Le nouvel internationalisme et la IVe Internationale — Une première réponse au document de la DS, " Une politique internationaliste pour le XXIe siècle »

Ce texte a été adopté à la suite de la discussion par le Bureau exécutif de la IVe Internationale et transmis à la Coordination nationale de Démocratie socialiste. Traduit de l'espagnol par JM.

Le document des camarades de la DS ainsi que cette réponse ont été rédigés il y a plusieurs mois, avant les élections présidentielles au Brésil et les autres événements qui ont exercé une influence sur la situation. Nous espérions que les camarades seraient présents à la réunion du Comité international de février 2007 afin de poursuivre cette discussion avec eux. La réponse ci-dessous avait pour but d'entamer une telle discussion.

1. Le texte intitulé " Une politique internationaliste pour le XXIe siècle » est arrivé près de deux après que les camarades de la Coordination nationale de la DS ont cessé de participer aux réunions du Comité international de la IVe Internationale et dans une période où nous n'avions quasiment plus de discussions avec eux. C'est pourquoi nous espérons sincèrement que ce document permettra de recommencer un débat franc et ouvert avec ces camarades, avec lesquels nous avons parcouru une longue histoire en commun. Nous insistons pour qu'on ne permette pas que ce document serve à justifier l'actuel gel de nos relations.

Il nous apparaît que le document de la DS a deux axes. Le principal incite à une discussion sur la nature et les tâches de l'internationalisme dans la nouvelle conjoncture du XXIe siècle. Nous pensons qu'il s'agit d'un sujet d'une grande importance et que l'invitation à en débattre est d'une grande actualité. Sur cette question, il nous semble que la majorité des observations écrites dans le document de la DS seraient partagées par la majorité des militants de la IVe Internationale dans leurs pays respectifs. Nous pensons cependant que certains aspects de ce sujet sont traités de manière insuffisante ou incorrecte par le document des camarades — en particulier en ce qui concerne le rôle joué actuellement par certains gouvernements d'Amérique latine dans ce nouvel internationalisme. Le second axe, c'est une série de caractérisations et d'accusations au sujet du comportement de la IVe Internationale et de sa direction. Nous pensons qu'ils sont basés sur des informations erronées ou mal interprétées et nécessitent une réponse claire et catégorique. Nous allons traiter ces questions séparément.

2. Il n'est pas surprenant que nous soyons d'accord sur de nombreux sujets mis en évidence par la DS. Il s'agit de positions — concernant la nouvelle situation mondiale et la crise de légitimité du néolibéralisme, le rôle plus important des mouvements sociaux, la construction des Forums sociaux et du mouvement altermondialiste, l'érosion, au moins partielle, des vieilles divisions idéologiques qui ont marqué le mouvement ouvrier et populaire au cours du siècle passé, etc. — que nous avons élaborées ensemble depuis quelque quinze années et qui ont constitué le cœur de l'analyse et de la pratique de la IVe Internationale. Un processus dans lequel les camarades de la DS ont joué un rôle indispensable. Les résolutions centrales du XVe Congrès mondial — qui si nous l'avons bien compris furent discutés par les militants de la DS et en faveur desquelles tous les délégués présents de la DS ont voté, de même que la grande majorité des délégués des autres pays — avaient tenté de systématiser cet ensemble d'élaborations. Ils constituent l'essentiel du contenu du document " Résistances à la mondialisation capitaliste — une chance pour un nouvel internationalisme », et les aspects centraux du document " Rôle et tâches de la IVe Internationale ».

Des concepts similaires ont été élaborés dans tous les débats, documents et publications de notre mouvement, y compris, par exemple, dans divers écrits de nos camarades Michael Löwy, Daniel Bensaïd et Pierre Rousset.

Nous partageons également les préoccupations exprimées dans le document en ce qui concerne la nécessité pour le marxisme révolutionnaire de renforcer ses racines nationales et régionales, d'acquérir ou de fortifier une identité latino-américaine (et aussi asiatique, africaine, etc.). Dans le cas latino-américain, par exemple, il y de très nombreuses années que nous nous sommes identifiés à la référence au marxisme indo-américain de Mariátegui.

Les camarades établissent une connexion entre cette nécessité d'un marxisme " endogène » et leur propre histoire dans le parti des travailleurs (PT). D'accord ! Effectivement les positions élaborées par la DS sur cette question au début des années 1980 l'ont été en collaboration étroite avec d'autres camarades de la IVe Internationale. Le document fondateur, " Le PT et/ou Parti révolutionnaire », qui cherchait à expliquer pourquoi la participation des révolutionnaires dans le PT ne pouvait prendre la forme de " l'entrisme », pourrait servir d'exemple.

Cette élaboration et cette pratique de la DS ont eu un caractère spécifiquement brésilien. Mais pour la IVe Internationale elles ont eu également un impact important. Elles ont permis de rétablir une connexion avec les expériences beaucoup plus anciennes du mouvement ouvrier international dans le domaine de la construction des partis de masse. Elles ont servi de point de départ pour que d'autres camarades dans d'autres pays commencent à poser à nouveau, dans les circonstances les plus diverses, le défi de construire de vastes et massifs partis anticapitalistes.

Alors en quoi l'approche internationaliste de la DS est-elle si " nouvelle » pour que le camarade Joaquim puisse terminer un texte avec le défi suivant lancé à la direction de la IVe Internationale : " Les gauches révolutionnaires, dont la IVe Internationale, sont appelées à relever ce défi. Les militants de la DS se consacrent à cette tâche. (Mais, attention à ne pas répéter un "mauvais internationalisme" usé, qui éloignera irrémédiablement de ce chemin ceux qui répètent les erreurs du passé !) » ? (1)

Nous entrons ici sur le terrain de l'ambiguïté et de l'insuffisance que nous avons mentionnées au début, en effet ni le présent document ni l'article de Joaquim, s'ils parlent d'" identifier les nouveaux acteurs » et des " erreurs du passé », ne spécifient ni les uns ni les autres.

Pour chercher une plus grande clarification, nous allons reprendre le schéma déjà posé dans les discussions précédentes de la IVe Internationale et tenter de le comparer à ces approches " nouvelles » de la DS.

Au sein de la IVe Internationale, nous avons souvent parlé des trois niveaux où se manifestent les potentialités du nouvel internationalisme. De manière simplifiée, il s'agit :

a) des mouvements sociaux et civiques, dont beaucoup confluent dans les Forums sociaux mondiaux ;

b) les nouveaux partis et espaces politiques larges, anticapitalistes et/ou anti-impérialistes ;

c) les regroupements entre les forces révolutionnaires.

Le chapitre 8 du document sur les tâches de la IVe Internationale le synthétise de la manière suivante :

" 8. Vers une nouvelle Internationale révolutionnaire de masse

" 1. (…) Ce "nouvel internationalisme" apparaît en force depuis "Seattle". (…)

" 2. (…) On n'imagine pas la percée vers une nouvelle Internationale anticapitaliste/anti-impérialiste sans un apport important de ce nouveau mouvement. Ces forces notables mais diverses ne peuvent pas aujourd'hui former une nouvelle organisation politique internationale, mais elles peuvent être renforcées politiquement par un processus d'expérience et de clarification par l'intervention dans ces débats des forces révolutionnaires, notamment la IVe Internationale elle-même.

" 3. Les regroupements pluralistes de gauche, internationaux, anticapitalistes/anti-impérialistes restent faibles (…) Seule la confrontation directe entre la classe dominante et le prolétariat (…) sera à même de bousculer le rapport de forces, de donner un enracinement social et de dégager les militants pour construire, au niveau national, une nouvelle force politique — anticapitaliste, internationaliste, féministe — dans la perspective de la construction d'une nouvelle Internationale. (…)

" 4. Il y a une évolution importante au sein et entre certains courants, issus ou se réclamant du "trotskisme". (…) Cela vaut encore plus pour les organisations ex-"maoïstes". (.…) Un rapprochement entre organisations se réclamant du marxisme et de la révolution socialiste, ne peut avoir un sens qu'en rapport avec les batailles, le mouvement réel et les tâches d'aujourd'hui et du futur.

" Nous constatons qu'il y a ces trois développements politico-organisationnels de type internationaliste juxtaposés : le "mouvement réel" contre la globalisation et ses courants sociaux-politiques ; la convergence des courants anticapitalistes et pluralistes ; les courants de la gauche révolutionnaire. Cette situation pourrait se prolonger pendant toute une période. Cela dit, là où des accords et rapprochements sont possibles, nous prenons des initiatives unitaires pour aboutir à des regroupements sérieux. »

Alors, en quoi la conception de l'internationalisme du XXIe siècle que la DS propose maintenant est-elle différente ?

En ce qui concerne le premier niveau, comme nous l'avions dit, il ne semble pas y avoir de différences importantes. Le document de la DS met un accent particulier sur ce niveau — dans la collaboration entre les mouvements sociaux de l'Amérique latine et du monde, et il signale le rôle important joué par les militants de la DS dans ces convergences. Sans doute il s'agit là de l'aspect le plus évident du " nouvel » internationalisme qui naît. La IVe Internationale se sent dans son ensemble partie prenante de ce processus. Nous avons agi ensemble et espérons pouvoir poursuivre ensemble aussi bien la construction des mouvements spécifiques, comme la Marche mondiale des femmes, que des campagnes spécifiques, comme celles relatives à la dette ou à la taxe Tobin, mais aussi dans le renforcement des espaces larges comme le FSM, non seulement en Amérique latine, mais aussi en Europe, en Afrique et en Asie (voir, par exemple, le récent travail exemplaire des camarades pakistanais du LPP — observateurs permanents au Comité international de la IVe Internationale — lors du FSM de Karachi).

En ce qui concerne le deuxième niveau, le document de la DS ne s'étend pas, mais il semble également que nous coïncidons, même s'il peut y avoir des appréciations différentes sur des questions de détail. On pourrait discuter, par exemple, jusqu'à quel point le Forum de São Paulo peut servir, ou non, comme un espace utile à l'articulation de larges forces politiques, anticapitalistes et anti-impérialistes. On pourrait aussi discuter jusqu'à quel point les organisations comme le PRD mexicain ou le Front Ample uruguayen peuvent être considérées comme des " nouveaux acteurs » de l'internationalisme du XXIe siècle. Mais l'idée fondamentale de la DS — de vastes espaces politiques — va apparemment dans le sens des positions élaborés antérieurement dans diverses sections de la IVe Internationale.

3. Mais c'est en ce qui concerne le troisième niveau qu'une importante différence semble exister. Ou plutôt, dans le document actuel de la DS, il n'y a pas de troisième niveau. Dans les discussions de la IVe Internationale, la participation des forces marxistes, révolutionnaires, organisées à l'échelle nationale ou internationale (et donc pas seulement et encore moins exclusivement de la IVe Internationale ou du "trotskisme") a toujours été soulignée en tant que composante indispensable pour le développement et le succès du nouvel internationalisme aux deux premiers niveaux.

Il n'est donc pas clair quelle importance les nouvelles approches de la DS attribuent aujourd'hui à l'organisation des révolutionnaires au niveau international, ni même si elle y attribue une importance quelconque. Il serait important que les camarades clarifient ceci. Il faut savoir si l'existence même de la IVe Internationale — c'est-à-dire la nécessité pour les marxistes révolutionnaires de s'organiser à l'échelle internationale autour d'une vision partagée de la démocratie socialiste et de la lutte pour l'atteindre — n'est pas devenue maintenant, pour les camarades, une de ces " erreurs du passé ».

Nous espérons que les camarades de la DS ne pensent pas qu'une relation informelle et instable entre les cadres du PT, du Front ample, du MVR, etc. peut remplacer les espaces démocratiques d'élaboration, de décision et d'action entre les révolutionnaires organisés.

Il y a un autre aspect de ce troisième niveau qui mérite d'être examiné. Comme nous l'avons dit, ce niveau est absent dans le document actuel. Mais dans la première partie de la Résolution politique de la Conférence extraordinaire de la DS, d'avril 2006 — dont de nombreuses formulations du document actuel sont issues, de même que dans certaines interventions de dirigeants de la DS lors du Forum social de Caracas, un autre type de ce troisième niveau semblait apparaître. C'est l'idée que les nouveaux gouvernements " de la gauche, au moins en Amérique latine, formeraient un autre maillon de l'internationalisme du XXIe siècle ». Les formulations ne sont pas très précises. Il est question d'appeler le nouvel internationalisme à " se mettre en rapport » avec les nouveaux gouvernements. On mentionne le renforcement de Mercosur, ou la formation de blocs comme le G20 dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), en tant qu'expressions de la résistance au néolibéralisme.

Nous ne nions pas l'importance de tels phénomènes, ni la nécessité pour les révolutionnaires d'intégrer de tels " rapports » dans les tâches qu'implique la promotion d'un nouvel internationalisme. Mais de quel type de rapports s'agit-il et avec lesquels de ces gouvernements ? Ceci nous ramène à l'essentiel de la question.

Parce que la politique étrangère brésilienne au sein de l'OMC a aussi un caractère contradictoire et de plus en plus conservateur. A Hong Kong, le Brésil a signé les accords finaux de 2005 relatifs en particulier au coton, qui agressent les intérêts de millions de producteurs africains. Et nous ne pouvons pas oublier non plus la participation brésilienne à l'envoi de troupes à Haïti.

Parce que derrière toutes les nouvelles formulations et documents de la DS au sujet de l'internationalisme du XXIe siècle, apparaît la question de la participation de la majorité de la direction de la DS au gouvernement Lula, dont la politique est globalement social-libérale. Les camarades eux-mêmes signalent ce problème avec une clarté parfaite dans le document en question :

" Durant cette période, les risques de pragmatisme doivent être combattus, comme doivent l'être l'adaptation aux horizons utopiques d'un capitalisme prétendument réformable et la stérilisation des forces émancipatrices par leur intégration à l'ordre étatique bourgeois ou marchand. Ces risques sont centraux pour des partis socialistes qui sont arrivés au gouvernement de leur pays, comme le PT. »

C'est exactement cette préoccupation que le Comité international a exprimée dans le passé. Les résultats de la 13e Rencontre nationale du PT confirment ce pronostic. Alors que les camarades de la DS mènent une lutte pour incorporer dans les résolutions du PT des positions plus avancées sur la nécessité de changer le modèle économique et d'étendre la démocratie participative, Lula a dit très clairement que les fondements politiques et économiques de son second gouvernement ne vont pas changer.

Il nous semble évident que, sur le plan international, le gouvernement vénézuélien, et pour le moment aussi le bolivien, ont un caractère différent des autres gouvernements latino-américains. Dans la mesure où ils s'appuient sur les luttes et les intérêts des mouvements sociaux (et, à des degrés variables, fournissent une direction politique à ces luttes), ils peuvent en effet être " identifiés » en tant que " nouveaux acteurs » de cet internationalisme émergeant du XXIe siècle. Le rôle de plus en plus symbolique de Hugo Chávez pour les forces populaires et la gauche à l'échelle mondiale est clair dans ce domaine.

De même il nous paraît légitime, et parfois même nécessaire, de chercher des alliances ponctuelles et limitées autour d'objectifs limités avec certains autres gouvernements latino-américains. Mais cela ne signifie pas que les gouvernements de l'Argentine, de l'Uruguay ou du Brésil se transforment en alliés stratégiques pour la construction d'un internationalisme nouveau.

Les événements de mai 2006 paraissent démontrer clairement que ces gouvernements ne sont ni des alliés sûrs pour le Venezuela ou la Bolivie, ni a fortiori des acteurs du nouvel internationalisme. Car ce dernier ne peut être construit en défendant les investissements de Petrobras contre le peuple bolivien, ni en favorisant les agro-exportateurs brésiliens au sein de l'OMC, ni les joint-ventures papetiers de l'État uruguayen contre les environnementalistes argentins.

Nous ne sommes pas d'accord avec l'affirmation de la DS que le gouvernement Lula est un allié stratégique de la révolution bolivarienne. Dans la mesure où le Brésil s'oppose à une agression directe contre le Venezuela ou partage avec ce pays son opposition à la réouverture des négociations sur la Zone du libre-échange des Amériques (ZLÉA), il faut le soutenir. Mais il est aussi clair que les têtes les plus lucides de Washington tiennent des propos plus subtils — il suffit de lire avec soin les déclarations du sénateur Richard Lugar, celles de Tom Shannon et jusqu'à celles de Condoleezza Rice elle-même — et voient dans le gouvernement Lula leur meilleure option pour contenir la radicalité du processus vénézuélien. (S'il est vrai que certains dans le gouvernement Chávez peuvent se faire des illusions sur Lula, il y en a aussi d'autres qui sont parfaitement conscients de ses limites.)

4. Passons maintenant, mais plus brièvement, au second axe du document de la DS. Il laisse entendre que le fondement des problèmes entre la Coordination nationale (CN) de la DS et le Comité international (CI) de la IVe Internationale provient de la régression de ce dernier d'une position ouverte et plurielle au cours des années 1980 — le document sur la Démocratie socialiste, l'appui à la construction du Parti des travailleurs, etc. — à un programmatisme dogmatique et étroit qui reproduit les " erreurs du passé ».

Nous avons déjà rappelé l'orientation générale de la IVe Internationale par rapport aux nouvelles expressions de l'internationalisme. C'est pourquoi il nous est difficile de comprendre à quoi les camarades se réfèrent lorsqu'ils écrivent que " la majorité du CEI (sic) a fait le choix de s'éloigner des processus de recomposition en cours dans la gauche latino-américaine et de privilégier le dialogue et l'action commune avec de petits groupes "trotskistes" qui ont subsisté dans notre continent. »

Il n'est pas possible qu'ils parlent ainsi de la participation des camarades du PRT ou de la LUS mexicains à l'Autre campagne des Zapatistes ou du Front de la gauche socialiste. Ils ne peuvent pas non plus se référer à la participation antérieure des Équatoriens à Pachakutik, ni à celle des portoricains au Front socialiste, ni au rôle central joué par les sympathisants colombiens dans le Pôle démocratique alternatif ni dans la campagne présidentielle de Carlos Gaviria.

Et comme nous l'avons indiqué plus haut, une telle orientation étroite et sectaire en Amérique latine — si elle existait (et de fait, elle n'existe pas) — n'aurait pas le moindre sens lorsque l'on voit les efforts consacrés par presque toutes les sections et groupes sympathisants de la IVe Internationale pour construire des larges regroupements anticapitalistes dans les conditions nationales et régionales les plus diverses. Les exemples du Bloc de gauche au Portugal, de l'Alliance Rouge-Verte au Danemark, du WASG en Allemagne, du SSP en Écosse ou du Respect en Angleterre, tous avec une représentation parlementaire, ne peuvent certainement pas être qualifiés de " petits groupes trotskistes ». Et dans le cas de l'Italie, nos camarades ont participé depuis sa naissance au Parti de la refondation communiste, faisant partie de la majorité lorsque l'orientation générale du parti le permettait, et ont construit une opposition quand l'orientation du courant majoritaire envers un gouvernement social-libéral leur a imposé une telle option, comme c'est le cas actuellement.

Dans le cadre de cette orientation, nous sommes certainement disposés au " dialogue et l'action commune avec les groupes trotskistes qui ont subsisté », là où c'est possible et utile, comme nous le sommes avec beaucoup d'autres forces révolutionnaires. Il y en a eu de nombreuses, d'origines variées qui ont pris part à nos côtés à certaines initiatives nationales, comme à diverses réunions de la gauche anticapitaliste au niveau européen, asiatique, international ou latino-américain. Évidemment nous ne sommes pas d'accord avec toutes leurs analyses de la situation ou avec leurs priorités dans un pays déterminé ou dans une région — au Venezuela, en Argentine, au Brésil, en Amérique latine, etc. Mais nier l'intérêt d'un tel échange ou d'une collaboration serait en effet sectaire de notre part — et serait équivalent à la négation de la nécessité du troisième niveau du nouvel internationalisme dont nous parlions précédemment.

5. D'autre part, nous croyons que l'accusation formulée à l'encontre de la direction de la IVe Internationale qui aurait prétendu " intervenir » dans la DS (un concept avec une charge particulièrement négative pour la gauche brésilienne) relève d'un malentendu. Ou du moins qu'il est fondé sur une interprétation profondément erronée tant des faits que des statuts de la IVe Internationale (la nouvelle version, plus simple, de ces statuts a été approuvée lors du XVe Congrès mondial à la quasi-unanimité, incluant le vote favorable des délégués du Brésil) :

a) Le Comité international n'a pas décidé qui devrait représenter la DS en son sein. Les camarades doivent savoir que les membres du CI sont élus à titre individuel au Congrès mondial et que seul un Congrès mondial peut changer la composition du CI.

b) Le Comité international n'a pas déterminé qui sont les militants de la DS. Il vient de reconnaître comme militants de la IVe Internationale toutes et tous les militants qui étaient à la DS, qu'elles ou ils soient actuellement à l'intérieur ou en dehors du PT. Il s'agit d'une procédure qui entre parfaitement dans les attributions du CI et que, malheureusement, nous avons dû appliquer à plusieurs reprises au cours de ces dernières années, y compris avec la participation des dirigeants de la DS, comme dans les cas du Mexique ou de l'Uruguay.

c) Le CI n'a nullement " prétendu définir en Europe ce que la DS devrait faire au Brésil ». La seule chose que le CI a fait, après une longue attente et beaucoup de discussions, ce fut d'exprimer son point de vue sur un aspect de la politique brésilienne qui avait un impact sur toutes les sections et l'identité politique même de l'Internationale. C'est une tradition de la IVe Internationale — une tradition que nous défendons avec fierté — que seuls les camarades d'un pays donné peuvent décider des tactiques à appliquer dans leur réalité nationale. Or les camarades de la DS savent que la question de la participation des marxistes révolutionnaires à des gouvernements bourgeois, ou de coalition, ou pro-capitalistes, ou néolibéraux, ou sociaux-libéraux etc., y compris nationalistes, réformistes ou social-démocrates, a une histoire longue et très contestée au sein du mouvement ouvrier et populaire international (et pas seulement en Europe, aussi en Asie et en Amérique latine). Elle va bien au-delà d'une question tactique. Elle coiffe les questions fondamentales d'identité programmatique de notre mouvement, telles son indépendance de classe ou la révolution permanente. Par conséquent, il n'est pas surprenant que la situation brésilienne ait suscité une vague de discussions et d'interrogations non seulement dans les rangs de la IVe Internationale, mais aussi dans de larges secteurs de la gauche internationale. Par conséquent, il n'est nullement nécessaire de recourir au " fétichisme de la défense du programme » pour comprendre que la direction de notre Internationale avait, et a encore, une obligation absolue de discuter et d'arriver à une évaluation collective de cette situation. C'est ce qui a été fait. Nous espérons sincèrement que les camarades de la direction de la DS voudront partager ces discussions et ces évaluations avec le reste de l'Internationale.

1. Il s'agit d'un article de Joaquim Soriano intitulé " Un "mauvais internationalisme" et ses idées peu claires sur le Brésil », paru en français dans Inprecor n° 513/514 de janvier-février 2006. Joaquim Soriano, membre de la Coordination nationale de Démocratie socialiste et du Bureau exécutif de la IVe Internationale y polémiquait avec l'article de François Sabado " Brésil : crise et renaissance de la gauche » paru dans Inprecor n° 510 d'octobre 2005.