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Grande-Bretagne : Assassinat d’un militant antifasciste

par Correspondant·es

« Il y a longtemps que la violence de la classe capitaliste n’avait déferler dans les rues de ce pays avec autant de violence que le samedi 15 juin dans l’après-midi », déclare le Red Weekly, hebdomadaire de l’International Marxist Group, section britannique de la IVe Internationale. « Tandis que le National Front (organisation fasciste britannique) répandait ses viles doctrines racistes dans les rues de Londres, la police s’attaqua violemment à ceux qui osèrent défier la menace fasciste. Elle est donc co-responsable de la mort de Kevin Gately — le premier de nos camarades à tomber dans la lutte contre le racisme et le fascisme. »

Gately, étudiant de 21 ans de l’université de Warwick et sympathisant de l’IMG participait à sa première manifestation politique. Il fut assassiné par la police londonienne qui attaqua une manifestation de 1.000 personnes qui protestaient contre un meeting raciste organisé par les fascistes du Front National. Le but avoué du meeting et de la manifestation du Front National était de protester contre la décision du gouvernement travailliste d’accorder l’amnistie aux personnes déclarées immigrants illégaux selon la Loi sur l’immigration de 1971. Mais, derrière cet objectif immédiat, le Front National — qui a lancé toute une série d’attaques contre des individus ou des librairies du mouvement ouvrier — entendait faire une démonstration de force dans la rue, qui vienne appuyer leur récent succès dans les élections partielles. (A Newham ils ont reçu 12 % des voix, plaçant les conservateurs au 4ème rang, et aux élections partielles de Leicester, ils ont reçu 25 % des voix, tout de suite après les conservateurs.)

La contre-manifestation était soutenue par le groupe de Libération (un mouvement de soutien aux luttes de libération coloniales), l’IMG et d’autres organisations. Elle dépassait en nombre le rassemblement fasciste. Jackie Stevens, une militante de l’IMG qui avait accompagné Gately à la manifestation explique comment l’attaque de la police contre la manifestation commença : « Nous arrivâmes dans Red Lion Square formés en chaînes. Nous nous trouvâmes en face d’un cordon de police, et derrière ce cordon se trouvait la police montée. Quand nous essayâmes de passer dans Conway Hall, la police chargea avec ses matraques... Je suis tombée et ai été piétinée par un cheval, et on m’a frappée sur la tête. Les chaînes ont été brisées et je n’ai plus revu Kevin. Il y avait du sang partout et des dents qui jonchaient la rue. Les policiers hurlaient. Nous étions tous renversés et les chevaux nous piétinaient. C’était une scène absolument horrible. »

Des preuves montrent que l’attaque de la police ne visait pas seulement à brutaliser mais à tuer. Ron Singer, médecin à l’hôpital Bolingbroke de Londres déclara à Red Weekly : « J’étais présent à la manifestation et, après la charge de la police montée à Theobald’s Road, j’ai vu deux policiers arrachés un homme de la foule. Il saignait énormément d’une coupure — au minimum — à la tête. J’ai été vers lui et ai dit au policier que j’étais médecin et que j’aimerais examiner sa blessure. Le policier m’a répondu qu’il se fichait bien de qui j’étais et que si je ne partais pas il m’arrêterait aussi. »

Même Sydney Bidwell, député travailliste de Southall, et président du comité londonnien de Libération, a accusé les policiers d’avoir attaqué les militants anti-fascistes « avec une grande férocité ». « La police montée », a-t-il déclaré, « poussait les manifestants devant elle. J’ai dû m’échapper moi-même de leur poursuite. J’ai tout juste réussi à m’enfuir après avoir été piétiné par un cheval. »

La réaction de la presse capitaliste

Malgré le fait évident que la police avait violemment attaqué les manifestants anti-fascistes, la presse capitaliste britannique a tenté de présenter les affrontements — et même la mort de Gately — comme étant la faute des anti-fascistes. « ... une grande partie de la responsabilité revient aux organisateurs de la contre-manifestation de gauche à la marche anti-immigration du Front National », écrivait l’Economist du 22-28 juin. Beaucoup de journaux britanniques ont même prétendu pendant plusieurs jours qu’on ne connaissait pas la cause de la mort de Kevin. « Il y avait certains signes qu’il aurait pu s’agir d’une mort due à des causes naturelles (!), probablement à une hémorragie cérébrale », écrivait le Daily Express. L’Evening Standard attribuait la mort de Kevin à l’« asphyxie ». Même le Guardian écrivait le 18 juin : « ... la gauche n’a pas pu produire de témoin qui ait vu M. Gately être frappé. Il est plus probable qu’il a reçu un coup de pied quand il était par terre dans la mêlée. »

Mais, en réalité, il était clair pour tout le monde sauf les plus myopes et les plus cyniques, que Gately avait été tué par les matraques des policiers londoniens. La gauche a organisé sa riposte. Le samedi 22 juin, 6.000 personnes ont participé à Londres à une marche funéraire pour Gately. Le dimanche 23 juin, une manifestation anti-fasciste en mémoire de Gately réunissait 10.000 personnes, toujours à Londres. En plus de l’IMG, les International Socialists, le Syndicat Etudiant de Warwick et d’autres groupes politiques, une série de sections syndicales participaient à la manifestation.

Jack Collins, délégué du Kent du Syndicat national des mineurs donna une déclaration de solidarité à Red Weekly, qui disait, entre autre chose : « Le Trade Union Congress et la classe ouvrière organisée doivent exiger l’arrêt de la croissance du fascisme et utiliser tous les moyens nécessaires pour freiner sa progression et empêcher son activité... La question de la liberté de parole pour les fascistes a déjà été réglée de nombreuses fois — dans le Désert du Sinaï, dans les villes de Coventry, Londres, Varsovie et Stalingrad, et plus récemment dans le stade de Santiago du Chili. La liberté de parole ne doit pas être confondue avec permettre de diffuser du poison. Nous avons déjà vu le fascisme en action et nous n’avons pas l’intention de les laisser faire de nouveau. L’assassinat du jeune étudiant devrait servir d’avertissement à la classe ouvrière, et nous devons exiger une enquête très poussée. Les coupables, ceux qui ont donné les ordres, doivent être punis. Nous devons former un front unique anti-fasciste de la classe ouvrière. Si les organisations socialistes et ouvrières ne s’unissent pas, elles ne rempliront pas leur devoir envers la classe ouvrière internationale. »

La nécessité d’un front unique

Et c’est un fait que les organisations syndicales et le Parti Travailliste n’ont pas rempli leurs devoirs envers la classe ouvrière internationale. Le Red Weekly du 20 juin soulignait le danger de la menace fasciste et la nécessité d’une réponse unitaire de la classe ouvrière : « Les évènements de samedi doivent aussi rappeler que le Front National et l’Etat capitaliste sont du même bord, qu’ils luttent tous deux pour protéger la domination capitaliste. Les forces de "la loi et de l’ordre" protègeront les fascistes pour qu’ils remplissent leur sale besogne, et, si la classe capitaliste décide de les utiliser, elle couvrira leurs actions illégales et violentes contre la classe ouvrière et les socialistes.

« Les fascistes sont une menace. Si on les laisse s’organiser et développer leur influence, ils trouveront une place dans les projets des patrons pour écraser la résistance du mouvement ouvrier.

« C’est pourquoi nous avons manifesté samedi. Mais nous étions peu nombreux. C’est aussi pour cela qu’il y eut autant de violence. Si la manifestation de samedi avait été appuyée par tous ceux qui sont menacés par les fascistes — socialistes, syndicalistes, travailleurs noirs et immigrés —, il n’y aurait pas eu de violence.

« Les fascistes auraient eu trop peur pour sortir de leurs tanières, et les flics auraient laissé leurs matraques et se seraient occupés poliment de la circulation.

« Il ne doit pas y avoir d’autre 15 juin. Nous devons l’empêcher, non pas en baissant la tête et en permettant aux fascistes de conspirer contre nous, mais en ripostant, au futur, avec une telle force et une telle unité que les forces de la réaction et de l’Etat capitaliste ne lèveront pas le bras contre le mouvement anti-fasciste ;

« Pour une enquête immédiate du mouvement ouvrier sur la mort de Gately ; Pour la dissolution immédiate des "brigades spéciales" de la police ; Le gouvernement travailliste doit interdire toute future manifestation fasciste, et le mouvement ouvrier doit se mobiliser pour empêcher les fascistes de manifester ! »

La force du mouvement anti-fasciste pourra être testée bientôt. En effet le Front National avec l’Ulster Defense Association (milice réactionnaire d’Irlande du Nord), ont appelé à une manifestation commune le 13 juillet à Londres, non seulement contre les travailleurs immigrés, les anti-fascistes et les travailleurs britanniques, mais également contre le peuple irlandais. Toute la gauche a demandé que le Gouvernement travailliste interdise cette manifestation et a appelé à une contre-manifestation massive, le même jour, à Londres.

Le 4 juillet 1974

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