des opérations transfrontalières en Syrie et en Irak pendant deux années supplémentaires.

Depuis octobre 2023, de nombreuses frappes aériennes et des attaques de drones ont privé d’électricité, d’eau, de chauffage et d’autres types d’infrastructures une grande partie de la population du nord-est, temporairement ou pour toute la durée des froids mois d’hiver. À la fin du mois de décembre, l’aviation et les drones turcs ont effectué une série de bombardements sur le nord-est de la Syrie, ciblant des sites pétroliers et des installations essentielles. Ces opérations ont provoqué des coupures de courant dans plusieurs villes et dans les campagnes du canton de Jazeera, réduisant de 50 % la capacité de production des centrales électriques. En 2023, les attaques turques ont tué au moins 176 civil·es et en ont blessé 272 autres. Tout au long du mois de janvier 2024, la Turquie a mené une nouvelle série de frappes aériennes contre le nord-est de la Syrie et le nord de l’Irak.

Cette escalade généralisée dans la fréquence des bombardements au nord de la Syrie s’explique par la volonté de profiter du fait que l’attention de la communauté internationale se concentre actuellement sur la guerre israélienne contre Gaza. Les principaux États impliqués – notamment la Turquie, la Russie et le régime syrien – profitent stratégiquement de la forte concentration de la communauté internationale et de l’opinion publique sur la guerre israélienne. Cette manœuvre calculée leur permet d’opérer avec un degré bien réel d’impunité sur ce théâtre septentrional.

Mettant à profit le chaos, les bases militaires américaines en Syrie – et en Irak – sont devenues la cible d’un nombre croissant d’attaques de drones et de roquettes orchestrées par des groupes affiliés à l’Iran. À la mi-février 2024, les troupes et bases américaines en Syrie et en Irak avaient été attaquées plus de 170 fois par des roquettes et des drones depuis le 17 octobre. Ces actions sont une réponse directe au soutien apporté par Washington à l’action militaire d’Israël dans la bande de Gaza. C’est un moyen pour eux de faire progresser leurs intérêts à la fois politiques et locaux. Depuis la fin du mois d’octobre, les frappes aériennes américaines visent systématiquement plusieurs installations utilisées par les milices pro-iraniennes et le Corps des gardiens de la révolution islamique d’Iran dans l’est de la Syrie.

Le maintien de la présence étatsunienne en Irak

En Irak, des tensions sont également apparues entre les forces armées américaines et les milices pro-iraniennes. Le 4 janvier, les forces américaines ont frappé un quartier général de la sécurité irakienne au cœur de la capitale, Bagdad. Deux membres de la faction al-Noujouba de la milice pro-iranienne Hachd al-Chaabi ont ainsi été tués. Parmi les miliciens assassinés, le commandant Abou Taqwa, qui était accusé par Washington d’être activement impliqué dans des attaques contre les bases militaires américaines en Irak. Les Hachd al-Chaabi étant officiellement intégrés à l’armée nationale irakienne, le ministère irakien des affaires étrangères a fermement condamné l’attentat.

Le cabinet du Premier ministre Mohammad Chia al-Soudani a quant à lui qualifié la frappe du 4 janvier d’escalade dangereuse. Il a annoncé la formation d’un comité bilatéral chargé de prendre des mesures pour mettre fin définitivement à la présence des forces de la coalition internationale (dirigée par les États-Unis).

Ce n’est pas la première fois que la classe politique dirigeante irakienne appelle au départ des forces américaines. Après l’assassinat en 2020 par les États-Unis de Kassem Soleimani, chef de la force iranienne al-Qods des Gardiens de la Révolution à Bagdad, le Premier ministre par intérim Adel Abdel-Mahdi avait demandé à Washington la mise en place d’un plan de retrait de ses troupes. Cette demande avait reçu un refus catégorique de la part du Département d’Etat américain.

Le Parlement irakien avait également élaboré un projet de loi exigeant le retrait des troupes américaines, mais la résolution n’était pas contraignante. Officiellement, les 2 500 soldats américains présents en Irak fournissent assistance, conseil et formation aux forces armées irakiennes. Leur présence s’est faite à l’invitation du gouvernement irakien, qui en 2014 avait demandé une assistance pour combattre le groupe djihadiste dit État islamique (EI) , mais elle figurait aussi dans l’accord stratégique signé en 2008 entre l’ancien Premier ministre Nouri al-Maliki – aujourd’hui membre du Cadre de coordination chiite pro-iranien – et Washington. L’accord avait ensuite été approuvé par le Parlement irakien. De son côté, Washington souhaite maintenir sa présence militaire à la fois en Irak et en Syrie.

Assassinats et conséquences

Les tensions dans la région se sont encore fortement accrues fin janvier et début février après le bombardement américain de 85 cibles au total sur sept sites différents (quatre en Syrie et trois en Irak) contre des infrastructures et des sites liés à des milices affiliées à Téhéran, en Syrie et en Irak.

Cette action a été qualifiée de représailles à la mort de trois soldats américains dans la base militaire de la Tour 22 en Jordanie, lors d’une attaque attribuée à la Résistance islamique en Irak, composée de milices pro-iraniennes en Irak, dont Kataeb Hezbollah2 .

Quelques jours plus tard, les États-Unis, lors d’une attaque de drone, ont assassiné à Bagdad le haut commandant du Kataeb Hezbollah, Wissam Mohammad Saber, connu sous le nom de Abou Bakr al-Saadi, ainsi qu’un autre chef de la brigade et un chauffeur.

Les conséquences de ces attaques ont été directes. Craignant des représailles à grande échelle et probablement sous la pression de l’Iran (qui cherche à éviter une confrontation directe avec les États-Unis), le Kataeb Hezbollah avait récemment annoncé qu’il renoncerait temporairement aux attaques contre des bases américaines après la frappe meurtrière en Jordanie. Par la suite, la milice a juré de se venger de l’assassinat de l’un de ses commandants.

L’Irak est devenu le principal champ de bataille sur lequel les États-Unis et l’Iran mènent des attaques par procuration. Téhéran a par exemple lancé mi-janvier des frappes sur la ville d’Erbil, au Kurdistan irakien, pour envoyer un message de dissuasion à Israël et à son allié américain.

Même si ni l’Iran ni les États-Unis n’ont l’intention de s’engager dans une confrontation directe ou d’entraîner la région dans une guerre totale, Bagdad risque de subir les conséquences de leurs affrontements tant que les tensions resteront vives au Moyen-Orient, dans le contexte de la poursuite de la guerre. de la guerre génocidaire israélienne contre la bande de Gaza.

Au Yémen, Houtis contre États-Unis

De la même manière, du côté yéménite, la tension monte entre le mouvement politique armé yéménite des Houthis et les forces armées américaines et leurs alliés. Depuis le 7 octobre, en solidarité avec les Palestinien·nes, les Houthis ont multiplié les attaques en mer Rouge contre des navires considérés comme liés à Israël. Ainsi, le 19 novembre, ils se sont emparés d’un navire marchand, le Galaxy Leader, propriété d’un homme d’affaires israélien, avec ses 25 membres d’équipage. Les Houthis ont déclaré en de nombreuses occasions qu’ils ne mettraient fin à ces attaques que lorsque la guerre israélienne contre les Palestinien·nes de la bande de Gaza cesserait.

Face à cette situation, Washington a mis en place début décembre une force navale multinationale pour protéger les navires marchands en mer Rouge, par laquelle transite 12 % du commerce mondial. L’objectif principal est de préserver l’un des couloirs maritimes les plus importants pour le commerce international. Le dernier jour de l’année 2023, dix miliciens Houthis ont été tués lors de l’opération de destruction de trois navires, revendiquée par l’armée américaine en riposte à l’attaque menée contre un porte-conteneurs appartenant à une compagnie danoise. Il s’agissait de la première frappe meurtrière contre les Houthis depuis la mise en place de la force navale multinationale. Quelques jours plus tard, les États-Unis et le Royaume-Uni ont réalisé une nouvelle série de frappes aériennes dirigées contre les Houthis. En outre, Washington a imposé des sanctions visant les circuits de financement des Houthis, ciblant plusieurs personnes et entités au Yémen et en Turquie. Entre le 18 novembre et le 13 janvier, plus de 27 navires de commerce qui naviguaient dans le sud de la mer Rouge et dans le golfe d’Aden ont été attaqués par les Houthis.

Tout au long des mois de janvier et février, les forces militaires américaines et britanniques ont lancé de nouvelles attaques. Malgré ces frappes, les Houthis ont poursuivi leurs attaques en mer Rouge et dans le golfe d’Aden, contre des navires liés à Israël « en solidarité » avec Gaza, et ont déclaré qu’ils ne s’arrêteraient qu’à la fin de la guerre.

Les incursions d’Israël au Liban

Alors que le Liban est la cible de missiles israéliens depuis le début de la guerre israélienne contre Gaza, les risques d’une confrontation plus importante entre le Hezbollah et Tel-Aviv ont augmenté après l’assassinat par Israël de Saleh al-Arouri, numéro deux du bureau politique du Hamas et l’un des fondateurs de son aile militaire, les Brigades al-Qassam. Cet assassinat a eu lieu dans la banlieue sud de Beyrouth le 2 janvier. Deux autres responsables du Hamas, Samir Fandi et Azzam al-Akraa, ainsi que quatre autres personnes affiliées au mouvement – mais aussi à la Jamaa Islamiya libanaise (une branche des Frères musulmans au Liban) – ont également été tués dans cet attentat.

Le chef du Hamas, Arouri, était installé au Liban depuis 2018. Emprisonné à deux reprises, il a passé une douzaine d’années dans les geôles israéliennes avant d’être libéré en avril 2010. Il était l’un des interlocuteurs privilégiés de Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah.

Ensuite, c’est Wissam Tawil, commandant de la Force Al-Radwan, une unité militaire du Hezbollah, qui a été assassiné par un drone israélien dans le sud du Liban. Il s’agit du plus haut responsable militaire du Hezbollah tué depuis le 8 octobre. En réaction, le Hezbollah a pris pour cible des bases militaires situées au nord d’Israël.

Les attaques israéliennes ont causé la mort d’environ 250 membres du Hezbollah entre le 8 octobre et la mi-mars 2023, mais aussi de plusieurs dizaines de civil·es. Les attaques de l’armée d’occupation israélienne par avion et par drone sur des villages du Sud-Liban ont également entraîné le déplacement forcé de plus de 90 000 personnes ainsi que la destruction de vastes étendues de terres agricoles.

Pour l’instant, les assassinats d’Arouri et du commandant Tawil du Hezbollah n’ont pas modifié la position du parti islamique libanais ni celle de son principal soutien, l’Iran. La réticence à s’engager dans une riposte militaire plus intense s’explique par le souci de préserver les intérêts politiques et géopolitiques du Hezbollah. Le Hezbollah continue de servir de « front de pression » contre Tel-Aviv, comme l’exprime Hassan Nasrallah dans ses discours. De même, l’Iran ne veut pas que son fleuron, le Hezbollah, soit affaibli. L’objectif géopolitique de l’Iran n’est pas de libérer les Palestiniens mais d’utiliser ces groupes comme levier, notamment dans ses relations avec les États-Unis. Dans ce contexte, le Hezbollah s’en tient à des « réactions calculées et proportionnelles » contre les agressions israéliennes.

La menace réside dans la probabilité qu’Israël poursuive ses assassinats et ses attaques sur le territoire libanais. Une partie de la classe dirigeante israélienne souhaite, par le biais de cette guerre contre Gaza, forcer le Hezbollah à se retirer à 10 km de la frontière, c’est-à-dire au nord du fleuve Litani. Cela constituerait un succès politique et militaire pour Israël.

À la mi-mars 2024, l’armée d’occupation israélienne annonçait avoir frappé « environ 4 500 cibles du Hezbollah » au Liban et en Syrie, depuis le 8 octobre.

L’escalade des attaques israéliennes au Liban est liée à la nouvelle phase militaire engagée par Israël, relevant de la stratégie israélienne de « guerre de faible intensité ». L’objectif est de renforcer le contrôle sur la majeure partie de la bande de Gaza tombée sous son emprise, de détruire le réseau de tunnels souterrains et d’éradiquer toute résistance restante. La multiplication des menaces et des attaques au Liban met en lumière l’occasion manquée par le Hezbollah d’obliger Israël à se battre sur deux fronts. Cette situation est en train de se retourner contre le Hezbollah.

Conclusion

Alors que les responsables américains ont utilisé à plusieurs reprises leur droit de veto contre des résolutions appelant à un éventuel cessez-le-feu, la guerre israélienne actuelle contre la bande de Gaza aurait été impossible sans le soutien militaire continu et massif des États-Unis. L’administration américaine actuelle a en effet procédé à plus de cent opérations de transferts d’armes vers Israël sans aucun débat public, en utilisant une faille dans laquelle le montant spécifique en dollars de chaque vente tombait en dessous du seuil requis à partir duquel le Congrès doit être informé.

De son côté, le journal israélien Haaretz a déclaré que les données de suivi des vols accessibles au public montrent qu’au moins 140 avions de transport lourds à destination d’Israël ont décollé de bases militaires américaines à travers le monde depuis le 7 octobre, transportant du matériel militaire principalement vers la base aérienne de Nevatim, dans le sud d’Israël. De même, le gouvernement allemand avait approuvé l’exportation de près de 303 millions d’euros (323 millions de dollars) d’équipements de défense vers Israël entre janvier et novembre 2023. À titre de comparaison, 32 millions d’euros d’exportations de défense ont été approuvés sur l’ensemble de l’année 2022.

Le gouvernement israélien a annoncé que sa guerre génocidaire contre les Palestiniens à Gaza se prolongerait « tout au long » de l’année 2024. L’impunité israélienne est une menace permanente pour les classes ouvrières régionales et continue de renforcer les dangers d’une guerre régionale. Parallèlement, l’impérialisme occidental dirigé par les États-Unis ne fait qu’aggraver la misère des classes populaires locales en soutenant Israël, les États autoritaires de la région et en poursuivant les bombardements.

Que peuvent faire la gauche et les militant·es progressistes ?

Il est important de rappeler sans cesse notre opposition à l’État israélien d’apartheid, colonial et raciste, tout en continuant à défendre le droit des Palestinien·nes à résister contre un tel régime criminel. En effet, comme toute autre population confrontée aux mêmes menaces, les Palestinien·nes ont ce droit, y compris par des moyens militaires. De même, les Libanais·es ont le droit de résister à l’agression militaire d’Israël et à la guerre. Cette position ne doit pas être confondue avec le soutien aux perspectives et orientations politiques des différents partis politiques palestiniens et libanais, y compris le Hamas et le Hezbollah. Cela vaut également pour tous les types d’actions militaires que ces acteurs pourraient entreprendre. C’est particulièrement vrai pour les actions qui conduisent à l’assassinat aveugle de civils.

La tâche principale de la gauche reste de développer une stratégie basée sur une solidarité régionale par en bas. Cela implique de s’opposer aux États occidentaux et à Israël tout en s’opposant aux États autoritaires régionaux (que ce soit l’Iran, l’Arabie saoudite, la Turquie, le Qatar, les Émirats arabes unis, etc.) et aux forces politiques qui leur sont liées. Cette stratégie, qui repose sur la lutte des classes, conduite depuis le bas, est le seul moyen de parvenir à s’affranchir de ces régimes et de leurs soutiens impérialistes (qu’il s’agisse des États-Unis, de la Chine ou de la Russie). Dans le cadre de cette lutte, les Palestinien·nes, les Libanais·es et les habitant·es d’autres pays doivent également reprendre les revendications de toutes celles et tous ceux qui souffrent d’oppression nationale – comme les Kurdes et toutes celles et ceux qui subissent des formes d’oppression ethnique, confessionnelle et sociale.

 

Le 18 mars 2024

 

Première publication le 17 janvier 2024 sur le site de Solidarity. Traduit par Pierre Vandevoorde, revu et actualisé par l’auteur.

  • 1Hayat Tahrir al-Cham, Organisation de libération du Levant, est un groupe rebelle et djihadiste de la guerre civile syrienne, connu en arabe sous l’acronyme Hetech.
  • 2Le Kataeb Hezbollah, « Les Brigades du Parti de Dieu », aussi appelée Hezbollah irakien, est un groupe armé islamiste chiite irakien soutenu par l’Iran.