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Panama se rebelle contre le néolibéralisme

par José Cambra
Manifestation à Panama après l'arrestation de dirigeants syndicaux de Suntrac. (c) Antonio Neto

Les travailleurs et les peuples originaires sont mobilisés contre l’agenda néolibéral du gouvernement Mulino. Antônio Neto, de la revue Movimento, a interrogé le camarade José Cambra sur les raisons du mouvement, les rapports avec l’impérialisme américain et des éléments de programme de rupture devenu un symbole de la résistance populaire contre l’austérité et l’autoritarisme.

Pourquoi les Panaméens sont-ils en grève depuis 54 jours ?

Au cours des derniers mois, le Panama est devenu l’épicentre de la lutte des peuples latino-américains contre le capitalisme sauvage, contre le néolibéralisme, et qui s’exprime par des grèves. Une grève illimitée a été lancée le 23 par les enseignants des écoles primaires et secondaires du pays. Ensuite il y a eu le 28 avril des grèves illimitées des travailleurs du secteur bananier, dans la province de Bocas del Toro, sur la côte atlantique panaméenne, près de la frontière avec le Costa Rica, ainsi que des travailleurs du bâtiment, menés par le Syndicat national unique des travailleurs de l’industrie du bâtiment et des secteurs connexes (Suntracs).

Ces grèves ont plusieurs motifs. Elles ont lieu, et c’est important, un an après l’investiture d’un président du nom de Mulino, du genre Bolsonaro au Brésil, Milei en Argentine, Duque en Colombie ou Trump aux États-Unis. Cet homme a remporté les élections en héritant du capital politique de l’ancien président Martinelli jugé et condamné pour des actes de corruption. Ricardo Martinelli a été président du pays entre 2009 et 2014 et, devenu inéligible après ses condamnations, a adoubé Mulino comme son candidat.

Mulino a fait campagne sur le thème « Martinelli c’est Mulino, Mulino c’est Martinelli » pour rendre la prospérité économique aux Panaméens. Les deux mandats de Ricardo Martinelli ont été marqués par une période de prospérité économique dans le sens où il y avait beaucoup d’emplois à cause des mégaprojets (mégaprojets foyers de corruption à l’origine de la condamnation de Martinelli actuellement exilé en Colombie).

Mais au cours de sa première année du mandat de Mulino, il n’y a pas eu de création d’emplois. En revanche, il y a eu la loi 462 de réforme de la sécurité sociale. Cette loi met en danger les réserves, d’un montant de 9 milliards de dollars, de la Caja de Seguro Social, qui au Panama, gère les soins médicaux de la quasi-totalité des résident·es du pays ainsi que les retraites et pensions. La gestion de 90 % de ces réserves sera confiée à la Banque du Panama et à la Caja de Ahorros de Panama, deux banques publiques, mais dont les directeurs sont inféodés à Mulimo et sont autorisés à sous-traiter cette gestion au privé. Et la gestion des 10 % restants sera confiée directement au secteur privé. La loi stipule même qu’il est obligatoire d’acheter des titres de la dette américaine. En d’autres termes, ils mettent en danger les réserves du Fonds de Sécurité sociale, qui, au Panama, gère les soins médicaux de 90 % des résidents du pays ainsi que les retraites et pensions.

Cette loi réduit également de 60 à 30 % la retraite et repousse l’âge minimum. Selon les calculs des économistes de l’Université du Panama, au lieu de prendre leur retraite à 62 ans pour les hommes et 57 ans pour les femmes, les gens devront désormais travailler jusqu’à 80 ans pour toucher 60 % de leur salaire, sinon ils ne toucheront que 30 % ou moins. Cela a déclenché l’alarme, l’Alianza Pueblo Unido por la Vida et d’autres organisations populaires ont dénoncé cette situation, et répondu à l’invitation du président à participer à des tables rondes à la présidence, sans effet car le président s’est refusé à toute négociation. Lors de l’examen de la loi par l’Assemblée, une consultation, retransmise à la télévision, a été organisée et a duré environ deux mois. Des 500 personnes, la majorité absolue étaient d’avis qu’il fallait restaurer complètement le système de solidarité, prendre des mesures contre l’évasion fiscale des employeurs, de la bourgeoisie, et aussi garantir un taux d’imposition élevé pour faire que ceux qui gagnent le plus, ceux qui ont le plus de profits, soient ceux qui contribuent le plus, car le capital dans ce pays est pratiquement exonéré d’impôts.

Mais à cela s’est ajouté un élément qui a fait exploser la situation. Les États-Unis se proposaient, selon Trump, de reprendre le contrôle du canal qui avait été cédé au Panama par des traités internationaux il y a 25 ans, au début de ce siècle. Le gouvernement Mulino, au lieu de dénoncer ce fait au Conseil de sécurité de l’ONU, signe un protocole d’accord avec Pete Hegseth, le secrétaire américain à la Défense, autorisant l’installation de trois bases militaires au Panama, sur ses anciens sites, et Hegseth déclare qu’il y a déjà mille soldats au Panama. Cette présence des troupes américaines est une violation du traité Torrijos-Carter. Cela est considéré par la population comme une capitulation de la part du gouvernement Mulino.

À cela s’ajoute l’intention de rouvrir la mine de First Quantum, qui a rapporté à cette entreprise 48 % de ses bénéfices mondiaux et qui avait été déclarée inconstitutionnelle par la Cour suprême de justice en 2023, après des mobilisations impressionnantes. Une méga-marche avait rassemblé un quart de million de personnes dans un pays qui compte 4 300 000 habitants. Le même jour, un million de personnes se sont mobilisées dans tout le pays. Ce niveau de mobilisation a contraint la Cour suprême à déclarer inconstitutionnels, non seulement l’accord minier, mais aussi, en raison d’un problème écologique de protection de l’environnement, l’exploitation minière à ciel ouvert. Cela n’empêche pas le président de la République de déclarer qu’il va rouvrir la mine, de libérer pour First Quantum les millions de dollars de cuivre qu’ils avaient stockés dans la mine. De plus, une cargaison de charbon vient d’arriver au port de la mine pour recommencer à utiliser le site de production d’électricité, une étape effective vers la réouverture de la mine.

Ces événements sont en totale contradiction avec l’esprit de 2023 et constituent les principales revendications de la mobilisation qui a débuté avec les enseignants le 23, suivis par les syndicats des usines de bananes et les syndicats du bâtiment le 28.

Aujourd’hui, après 54 jours de grève des enseignants, les bananiers étaient parvenus à un accord avec la Chambre des députés pour établir une loi qui rétablirait les droits dont ils disposaient et qui avaient été remis en cause par la réforme de la loi 462. Mais comme des communautés entières étaient mobilisées, la province se trouvait de fait sous contrôle du syndicat et des communautés. 24 barrages routiers contrôlaient les axes d’accès. Le président a donné l’ordre jeudi dernier (12 juin) d’avancer militairement contre la province, et vendredi 13 juin l’opération Omega (« jusqu’au bout ») est entrée dans la province, a affronté les groupes qui défendent les barrages, principalement des groupes des peuples originaires Noé, Bulé, Nazo et les travailleurs bananiers qui ont repris la lutte. Le principal dirigeant du syndicat des Bananiers Francisco Espín et 3 autres ont été arrêtés, accusés de faire l’apologie du crime.

La lutte s’intensifie. Des affrontements ont lieu dans toute la province de Bocas del Toro, contre la police, contre les forces anti-émeutes et contre le Service national des frontières – qui légalement ne devrait pas être utilisé dans une opération de police interne.

De même, les peuples autochtones de Noé ont bloqué l’autoroute Interaméricaine, la plus importante du pays, et se battent contre la police. Cela s’est produit aussi la semaine dernière dans un village appelé Arimey du peuple originaire Emberá, qui se trouve de l’autre côté de la frontière qui sépare les provinces de Bocas del Toro et Chiriquí, proches du Costa Rica. Et maintenant dans la province de Darín, où vivent les Emberá qui se sont battus pour défendre leur barrage routier, deux de leurs chefs traditionnels ont été arrêtés et exhibés entravés aux poignets et aux jambes, comme des criminels. Ils ont été traduits ce vendredi 13 juin devant le système pénal accusatoire et libérés, au vu de l’absence de charges.

Les autres peuples originaires, les Kuna, les Dule, ont expulsé toutes les autorités gouvernementales de leur région et fermé toutes les écoles pour soutenir la grève des enseignants. Elles savent que si cette lutte est perdue, la mine sera immédiatement rouverte et le protocole d’accord avec les États-Unis sera validé.

Dans la constitution panaméenne, tout ce qui concerne le canal ou ses zones adjacentes doit être soumis à la Chambre des députés et, si approuvé, soumis à un référendum. Le gouvernement refuse de le faire. En d’autres termes, ce gouvernement a cessé d’être un gouvernement de démocratie représentative bourgeoise pour devenir un gouvernement qui passe outre la Constitution et les lois, typique des gouvernements d’extrême droite et des gouvernements qui sont des dictatures civiles. Nous sommes donc confrontés à une lutte où la question de la défense de l’État de droit et des libertés démocratiques est au premier plan.

Le secrétaire général du Suntracs a été contraint, en accord avec une décision prise par le syndicat, de se réfugier à l’ambassade de Bolivie, parce qu’ils allaient l’arrêter, le mettre dans la prison la plus dangereuse du pays. Tout comme les camarades dirigeants des peuples autochtones d’Arimay, à Berán, qui se trouvent à la prison de Mega Joya, sont en danger, tout comme Jaime Caballero, un dirigeant du Suntracs, lui aussi incarcéré à Mega Joya. En d’autres termes, ils criminalisent les manifestations, même celles des étudiants. Les salaires de 22 000 enseignant·es ont été suspendus. Beaucoup d’autres sont en grève.

Il y a des mobilisations tous les jours. Les enseignants, les travailleurs du bâtiment et d’autres secteurs syndicaux se mobilisent et parcourent les communautés. La grève est encore plus forte à l’intérieur du pays qu’à Panama City, car Panama City compte 2 millions d’habitants, c’est une très grande extension géographique. À l’intérieur du pays, toute la population se joint aux enseignant·es et aux marches.

En Amérique latine, nous vivons une vague de gouvernements autoritaires d’extrême droite qui ont mis en œuvre tout un programme de contre-réformes néolibérales. Le Panama vit une situation différente, car ses gouvernements n’ont pas réussi à mettre en œuvre leur programme dans son ensemble. À quoi est-ce dû ? Le Panama est-il le maillon faible du capitalisme latino-américain ?

Au Panama, les directions réformistes du mouvement de masse n’ont pas la même force que dans d’autres pays. Nous avons des dirigeant·es impliqué·es dans les luttes comme ceux du syndicat de la construction, de l’Association des professeurs de la République ou les syndicats d’enseignants. Le Panama traverse ce que nous appelons une crise de légitimité : en 2019, il y a eu des élections, quelques mois plus tard le gouvernement a tenté d’imposer des réformes constitutionnelles, et l’une de ces réformes consistait à supprimer le budget des universités publiques. Le lendemain 10 000 étudiants sont descendus dans la rue, ont envahi et occupé l’Assemblée, qui est revenue sur cet aspect de la réforme. Dix jours plus tard, un rassemblement de 4 000 jeunes, parmi lesquels des mouvements LGBT+, syndicalistes et jeunes universitaires, est réprimé par la police et marque le début d’un peu plus d’un mois de mobilisations de la jeunesse, principalement des femmes, âgées de 17 à 35 ans, contre la réforme et contre le parlement. Cette lutte va obliger le gouvernement en 2019 à revenir sur toute la réforme constitutionnelle.

La pandémie arrive en 2020, nous sommes confinés en 2020-2021, mais en 2022, il y a une augmentation du prix de l’essence qui pousse la population à participer à des barrages dans tout le pays contre la hausse des prix des carburants, la hausse des prix des denrées alimentaires, le manque et le coût élevé des médicaments et le faible budget pour l’éducation. La seule chose qui a été obtenue a été l’augmentation du budget de l’éducation et un frein à la hausse du prix de l’essence, mais les autres questions sont restées en suspens et la grève des enseignants s’est soldée par un accord pour mettre fin aux réductions salariales. En 2023, la situation a explosé, parce que les objectifs précédents n’avaient pas été atteints, et parce que la société minière First Quantum a canalisé le mécontentement accumulé, rassemblant 250 personnes. Il y a une distance entre la population et les politiciens traditionnels, et il y a un problème de légitimité : les gens disent non, je ne me laisserai pas faire.

En réalité, depuis l’Alianza Pueblo Unido por la Vida l’idée est que nous sommes un catalyseur pour que la population s’exprime. Il existe des leaders prêts à se battre, un mouvement d’enseignant·es dont l’avant-garde lutte depuis 20 ou 25 ans. Il s’agit donc d’une avant-garde qui a une tradition de luttes.

Mais la répression est si forte qu’il n’y a pas encore eu de soulèvement social généralisé. La politique du gouvernement, qu’il y ait des luttes ou non, c’est de réprimer : si un quartier réclame de l’eau ou a des problèmes de logement, etc. Cela provoque la peur, mais cela accumule aussi le mécontentement pour une explosion généralisée.

Contrairement au Brésil où Bolsonaro a capitalisé le mécontentement d’une partie de la population, le gouvernement d’extrême droite de Panama n’a pas de base sociale. Martinelli est maintenant attaqué puisqu’on dit c’est à cause de lui que nous avons Mulino. Martinelli, qui dispose d’une base sociale de soutien et de sympathie parmi la population, commence à avoir ce genre de problème. 

La grève des enseignant·es bénéficie d’un large soutien populaire dans les quartiers, les villes et les familles. Outre les enseignants, les ouvriers du bâtiment, les bananiers, les indigènes, en tant qu’individus isolés, leurs communautés sont très impliquées dans la grève. Il y a des campagnes de soutien communautaire, qui apportent de la nourriture, de l’argent pour les soutenir dans leur lutte ?

Tout à fait. Vers la troisième semaine de la grève des enseignants, une vague d’assemblées et de réunions de mères et de pères a commencé. Surtout de mères. Elles et ils se sont donc réuni·es et ont déclaré que leur école soutenait les enseignant·es qui étaient au chômage. Et s’il y avait des enseignant·es qui ne faisaient pas grève, les parents disaient qu’ils n’enverraient pas leurs enfants à l’école. Il s’agit donc d’une grève qui a commencé avec peut-être 60 % des enseignant·es en grève. Puis, au cours de la troisième semaine, ce chiffre est passé à 80 %.

Dès la première semaine, les lycéen·es, en uniforme, ont participé en masse aux manifestations dans les provinces. On assiste au réveil d’un acteur qui avait été réprimé pendant l’ère Noriega. Le rôle que jouent aujourd’hui les enseignant·es était autrefois joué par les lycéens. Ils avaient une fédération d’étudiant·es qui comptait des associations dans chaque école. Chaque classe avait une représentation. Il y avait une structure organisée et des mobilisations de masse. Noriega y a mis fin en 1985. Il a expulsé les dirigeants et détruit l’organisation.

Nous envisageons la possibilité de continuer la grève jusqu’au 2 juillet, date à laquelle l’Assemblée reprend ses travaux. Il y a un mouvement dans tout le pays de piquets devant les domiciles des députés qui ont voté en faveur de la loi. Plusieurs députés craignent déjà pour leur avenir électoral et se disent prêts à envisager certains changements, certaines réformes de la loi en tant que telle.

Combien de temps le mouvement peut-il durer ? Pensez-vous qu’il soit possible d’exiger des députés qu’ils réforment la loi ?

Attendre juillet est la tactique du gouvernement pour épuiser le mouvement, avec la menace de réduire les salaires. Ce qui a déjà été fait pour environ vingt mille enseignants. De plus, il y a des provinces entières où ni les directeurs d’école n’ont été pas payés. À Veraguas, à Bocas del Toro. Certain·es de nos collègues n’ont pas été payé·es depuis trois quinzaines, d’autres depuis deux quinzaines, d’autres depuis une. De plus, le gouvernement licencie en masse et les remplace par des éducateurs au chômage. Cela a été contesté devant la Cour suprême car ces licenciements sont illégaux. Des recours ont été déposés devant la Cour suprême. Si notre recours est pris en compte, il y aurait contraction entre l’exécutif et la Cour suprême. Cela fait partie des motivations pour se maintenir en grève, pour obliger la Cour suprême à se prononcer et à forcer la restitution des salaires. Ce serait un coup dur pour le gouvernement.

Il n’y a eu que deux fois dans l’histoire où les enseignants ont vu leurs salaires supprimés pendant une grève. Ils le font parce que l’objectif de ce gouvernement d’extrême droite est de détruire le Suntracs et de détruire l’organisation des enseignants. Il pense ainsi détruire la direction qui fait obstacle à son plan.

Nous sommes donc dans une confrontation totale, où il n’y a pas de compromis possible.

Nous sommes dans une impasse, n’est-ce pas ? Le gouvernement n’a pas la force d’écraser le mouvement, d’imposer la réforme des retraites, d’imposer l’accord avec les USA, d’imposer la réouverture de la mine, et le mouvement...

C’est vrai, et le mouvement n’est pas assez fort pour vaincre le gouvernement. Il faut une plus grande impulsion des communautés. Mulino a été accueilli comme un sauveur par l’oligarchie financière. Mais la situation d’ingouvernabilité affecte également ses profits. La consommation a diminué. Le fait que 20 000 enseignants ne reçoivent pas leur salaire signifie que les prêts bancaires et hypothécaires ne sont pas remboursés aux banques.

Cela crée donc une situation économique difficile. Si la situation s’aggrave, si la population se mobilise encore plus fortement, il y aura une défaite spectaculaire pour le gouvernement. De l’ampleur de celle qu’ils veulent nous infliger. 

La partie bourgeoise de l’économie réelle qui tire ses profits du tourisme, des marchés physiques fait-elle déjà pression sur le gouvernement pour qu’il recule ?

La semaine dernière, il y a dix jours, il les a rencontrés, leur a parlé et leur a demandé d’attendre, de lui donner quelques jours pour mettre fin au mouvement. C’est pourquoi le discours du président est de dire qu’il n’y a pas de problème, que la loi 462 est passée… Et les gens de dire : « Mon Dieu, il y a deux Panamá ici, celui du président et celui que vous voyez dans la rue ».

Ce que nous n’avons pas encore atteint, c’est une révolte nationale simultanée. Et je parle même du point de vue du droit de la population à manifester. Il y a eu des manifestations qui ont relativement paralysé le pays, mais pas partout, comme cela s’est produit en 2023. Et c’est ce que dit le président : je ne permettrai pas que le pays soit à nouveau fermé.

Il y a aussi un mouvement de solidarité internationale, et nous sommes profondément reconnaissants à tous nos camarades au Brésil et dans tous les autres pays qui ont mené la campagne internationale qui a commencé avant le lundi 9 juin.

Il y a eu des manifestations à l’Organisation internationale du Travail, au congrès de la Confédération syndicale des Amériques, de la Confédération syndicale internationale. Il y a même eu des actions coordonnées le 9 juin dans différents pays, tant en Amérique latine qu’en Europe et ailleurs1 En d’autres termes, il y a eu effectivement un mouvement des syndicats d’enseignants, des organisations politiques de gauche, des camarades de la Quatrième Internationale, etc.

Au cœur de cela se trouve la solidarité avec Suntracs, qui est l’organisation la plus touchée. Ses comptes, ses cotisations syndicales, ont été saisis par deux gouvernements consécutifs depuis le 18 novembre 2023. Son leader le plus important a dû se réfugier à l’ambassade de Bolivie. Un autre dirigeant important est en prison. Et un autre est visé par une récompense de 10 000 dollars pour sa seule localisation ! Une chasse à l’homme est en cours. Les locaux du syndicat ont été envahis. En d’autres termes, toute la question de la liberté d’association et les accords de l’OIT ont été violés.

Parmi toutes les tentatives du gouvernement pour écraser le mouvement, l’une d’elles a failli réussir, c’est la tentative de négocier avec le syndicat des bananiers pour réformer la loi sur la sécurité sociale. Il y a eu au moins deux tentatives. L’une d’elles a été celle d’un ministre du gouvernement qui les a rencontrés à Boca del Toro et est revenu sans accord. Et maintenant, il y a eu une nouvelle tentative qui a abouti à l’arrestation du leader syndical, n’est-ce pas ? En d’autres termes, les tentatives du gouvernement pour diviser le mouvement n’ont pas fonctionné. Alors, que va-t-il se passer maintenant ?

L’Assemblée des députés a approuvé les réformes convenues avec le syndicat dans la loi 45. Malgré cela, ils ont maintenu la grève à Changuinola, qui est la zone où le syndicat est le plus fort.

Le président a alors décidé d’envoyer la police et les forces militarisées sur place, les affrontements ont commencé et les syndicalistes ont de nouveau fermé Changuinola. Le gouvernement veut écraser le mouvement. Mais comme le mouvement est très fort, le moindre faux pas peut mettre le feu aux poudres. Et nous résistons précisément pour que la population puisse participer et que nous puissions vaincre le gouvernement.

Vaincre le gouvernement signifie la défaite, comme vous l’avez bien dit, non seulement de la loi sur la réforme de la sécurité sociale, mais aussi de l’exploitation minière, de toutes ces tentatives gouvernementales. De plus, le gouvernement lui-même se met en danger, car c’est un président qui n’a pas de vice-président. Et il est en danger, par exemple, avec la plainte que nous avons déposée contre lui à l’Assemblée des députés, conformément à la Constitution du Panama, selon laquelle il a violé la personnalité internationale de l’État en approuvant des bases militaires américaines au Panama.

Ce viol de la Constitution est la seule raison valable pour destituer un président. Si le rapport de forces venait à changer et qu’une crise majeure éclatait, il serait alors possible que le président soit destitué et que de nouvelles élections soient organisées dans les cinq mois, comme le prévoit la Constitution. En d’autres termes, cela ouvrirait une situation différente.

Ce n’est pas encore à l’ordre du jour. Ce n’est pas une possibilité pour le moment, mais cela montre la voie à une défaite du gouvernement qui serait devenu un instrument inefficace pour la bourgeoise, un gouvernement absolument vaincu. n

Le 27 juin 2025

Propos recueillis par Antônio Neto.

  • 1

    Marcelo Di Stefano, dirigeant de la CSA qui vient de la CGT argentine, y a contribué. Il y a eu plusieurs actions autour du 9 juin, au Brésil devant l’ambassade et aux consulats de Rio et Santos. Une délégation syndicale belge accompagnée d’eurodéputés, notamment de LFI, s’est rendue à l’ambassade de Bruxelles, etc.

 

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المؤلف - Auteur·es

José Cambra

José Cambra est membre du Comité exécutif de l’Association des professeurs de la République du Panama (ASOPROF), l’une des principales organisations de masse à la tête des luttes au Panama, appartenant à l’Alliance populaire unie pour la vie. Il est directeur de l’École de sociologie de l’Université du Panama et militant de la Quatrième Internationale.