Revue et site sous la responsabilité du Bureau exécutif de la IVe Internationale.

La crise de la politique bourgeoise au Bangladesh et la voie révolutionnaire suivie par la gauche révolutionnaire : une analyse marxiste-léniniste, trotskiste et gramscienne

par Badrul Alam
Mouvement contre le système des quotas en 2024. © Rownak Shahriar Ruhan — CC BY 4.0

« Depuis la naissance du Bangladesh en 1971, le paysage politique au est dominé par des partis politiques bourgeois, principalement la Ligue Awami (AL) et le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP). Bien que tous deux prétendent représenter les intérêts du peuple et la souveraineté nationale, leur politique est en réalité profondément ancrée dans la préservation de la domination de la classe bourgeoise, au service des élites capitalistes et des intérêts impérialistes internationaux. Cette domination bipartite a engendré un système politique gangrené par la corruption, l’arrivisme, le factionnalisme et la répression, perpétuant les inégalités structurelles et empêchant une véritable émancipation prolétarienne. »

Remarque : au Bangladesh, contrairement à de nombreux autres pays, « ML » signifie « non maoïste », ceux-ci sont les « MLMTT » (Marxistes-Léninistes-pensée Mao Tsétoung).

Introduction : la scène politique bourgeoise au Bangladesh

Depuis sa naissance en 1971, le paysage politique du Bangladesh est dominé par des partis politiques bourgeois, principalement la Ligue Awami (AL) et le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP). Bien que tous deux prétendent représenter les intérêts du peuple et la souveraineté nationale, leur politique est en réalité profondément ancrée dans la préservation de la domination de la classe bourgeoise, au service des élites capitalistes et des intérêts impérialistes internationaux. Cette domination bipartite a donné naissance à un système politique gangrené par la corruption, l’arrivisme, le factionnalisme et la répression, perpétuant les inégalités structurelles et empêchant une véritable émancipation prolétarienne.D’un point de vue marxiste-léniniste, le monopole exercé par la bourgeoisie sur la sphère publique reflète une contradiction fondamentale dans un État formellement démocratique, ce qui masque la dictature de classe sous-jacente. Dans le même temps, la théorie de la révolution permanente de Trotsky et le concept d’hégémonie culturelle de Gramsci fournissent des outils essentiels pour comprendre ce qui a fait s’effriter la façade démocratique bourgeoise au Bangladesh et tracer la voie d’une transformation révolutionnaire grâce à une avant-garde prolétarienne consciente et à une guerre de position contre-hégémonique.

Les partis bourgeois comme instruments de classe de l’État capitaliste

La Ligue Awami et le BNP : les deux faces d’une même médaille

La Ligue Awami, née du Mouvement pour la langue et de la lutte pour l’indépendance, historiquement positionnée comme une force nationaliste, s’est progressivement transformée en agent des intérêts capitalistes bourgeois, lié aux industriels locaux et à l’impérialisme international. Sa promesse d’un « nationalisme progressiste » s’est révélée creuse, comme cela est attesté par la pauvreté persistante, les inégalités et l’autoritarisme sous son règne.

Le BNP, fondé par le dictateur militaire Ziaur Rahman, représente l’aile réactionnaire de la bourgeoisie, s’appuyant fortement sur le nationalisme religieux et les intérêts des propriétaires fonciers féodaux. Malgré leurs différences idéologiques, l’AL et le BNP ont fonctionné comme des factions rivales au sein du même ordre capitaliste, alternant au pouvoir tout en maintenant le statu quo.

Leur politique se caractérise par :

La corruption et le clientélisme : les deux partis ont institutionnalisé le népotisme, les réseaux clientélistes et la corruption pure et simple afin de consolider la domination bourgeoise.

La répression de toute forme d’opposition : les mouvements de gauche, les syndicats, les luttes indigènes et les soulèvements paysans ont été confrontés à une répression brutale de l’État, révélant la nature fondamentalement répressive de l’État bourgeois.

Diviser pour régner : les divisions ethniques, religieuses et régionales ont été instrumentalisées pour saper l’unité de la classe ouvrière.

La dépendance économique : les gouvernements de l’AL et du BNP ont favorisé une dépendance croissante vis-à-vis du capital étranger, notamment des multinationales impérialistes, des conditions imposées par le FMI et des politiques néolibérales de la Banque mondiale, aggravant ainsi le statut semi-colonial du Bangladesh.

En somme, les partis politiques bourgeois ne servent pas le peuple, mais les intérêts d’une classe capitaliste compradore et bureaucratique, en maintenant l’hégémonie idéologique indispensable à la perpétuation de leur domination.

Critique marxiste-léniniste : l’État démocratique bourgeois comme instrument de la domination de classe

Marx et Lénine ont montré que la démocratie bourgeoise est une forme de dictature de classe. Si elle semble garantir le suffrage universel et les droits politiques, elle préserve en réalité les rapports de propriété capitalistes et réprime le potentiel révolutionnaire du prolétariat.

Au Bangladesh, la façade de la démocratie multipartite dissimule un appareil d’État qui est un instrument de répression et des intérêts de la classe bourgeoise. Les prétendues libertés démocratiques sont circonscrites par les limites fixées par le capital. Les élections sont souvent truquées ou manipulées, la dissidence est criminalisée et l’organisation politique prolétarienne authentique est marginalisée.

L’analyse de ’impérialisme par Lénine est pertinente pour la position du Bangladesh en tant que néo-colonie, où l’État bourgeois sert à la fois les capitalistes nationaux et les puissances impérialistes étrangères. Cette double dépendance garantit que les partis au pouvoir ne peuvent agir de manière indépendante dans l’intérêt de la classe ouvrière ou de la libération nationale.

La théorie de la révolution permanente de Trotsky : au-delà de la démocratie bourgeoise

La théorie de la révolution permanente de Léon Trotsky est hautement pertinente pour le contexte semi-féodal (vestiges féodaux) et semi-colonial (néocolonial) du Bangladesh. Contrairement à la théorie classique des étapes, qui postule une progression par paliers de la révolution démocratique bourgeoise vers le socialisme, Trotsky a affirmé que dans des pays comme le Bangladesh, la classe ouvrière doit diriger la révolution et aller au-delà des limites bourgeoises pour aller directement à la transformation socialiste.

La bourgeoisie bangladaise est trop faible et trop compromise pour mener à bien de véritables réformes démocratiques ou une redistribution des terres. Les propriétaires fonciers et les capitalistes compradores n’ont aucun intérêt à briser les chaînes féodales ou coloniales. Par conséquent, le prolétariat ne peut pas attendre une étape « démocratique », mais doit saisir le pouvoir et mettre en œuvre des mesures socialistes parallèlement aux droits démocratiques.

Voilà qui explique l’échec répété des partis politiques bourgeois à mettre en œuvre la réforme agraire, les droits du travail et la justice économique. Il revient à un mouvement communiste révolutionnaire de gauche de construire un parti prolétarien indépendant capable de mener une révolution permanente, en liant les revendications démocratiques aux objectifs socialistes.

Gramsci et l’hégémonie culturelle : la lutte pour le leadership idéologique

Les réflexions d’Antonio Gramsci sur l’hégémonie culturelle révèlent pourquoi les partis bourgeois maintiennent leur domination malgré un mécontentement généralisé. La classe dirigeante ne s’appuie pas uniquement sur la force, mais cultive sa domination idéologique et culturel à travers les institutions de la société civile, l’éducation, la religion et les moyens de communication et d’information.

Au Bangladesh, l’AL et le BNP exercent un contrôle sur les médias grand public, les institutions religieuses, les ONG et les programmes éducatifs, façonnant les consciences pour qu’elles acceptent la domination capitaliste comme naturelle et inévitable. Cette domination idéologique empêche la classe ouvrière de reconnaître son potentiel révolutionnaire et empêche l’émergence d’alternatives contre-hégémoniques.

La guerre de position selon Gramsci impose à la gauche révolutionnaire de construire ses propres institutions, ses propres espaces culturels et ses propres cadres intellectuels pour remettre en cause l’idéologie bourgeoise et cultiver la conscience prolétarienne. Ce n’est qu’en remportant la bataille des idées que le prolétariat pourra créer les conditions d’une révolution socialiste victorieuse.

La position révolutionnaire communiste de gauche : au-delà du réformisme et de la bourgeoisie nationale

Les partis communistes de gauche au Bangladesh rejettent les illusions propagées par la démocratie bourgeoise et la rhétorique nationaliste. Ils mettent l’accent sur les principes révolutionnaires suivants :

Indépendance de classe : rejetant toute alliance avec les partis bourgeois ou les élites compradores, le prolétariat doit s’organiser de manière autonome.

Internationalisme : reconnaissant la place du Bangladesh dans le système capitalisme impérialiste mondial, la révolution doit s’allier au prolétariat international.

Démocratie prolétarienne : promouvoir les conseils ouvriers, les soviets ou des organes similaires de pouvoir prolétarien direct pour remplacer l’État bourgeois.

Révolution agraire et économique : expropriation immédiate des propriétaires fonciers et des capitalistes, redistribution des terres, nationalisation des industries clés sous le contrôle des travailleurs.

Lutte contre les divisions religieuses et ethniques : construction de l’unité prolétarienne au-delà des clivages sectaires et communautaires.

Travail culturel contre-hégémonique : création d’une nouvelle culture révolutionnaire enracinée dans les valeurs, l’éducation et l’organisation de la classe ouvrière.

Seul un programme révolutionnaire de ce type peut briser le cycle de la domination et de la répression bourgeoises au Bangladesh.

La Ligue Awami et le BNP incarnent des fractions différentes de la classe capitaliste qui toutes deux s’opposent aux intérêts de la classe ouvrière et maintiennent l’ordre néocolonial.

Une véritable voie vers l’émancipation passe par la rupture avec ces illusions, à travers une révolution permanente menée par le prolétariat. S’inspirant de Marx, Lénine, Trotsky et Gramsci, les communistes révolutionnaires de gauche doivent construire des organisations politiques indépendantes, mener des affrontements idéologiques pour démanteler l’hégémonie bourgeoise et rechercher l’unité pour gagner dans les luttes ouvrières.

Ce n’est qu’en renversant l’État bourgeois et en le remplaçant par le pouvoir démocratique prolétarien que le Bangladesh pourra parvenir à une véritable libération nationale et à l’émancipation socialiste. La gauche révolutionnaire doit affiner ses analyses, renforcer son organisation et motiver la classe ouvrière afin qu’elle accomplisse sa mission historique dans la lutte contre le capitalisme et l’impérialisme.

Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l’aide de DeepLpro.