
Alors que Volkswagen s’apprête en Allemagne à supprimer des dizaines de milliers d’emplois et que l’IG Metall est signataire d’un accord de cogestion les acceptant, une « journée nationale d’action » est organisée le samedi 15 mars en Allemagne par ce syndicat. Dans ce contexte, « un réseau pour des syndicats combatifs » s’est constitué. Voici le texte de son dernier appel publié.
L’IG Metall appelle à une journée d’action nationale le samedi 15 mars sous le slogan « Mon emploi. Notre pays d’industries. Notre avenir » et à des manifestations dans cinq villes différentes : Hanovre, Leipzig, Cologne, Francfort-sur-le-Main et Stuttgart.
Les revendications de l’IGM sont adressées aux « politiques » et aux « employeurs ». L’objectif du comité directeur de l’IGM est d’appeler le nouveau gouvernement et les patrons à investir davantage, à améliorer les infrastructures et à éviter les suppressions d’emplois, les fermetures de sites et les délocalisations.
Ces revendications, aussi peu concrètes soient-elles, ne servent que les intérêts du capital et du gouvernement. Outre le fait que l’appel de l’IGM ne dit nulle part comment une telle pression pourrait être exercée pour que ces revendications soient mises en œuvre, il n’est fait appel qu’à une « prise de conscience » de la part des groupes visés, du fait que tout cela serait bon pour « l’Allemagne, terre d’industrie » (Standort Deutschland).
Mais la préservation des sites n’a rien à voir avec ce pour quoi nous, syndicalistes, devrions mettre en place un plan de lutte efficace. Au contraire, penser en termes de « site Allemagne » détourne l’attention des revendications concrètes pour lesquelles il vaut la peine de se battre.
Dans la situation que connaissent actuellement les salarié·es de la métallurgie et les membres de l’IG-Metall, ces revendications seraient les suivantes :
- Contre la destruction d’emplois : réduction radicale du temps de travail - semaine de 30 heures immédiatement, lutte pour la sauvegarde de chaque emploi !
- Contre l’inflation : ajustement automatique à la hausse du coût de la vie !
- Contre les fermetures de sites et les délocalisations : reconversion de la production vers des produits respectueux de l’environnement et socialement nécessaires, sous le contrôle des salarié·es !
- Contre les fermetures de sites et les délocalisations : réorientation de la production vers des produits respectueux de l’environnement et nécessaires à la société, sous le contrôle des salariés !
- Pour une meilleure protection sociale : plus de social, moins d’armement !
- La question de la paix est sans importance pour l’IGM, tout comme les 400 milliards de « dépenses supplémentaires exceptionnelles » pour la militarisation et la guerre. C’est à nous de porter ce sujet dans les manifestations. Nous disons NON au réarmement et à la guerre !
- Nous appelons tous les collègues de la métallurgie ainsi que les membres d’autres syndicats à participer aux manifestations de l’IG Metall sur la base de nos revendications. Cette journée d’action est une bonne occasion de se solidariser avec les grévistes du service public et de leur apporter notre soutien.
Extraits du 4 pages : « Pour que l’IG Metall joue de nouveau gagnant, 11 points ».
L’Allemagne entre dans sa troisième année de récession. Partout, on menace de supprimer des emplois ou on procède à des licenciements. IG Metall est l’organisation avec laquelle les collègues se battent pour défendre leurs intérêts. Mais cela ne fonctionne pas si IG Metall fait du « partenariat social » et de la cogestion le fondement de son action.
L’exemple de Volkswagen est clair : baisse des salaires, augmentation considérable de la productivité sur le dos des salarié.e.s, jusqu’à l’allongement du temps de travail pour une partie d’entre eux - et en même temps, malgré tous les sacrifices : la plus grande vague de licenciements depuis des décennies.
Un changement radical de cap est nécessaire au sein de l’IG Metall : au lieu de compromis boiteux, il faut mener une lutte conséquente par des grèves et des mobilisations inter-usines, inter-entreprises et inter-branches. Contre les plans des patrons qui veulent faire payer nos collègues pour leur crise, une seule chose est efficace : lutter ensemble !
Les délégué.e.s et les syndiqué.e.s devraient partout engager le débat sur la stratégie de lutte. C’est pourquoi nous présentons ici un programme alternatif en 11 points et proposons aux collègues d’en discuter.
Point 1 :
Avant le début des négociations 2024, la direction de l’IG Metall expliquait qu’il nous fallait 7% d’augmentation » et que les entreprises pouvaient les payer. Mais une fois l’accord conclu, on nous a dit que 2 ou 3%, c’était un bon résultat. Chez VW, les négociateurs ont signé un accord qui prévoit que d’ici à 2030 35 000 postes de travail seront détruits « dans la concertation. » Il apparaît de plus en plus clairement que ça, ce n’est pas le « miracle de Noël » que la direction de ‘IG Metall a voulu nous présenter. C’est là une affirmation malhonnête qui affaiblit la capacité de combat du syndicat. Et surtout, en faisant plus que de courtes grèves d’avertissement, on aurait pu obtenir nettement mieux.
Point 2 : les adversaires, ce sont les grands groupes, pas d’autres salarié·es
Qui détruit des emplois et écrase les salaires n’est pas notre partenaire mais notre adversaire. Et avec des adversaires, on se bat. Le grands groupes, qu’ils soient allemands, américains ou chinois, cherchent à monter leurs employé.e.s les un.e.s contre les autres et à les presser comme des citrons. Il ne faut pas marcher là-dedans, ce dont nous avons besoin, c’est de solidarité internationale. « Assurer la pérennité des sites » en faisant des sacrifices salariaux et en réduisant les emplois, cela se paye avec la peau des travailleurs et ne fait que rendre la concurrence plus acharnée, parce que les voitures allemandes redeviennent meilleur marché. Il nous faut mettre un coup d’arrêt à cette course à la dégradation des conditions de travail.
Point 3 : non à la division des personnels, les conventions collectives doivent couvrir tout le monde.
Plus un seul accord sur le dos d’autres personnels, mais au contraire une lutte tous ensemble pour la défense de tous les postes de travail et pour les mêmes conditions de travail. Pas d’accords sur le dos des sous-traitants, des CDD ou des intérimaires. Refus de l’externalisation et de la sortie des conventions collectives . Lors des négociations, c’est toute la puissance de combat de l’IG Metall qui devrait être mise en jeu. Retour au principe de la convention collective unique.
Point 4 : transparence et démocratie dans la négociation des accords
Toutes les conventions collectives, tous les accords d’entreprise doivent être en accès libre, y compris au personnel d’autres entreprises. Démocratisation des instances à tous les niveaux : pour commencer, c’est aux assemblées générales des délégué·es du personnel de prendre les décisions et non pas au comité dirigeant du corps des délégué·es. Assez de décisions « qui s’imposent » prises d’en haut, les syndiqué·es doivent se prononcer par vote. Chaque membre doit avoir le droit de se présenter à la commission de négociation ou au bureau du syndicat. Tout le monde devrait avoir le droit de donner son avis, en prenant la parole ou par écrit.
Point 5 : qui menace de délocaliser ou de fermer doit être exproprié
Si quelqu’un veut fermer des usines ou délocaliser une partie de la production, alors il est juste qu’il soit exproprié sans indemnités. Les entreprises doivent continuer leur chemin sous le contrôle de leurs salarié·es, la production doit être réorientée vers des productions utiles socialement.
Point 6 : pas de subventions pour qui détruit des emplois
Au lieu de donner de l’argent public à des grands groupes qui en profitent pour mieux se positionner dans la concurrence internationale, baisser les salaires et détruire des emplois, l’argent de nos impôts devrais servir à soutenir les entreprises expropriées et gérées démocratiquement par leur personnel. Des investissements publics massifs, il y en a besoin par exemple pour adapter les entreprises au changement climatique ou pour avoir un bon réseau de transports en communs. Ne gaspillons pas cet argent en le donnant aux actionnaires !
Point 7 : avec le mouvement pour la justice climatique, pour des productions adaptées
Du côté des associations patronales, de la CSU/CDU, du FDP et de l’AfD, le mouvement pour la justice climatique est présenté comme un ennemi de celles et ceux qui travaillent dans l’industrie automobile. Ils disent que la reconversion du secteur automobile vers la production de productions adaptées au changement climatique, par exemple pour les transports en commun, ne serait « pas réalisable », ou « trop compliquée ». >Mais en même temps les grands groupes sont en train de préparer une reconversion extrêmement négative pour l’avenir de l’humanité : le passage de la voiture au char d’assaut. Là on n’entend pas les patrons se plaindre de ce que ce serait techniquement difficile, ils ont déjà commencer et ça se fait presque sans faire de vagues. Techniquement, beaucoup de choses seraient réalisables, et donc aussi le passage de l’industrie automobile à la fabrication de productions adaptées aux besoins de la protection de l’environnement ; c’est ce que l’IG Metall doit défendre, en lien avec le mouvement climatique.
Point 8 : non à la marche à la guerre, non à la « raison d’État »
L’IG Metall doit clairement prendre position contre la guerre et la course à l’armement au lieu de vanter la qualité de la production militaire allemande aux côtés de représentant·es de l’industrie d’armement et de lobbyistes économiques du SPD, de la CDU/CSU, du FDP et des Grünen. Le réarmement et le militarisme, ce sont les « victimes » involontaires de la classe ouvrière qui en payent le prix, en termes de coupures dans les budgets sociaux et d’investissements insuffisants dans l’éducation, la santé et les logements abordables. On prépare la nouvelle génération, et donc nos jeunes collègues, à l’idée du service militaire, avec l’illusion que le réarmement et les guerres pourraient empêcher des guerres, et qu’on pourrait encore aujourd’hui être « victorieux ». [1]À Gaza et au Liban, nos frères et sœurs de classe meurent à cause des armes que, entre autres, l’Allemagne a fournies à l’armée israélienne. La classe ouvrière n’a pas besoin de « raison d’État » mais de solidarité internationale contre la guerre et l’oppression.
Point 9 : faire des compromis ? D’abord se battre !
Le nouveau gouvernement emmené par la CDU va faire porter les coûts du réarmement par la classe ouvrière. Il n’est pas question pour lui de faire payer plus d’impôts aux riches. Le RSA va être diminué, et de même les retraites, les indemnités de maladie et d’autres prestations sociales encore sont en danger. Le gouvernement va essayer de réduire les droits démocratiques. Face à cela, les syndicats ne peuvent pas rester « neutres », leur place est en première ligne dans l’opposition à cette politique au service du capital, et tout particulièrement l’IG Metall, potentiellement le plus puissant de tous.
Point 10 : faire des compromis ? D’abord se battre !
Les compromis, c’est pour quand on s’est battu, pas avant de commencer. Lors de la renégociation des conventions « métallurgie et électronique »et chez VW, l’IG Metall n’a pas cherché à engager le combat. De ce fait on ne sait pas ce qu’il aurait été possible d’obtenir d’obtenir en faisant grève. Un compromis passé après une lutte a une toute autre valeur, liée à ce qui a été vécu pendant le mouvement. Rien à voir avec ce qui reste quand on n’a même pas engagé le combat.
Point 11 : agir par nous-même !
Nous devons arrêter de nous reposer sur les comités directeurs, les secrétaires de syndicat et les président·es de comités d’entreprise. Nous avons besoin de mouvement à la base, de forger et d’exprimer nos propres points de vue. Râler et s’énerver, ça ne sert pas à grand-chose. Ce qu’il faut, c’est discuter collectivement, pour agir ensuite.
Le 15 mars 2025, traduit par Pierre Vandevoorde pour le blog NPA Auto-critique.