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La guerre contre Gaza et les impératifs d’une confrontation globale

par Samar Nasser
Un Palestinien pleure les membres de sa famille tués lors du bombardement israélien du camp de réfugiés de Nuseirat, dans la bande de Gaza. © Ashraf Amra / UNRWA
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La guerre contre Gaza entre dans son 590e jour dans un silence arabe et international honteux. Les bombardements israéliens n’ont pas cessé depuis le 7 octobre 2023 (à l’exception d’un cessez-le-feu de deux mois en janvier-février 2024) et ont fait, selon les chiffres officiels, 122 000 blessé·es et 53 000 mort·es. En réalité, le nombre réel dépasse les 250 000 personnes tuées par les bombardements, la famine et l’absence de soins médicaux du fait des bombardements ciblés des hôpitaux et des équipes médicales et à l’absence de médicaments et de matériel médical, que l’occupant refuse de laisser entrer.

Selon les déclarations du directeur des hôpitaux de campagne dans la bande de Gaza, plus un seul hôpital public ne fonctionne dans la bande de Gaza depuis le samedi 17 mai 2025, et la situation sanitaire est catastrophique. Outre les bombardements incessants, Israël affame la population de la bande de Gaza, en empêchant l’entrée de l’aide alimentaire et en bombardant 68 des 70 centres de distribution de nourriture dans le nord et le sud de Gaza. Malgré tous les appels lancés par les organisations de l’ONU, d’Oxfam et d’Amnesty International, qui ont déclaré qu’une véritable famine allait éclater et que des milliers de personnes allaient mourir de faim, de malnutrition et de déshydratation. Israël continue de nier la réalité et est déterminé à recourir à la famine et à la torture collective pour préparer l’attaque finale visant à « libérer Gaza du mouvement Hamas », selon les déclarations de Netanyahou début mai.

Ce dernier a mis ses menaces à exécution samedi 17 mai au matin, lorsque les forces israéliennes ont annoncé le lancement d’une nouvelle opération terrestre dans plusieurs zones du nord et du sud de Gaza au cours des 24 heures précédentes, impliquant cinq unités de combat au sol. Pendant cette opération, l’armée israélienne a déplacé la population civile et tué plus de 233 membres de celle-ci, pour la plupart des familles entièrement décimées et effacées du registre civil en 24 heures. Le porte-parole de l’armée israélienne, le général Effie Defrin, a déclaré dans un communiqué que les cinq bataillons opèrent actuellement dans la bande de Gaza dans le cadre de l’opération « chariots de Gédéon ». Il a ajouté : « Contrairement au passé, nous concentrons maintenant nos efforts offensifs dans la bande de Gaza et menons des frappes visant à obtenir des résultats décisifs dans les zones où nous opérons. » Il a également déclaré : « cette opération permettra de soutenir le pouvoir politique afin de faire avancer les négociations à venir ».

L’opération « chariots de Gédéon » a commencé pendant que se tenait le 34e sommet de la Ligue arabe à Bagdad, au matin du samedi 17 mai, faisant fi du sommet et de ses règles, et pendant que la délégation israélienne se trouvait au Qatar pour négocier avec le Hamas la fin de la guerre et la libération des prisonniers. La délégation a déclaré ne pas être suffisamment habilitée pour trancher les questions en suspens. Cela confirme la volonté de Netanyahou de récupérer les prisonniers israéliens à Gaza sans arrêter la guerre.

Destruction

Les pratiques quotidiennes de l’occupation dans la bande de Gaza et en Cisjordanie ne sont pas nouvelles. Mais l’obstination, les crimes sans précédent et l’indifférence face à l’ampleur des condamnations internationales de l’extermination sont la preuve la plus flagrante que nous sommes aujourd’hui confronté·es à une nouvelle réalité. Celle-ci, imposée par l’extrême droite au niveau mondiale, guidée par les États-Unis et Israël, entraîne le monde vers une barbarie défiant toute forme de raison et dit à des milliards d’êtres humains : « C’est nous qui avons les armes, qui possédons la force et qui gouvernons les grandes puissances et leurs décisions, c’est nous qui justifions le massacre de plus de 30 000 enfants à Gaza depuis le début de la guerre, l’amputation de milliers de personnes et le déplacement de près d’un demi-million d’enfants, simplement parce que nous avons l’argent et les armes, que nous voulons étendre la construction de nouvelles colonies, que nous voulons piller les richesses de la bande de Gaza, son pétrole et son gaz, et transformer Gaza en Côte d’Azur, comme l’a déclaré Trump lors de son accession au pouvoir. Nous allons entraîner le monde et les habitant·es d’Israël dans une guerre sans fin, même si cela doit coûter la vie à 2 millions de Palestinien·nes à Gaza, et aux prisonniers israéliens ».

Le honteux silence des pays arabe n’est pas surprenant de la part de régimes répressifs qui se désintéressent de leurs peuples, les humilient sous bien des formes, leur imposent des conditions de vie difficiles sous le joug du néolibéralisme maffieux et les a réduits à lutter pour leur survie. Ces régimes ont réprimé toute forme d’expression en interdisant aux partis et aux syndicats de jouer leur rôle démocratique.

La position arabe

Dans le meilleur des cas, la position officielle arabe se limite à condamner le génocide, en particulier celle des gouvernements de Jordanie, d’Égypte, d’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, qui ont complètement abandonné la Palestine au profit d’Israël. La position de l’Égypte et de la Jordanie, en tant que pays frontaliers, est une trahison sans pareille. Cette position des États n’a rien de commun avec la position du peuple arabe, en particulier en Jordanie, où les Jordanien·nes d’origine palestinienne représentent plus de 60 % de la population. Depuis le 7 octobre 2023, la population de Jordanie s’est soulevée dans un mouvement populaire quotidien en faveur de la résistance et exigeant son soutien. Cela a contraint le gouvernement à durcir son discours et à soutenir la résistance, tout en exigeant la fin de la guerre contre Gaza. Les manifestant·es ont quant à eux exigé l’annulation de l’accord de Wadi Araba avec Israël, la suspension de l’accord sur le gaz et l’expulsion des bases militaires étrangères, ainsi que la levée du blocus égyptien sur Gaza, la fermeture du pont routier qui transporte la nourriture vers Israël et la fermeture des bases militaires américaines.

Cette montée en puissance de la révolte populaire a poussé le gouvernement jordanien à réprimer les militant·es et les organisateurs des grèves et des manifestations. Cette répression a abouti, au cours de la première année de la guerre, à l’arrestation de plus de 2 500 prisonnier·es politiques.

Pendant la première année de la guerre, les manifestations organisées par les forces nationales musulmanes et de gauche se sont poursuivies quotidiennement. Mais en raison des arrestations et de la répression, le nombre de participant·es a commencé à diminuer et les manifestations sont devenues hebdomadaires, après la prière du vendredi. Après l’élection de Trump, sa décision de suspendre l’aide américaine et ses menaces directes à l’encontre du régime, la Jordanie a changé radicalement sa position officielle. Elle s’est orientée vers une répression accrue, qui s’est traduite par l’interdiction des manifestations, l’arrestation des militant·es et l’application de la loi sur la cybercriminalité promulguée en 2023, qui muselle la liberté d’expression. Elle a permis l’arrestation de centaines de personnes qui ont simplement critiqué la corruption du régime en place.

La répression du gouvernement s’est manifestée par l’interdiction du mouvement des Frères musulmans au début du mois d’avril 2025, qui a été déclaré illégal, par l’interdiction de toute propagande en faveur de ses idées et par l’arrestation de centaines de ses membres ou de toute personne soupçonnée d’y appartenir. Cette mesure a été prise après l’annonce par le gouvernement du démantèlement d’une cellule des Frères musulmans accusée de fabriquer des roquettes et des drones destinés à être transférés en Cisjordanie pour soutenir la résistance palestinienne.

Ce revirement du gouvernement à l’égard des Frères musulmans (qui représentent la grande majorité du peuple jordanien, selon leur représentation aux dernières élections législatives) intervient après la décision de Trump de stopper les aides américaines dont dépend la Jordanie, et de conditionner ces aides à la capacité du régime à réprimer le peuple qui soutient la résistance et s’oppose à l’occupation. Ce revirement constitue une menace directe contre les libertés en Jordanie, qui annonce un retour à la loi martiale de sinistre mémoire, et sert les intérêts de l’entité sioniste qui s’acharne à exterminer et affamer le peuple palestinien.

Faire cesser cette destruction et ce génocide dépend d’une mobilisation arabe, régionale et internationale

Face à cette réalité misérable, qui détient le record du nombre de victimes, comparativement aux crises économiques, sociales et politiques provoquées par un capitalisme mondial sans limites, impliqué dans les guerres les plus féroces contre les droits humains les plus élémentaires, partout dans le monde, et en particulier au Moyen-Orient – avec en son centre la Palestine, et Gaza en particulier –, cette région qui a historiquement souffert plus que toute autre des ambitions impérialistes, tant en raison de sa position géographique – point de jonction entre l’Europe et le continent asiatique – que de la présence d’immenses réserves de pétrole dans nombre de ses pays.

C’est pourquoi la Quatrième Internationale, qui représente une des principales forces radicales de la résistance dans le monde aujourd’hui, a des responsabilités énormes. Nous devons chercher les moyens de permettre notre survie et celle des générations futures, et la viabilité de notre planète. Nous devons rassembler toutes nos forces et nos efforts pour mobiliser les masses, partout dans le monde, notamment en établissant des contacts avec le plus grand nombre de partis et de syndicats de masse opposés aux crimes de guerre et à l’injustice humaine, hostiles à l’impérialisme, qui rejettent toutes les formes de destruction et de barbarie incarnées par l’État sioniste, ainsi que ses parrains et alliés de l’impérialisme sauvage actuel, constitué notamment par l’extrême droite mondiale, étatsunienne avant tout, mais aussi européenne, enfoncée dans son criminalité et sa barbarie, qui ne pourront être arrêtés que par l’union des efforts de milliards d’humain·es qui en sont les victimes. Maintenant, avant qu’il soit trop tard !
 

Le 18 mai 2025. Traduit par Françoise C.