Lorsque l’incendie Eaton a commencé à se retirer d’Altadena, je faisais partie de l’une des nombreuses équipes d’entraide auto-organisées déployées dans la région pour déblayer les décombres. C’est à ce moment-là que je suis entré en contact avec des membres de la communauté noire qui venaient de perdre leurs maisons. Ils étaient revenus presque immédiatement après avoir été évacués pour aider à organiser l’aide mutuelle pour leurs voisins. Mais ils ont été harcelés par la police alors qu’ils tentaient de rentrer chez eux. Des centaines de gardes nationaux californiens armés, appelés par la police et le shérif de Los Angeles, avaient en effet commencé à investir certains quartiers d’Altadena. L’ouest d’Altadena, le quartier historiquement noir de la ville où la plupart des décès ont été recensés jusqu’à présent, avait déjà été touché de manière disproportionnée par les incendies. Les habitant·es y avaient été invité·es à évacuer plusieurs heures après que les habitant·es des quartiers majoritairement blancs d’Altadena aient été informé·es1.
Les incendies de Los Angeles se sont révélés être les plus dévastateurs de l’histoire des États-Unis, causant des destructions massives dans le quartier de Pacific Palisades et dans la vallée de San Gabriel. L’État a profité de l’occasion pour se présenter comme un sauveur en ces temps de grande détresse. Mais la réalité de son intervention reflète une tout autre vérité. Los Angeles traverse une crise budgétaire, alimentée par une augmentation vertigineuse du budget de la police au détriment de presque tous les services essentiels, y compris la lutte contre les incendies. Dans son ouvrage toujours d’actualité intitulé « The Case for Letting Malibu Burn », Mike Davis met en évidence la volonté ancienne de Los Angeles de permettre aux riches de reconstruire dans les zones à risque après chaque incendie, en ignorant souvent les contraintes environnementales2. Cette politique de développement n’a pas été synonyme de prospérité pour le reste de la ville. Les quartiers ouvriers ont été régulièrement ravagés par les incendies en raison de la qualité déficiente des logements, ou de conditions de travail sur lesquelles ils n’ont aucune prise. Pire encore, chaque nouvelle vague de développement favorise l’apparition d’une nouvelle série de feux incontrôlables. L’augmentation constante de la présence policière à Los Angeles n’est pas un phénomène accessoire par rapport à ces mécanismes ; elle nous renvoie directement aux conditions qui favorisent de telles disparités au fil de crises récurrentes.
Les barrages routiers quasi dystopiques mis en place par la Garde nationale à Altadena présentent un contraste saisissant avec les « Angelenos » qui préservent la vie de la ville grâce à l’entraide. Les gens se sont logés et nourris mutuellement. Certains ont même participé à l’extinction des incendies, car les pompiers, qui manquent de moyens, avaient lancé un appel au volontariat. Ces habitant·es de Los Angeles ont fondamentalement pris en charge les fonctions que l’État avait laissées vacantes ; sa manifestation la plus visible pendant la crise a consisté à aligner d’interminables rangées de véhicules militaires dans Altadena, pour ne garder rien d’autre que des cendres et du sable le long des plages de l’ouest.
Qui plus est, l’entraide généralisée a fourni aux Angelenos une occasion inestimable d’élever leur conscience politique, en associant les revendications de longue date et celles des mouvements qui émergent. Dès le début des incendies, les militant·es de la défense des locataires ont presque immédiatement exigé un gel des loyers et un moratoire sur les expulsions. Les abolitionnistes [luttant notamment pour le définancement de la police au profit de programmes sociaux] ont convaincu la communauté de faire pression pour que les jeunes détenu·es, que l’État néglige, soient évacués vers les zones de refuge. Au même titre que les catastrophes naturelles et l’incapacité de la ville à protéger sa population, l’émergence de l’entraide à l’échelle de la ville ne s’est pas faite spontanément. Il y a eu une reconstitution du militantisme de gauche à Los Angeles à la fin des années 2010 et au début des années 2020 : protection contre les pandémies, défense des sans-abris contre les descentes de police, réseau de riposte d’urgence pour la défense des immigrés, mouvement « Black Lives Matter » et mouvement de solidarité avec la Palestine, autant d’occasions pour les gens de prendre goût à la défense du bien commun de la communauté et à la mobilisation politique.
Mais cette dynamique est loin d’être régulière. Nous devons continuer à renforcer ces mouvements et à les faire converger vers un niveau plus élevé de conscience politique et d’organisation. Plus précisément, ils doivent profiter de l’élan de ces dernières années, auxquels s’intègrent les initiatives d’entraide de masse lors de ces incendies. Cette dynamique pourrait être orientée vers la constitution d’une coalition autour d’un programme de revendications axé sur la propriété publique et le contrôle des ressources essentielles afin de garantir que la reconstruction après la catastrophe profite aux milieux ouvriers et populaires ainsi qu’aux communautés marginalisées. Les ressources nécessaires à ce programme de reconstruction doivent être concentrées sur la récupération des moyens alloués à la police, vu comme un dénominateur commun aux différents mouvements - en d’autres termes, un budget municipal abolitionniste, qui reprendrait les mesures adoptées antérieurement par le mouvement Black Lives Matter
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Avant les incendies, Los Angeles était déjà confrontée à une crise budgétaire. Les recettes de la ville avaient stagné. Le nombre de sans-abri a atteint des sommets sans précédent malgré les innombrables initiatives de développement économique promises pour relancer l’emploi, le logement et, plus généralement, l’économie locale. Au cœur du problème, la réduction des services sociaux pour combler le déficit budgétaire, alors même que les dépenses de la police continuent de grimper en flèche. Le partenariat politique entre les milieux de l’immobilier et la police est sans équivoque. L’année dernière, un large éventail de promoteurs immobiliers de Los Angeles a investi des ressources considérables pour assurer la victoire de Nathan Hochman, partisan de la « lutte contre la criminalité », sur George Gascon lors de l’élection du procureur, faisant de la campagne de Hochman la candidature la plus coûteuse de l’histoire de Los Angeles pour ce poste3.
Les défaillances de l’État face aux incendies illustrent de manière flagrante les conséquences de ces disparités. Le service d’incendie de Los Angeles (LAFD) a subi la deuxième réduction la plus importante de tous les services de la ville dans le budget 2024 du maire Karen Bass - près de 17,8 millions de dollars - alors que le service de police de Los Angeles (LAPD) s’est vu accorder une augmentation de près de 140 millions de dollars. Le chef du LAFD a expliqué à CNN quels étaient les défauts de ce budget alors que les incendies n’étaient pas encore circonscrits. Il a déclaré que les coupes budgétaires de l’année dernière « ont eu et auront un impact considérable sur notre capacité à mettre à niveau les équipements »4. Des dizaines de pompiers ont été tués dans des incendies de forêt. Des dizaines de camions de pompiers sont toujours immobilisés dans les ateliers de réparation de la ville, dans l’attente de l’entretien nécessaire du fait de la priorité accordée au LAFD dans le budget de la ville de l’année dernière5.
Cette amputation des services essentiels de lutte contre les incendies a accru la dépendance de la ville à l’égard de la main-d’œuvre carcérale surexploitée. Certaines années, les personnes incarcérées représentent près d’un tiers de la défense de la ville contre les incendies. Quelques mois avant les incendies, les autorités publiques ont admis que la diminution du recours à la main-d’œuvre carcérale pour les services de lutte contre les incendies au cours des dernières années (en raison des démarches entreprises par les défenseurs des droits des prisonniers) entraînerait des pénuries critiques dans la capacité de l’État à lutter contre les incendies6. Près d’un millier de pompiers incarcérés ont été employés au plus fort des incendies cette année. Nombre d’entre eux ne recevaient pas de repas réguliers, n’ont pas pu se doucher pendant des jours et ont travaillé plusieurs jours consécutifs sans dormir. Lorsque l’incendie de Pacific Palisades s’est approché à un kilomètre du Centre de détention pour mineurs Barry J. Juvenile Hall, l’établissement a refusé de libérer les dizaines de jeunes qui s’y trouvaient malgré la notification d’évacuation obligatoire de la zone environnante émise par la maire Karen Bass7.
Lorsque les pompiers eurent été poussés au bout de leurs limites, la ville décida de déployer encore plus de policiers, faisant appel à des milliers d’agents de la Garde nationale californienne pour occuper certaines parties d’Altadena. Au plus fort des incendies de Palisades et d’Eaton, des activistes engagé·es dans l’aide mutuelle et des journalistes indépendant·es ont fait état de ratissages policiers contre des groupes de personnes sans logement. Dans le même temps, ils ont également constaté que divers services de sécurité, dont la Border Patrol et l’ICE, procédaient à des rafles de travailleurs immigrés dans l’ensemble du comté. Les organisateurs du travail de terrain et les journalistes indépendants ont été amenés à répondre à des appels de soutien et de collecte d’informations, alors même qu’ils avaient déjà fort à faire pour assurer la logistique nécessaire à leurs communautés.
Les principaux médias et les autorités ont tenté de justifier cet afflux de forces de police en invoquant la nécessité d’arrêter les « pillards » alors même que le LAPD déclarait n’avoir « aucune information concernant des pillages ou d’autres activités criminelles dans les zones touchées »8. La police a rapidement fait état d’une vingtaine d’arrestations pour pillage dans les jours qui ont suivi le début des incendies, mais il n’y a eu que quelques inculpations. Alors qu’elle ne participe pas à la lutte contre les incendies, on peut voir la police armée flâner dans la ville, jouant le rôle du pillard vagabond et anarchique qu’elle a elle-même concocté. Lorsqu’il est arrivé que la police apporte une contribution, c’était pour déplacer, expulser et mettre en danger des communautés marginalisées qui luttaient déjà pour essayer de subsister dans ce contexte de crise. En ce sens, la police exerce précisément le type de violence occasionnelle contre laquelle elle déclare vouloir protéger.
En réalité, un « problème de pillage » aussi important que le prétend la police serait le signe d’une crise sociale bien plus grave, nécessitant une transformation rapide et radicale des modalités d’organisation et de distribution des ressources de la ville et du comté, plutôt qu’un renforcement du maintien de l’ordre. Mais la fonction de la police est précisément de maintenir et de reproduire les relations sociales existantes, en soutenant activement l’idéologie selon laquelle le redressement économique appuyé sur les entreprises est essentiel pour la prospérité de Los Angeles. Ce rôle est encore plus nécessaire lorsque les contradictions sociales finissent par embraser la ville, menaçant la solidité de ce mythe.
L’État a donc besoin d’une bonne excuse pour justifier sa présence militarisée à Altadena, afin de détourner l’attention de la population des cas bien établis de défaillances institutionnelles qui ont conduit à cette crise. Sans surprise, les boucs émissaires privilégiés sont les Noirs, les sans-logis, les immigré·es et les autres catégories de personnes marginalisées. Des incidents dus au profilage racial ont fait leur apparition dès que des centaines de gardes nationaux californiens ont été envoyés à Altadena et à Pasadena pour aider les shérifs et les officiers de police, sous la pression des médias et de la campagne alarmiste des autorités publiques. Un suspect noir a été arrêté, soupçonné d’être responsable du déclenchement de l’incendie de Pacific Palisades, et sa photo a été diffusée dans les principaux organes de presse. Mais le « suspect » a été relâché le lendemain, sans être inculpé, faute de preuves. Dans le même temps, des policiers auraient refusé à un habitant de Pacific Palisades l’accès à leur véhicule, alors qu’ils étaient encerclés par les flammes et une fumée noire9. Ils n’ont pu s’échapper qu’en se faisant prendre en stop par un inconnu qui passait par là à bord d’un SUV.
À Altadena, une localité dont la population est historiquement noire, j’ai rencontré des personnes noires qui ont fait l’objet de harcèlement de la part des forces de l’ordre pendant qu’elles organisaient les opérations de secours mutuel. Beaucoup d’entre elles venaient de perdre leur maison. Un Noir d’Altadena, qui avait perdu sa maison dans les incendies, est revenu dans la zone pour participer à l’aide mutuelle et prendre des nouvelles de ses voisins. Il m’a raconté qu’il avait été harcelé et victime de profilage racial de la part de la police. Un habitant noir de Pasadena, que j’ai rencontré dans le cadre des actions d’entraide locales, a voulu s’enquérir de la situation de la maison de son enfance, mais il a été interpellé et menotté par des policiers de Pasadena bien qu’il ait présenté ses papiers d’identité. Un autre habitant noir d’Altadena que j’ai rencontré près des barrages de police m’a dit qu’il n’avait pas été autorisé à retourner chez lui et qu’il trouvait la présence policière « louche ».
La réalité est claire : l’ampleur tragique et sans précédent des incendies de cette année montre que la privatisation et le sous-financement de plus en plus marqués des services essentiels au bénéfice des services de police sont une menace directe contre le bien-être collectif des communautés de Los Angeles.
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D’un autre côté, les Angelenos ont su se protéger les uns les autres et maintenir leur ville en vie pendant les incendies grâce à l’une des plus vastes coordinations d’aide mutuelle que la ville ait connue de mémoire récente10. Dès les premiers jours des incendies, un groupe Signal « LA Fires Mutual Aid » a connu un essor fulgurant, avec près d’un millier de membres, se propageant aussi rapidement sur les réseaux sociaux pour répondre aux situations d’urgence que les incendies de forêt. Parmi ces groupes figuraient des représentants d’organisations communautaires bien établies, qu’il s’agisse de groupes déjà anciens d’entraide pour la distribution de masques, de syndicats de locataires ou de foyers de travailleurs, mais aussi des personnes qui n’étaient pas encore organisées et qui souhaitaient apporter leur aide. De nouveaux forums de discussion ont été établis rapidement pour répondre à des besoins spécifiques, par exemple une coordination plus localisée par des membres d’une communauté à proximité d’incendies et de quartiers précis. Ces « chats » ont permis de savoir en temps réel de quels articles ou services les dizaines de sites d’entraide avaient le plus besoin. Des dizaines de milliers de personnes ont coordonné leur action à travers la ville, en s’associant à des sites d’entraide plus locaux, déjà existants ou fonctionnant en dehors des circuits habituels, tels que ceux gérés par les églises. « Mutual Aid LA » a dressé une liste détaillée de ces ressources d’entraide locales11.
Les comités d’entraide bénévoles d’Altadena, dont de nombreux points de convergence environnants comme le Pasadena Community Jobs Center, ont été présents dans presque tous les quartiers pour aider au nettoyage des rues dès que les incendies ont commencé à faiblir. Les institutions de la communauté noire locale, comme Octavia’s Bookshelf, Pasadena Black Equity Project, Black Men Build et diverses églises, ont été au cœur de la coordination des efforts d’entraide, même si certains de leurs organisateurs et leurs familles ont eux-mêmes perdu leur maison dans l’incendie. Rhythms of the Village, un centre culturel noir historique, a brûlé ; ses propriétaires ont déjà reconverti le site en centre d’entraide au quotidien en même temps qu’ils reconstruisent12. Ces actions d’entraide auto-organisées ont également permis d’acheminer en masse des produits excédentaires vers des centres d’aide plus importants et solidement établis, ce qui a contribué d’une manière non officielle à la poursuite des opérations dans ces centres. Un habitant s’est associé à un chauffeur de FedEx, qui avait perdu son emploi à la suite de l’incendie de son lieu de travail, pour mettre en place un centre improvisé à la limite entre Altadena et Pasadena, dans une station-service. Ils ont fait fonctionner la station la nuit, et elle était pleine de monde malgré le couvre-feu imposé par la Garde nationale13. Le centre d’entraide improvisé de la station-service continue de fonctionner sous le nom de Altadena Communal Kitchen14.
Il est important de noter que ces actions d’entraide ont rassemblé spontanément presque toutes les composantes actives de la gauche de Los Angeles, traditionnellement cloisonnées en différentes campagnes et régions jusqu’à ces dernières années. Mutual aid coordination a rassemblé des militants ouvriers du rang, des groupes de solidarité avec la Palestine, des militant·es de syndicats de locataires, des collectifs d’entraide abolitionnistes et des membres d’organisations socialistes comme le Democratic Socialists of America (DSA), le Peace and Freedom Party et le Party for Socialism and Liberation (PSL). Ces activités ont été organisées sur tout le territoire de Los Angeles, dont la géographie rend traditionnellement difficile l’organisation d’actions sur l’ensemble des localités en même temps. Les librairies et structures de gauche, d’Inglewood à El Sereno - comme All Power Books, Midnight Books, Octavia’s Bookshelf, Black Lantern Books et Eastside Cafe - sont devenues des centres de distribution et de ressources dont les activités rivalisaient avec celles des centres de traitement de la crise mis en place par l’État. La présence active de la gauche de Los Angeles permet de mieux comprendre ce qu’est la politique militante de l’entraide de masse. L’appel de la Youth Justice Coalition à faire pression sur les établissements pénitentiaires de Sylmar pour qu’ils évacuent les jeunes incarcéré·es piégé·es près des incendies a rapidement circulé dans les réseaux d’entraide15. L’Union des locataires de Los Angeles (LATU) a publié une fiche technique qui permet de recenser les propriétaires qui ont pratiqué des prix abusifs pendant les incendies (plus d’une centaine ont été recensés dans les premiers jours des incendies), ce qui a incité le cabinet du maire à mettre en place une ligne téléphonique d’urgence pour que les gens puissent signaler les pratiques illégales de prix abusifs16. La coalition Keep LA Housed a demandé un moratoire d’urgence sur les expulsions pour toute la ville dès le deuxième jour des incendies17. Le LATU a repris cette revendication le lendemain, appelant également à un gel des loyers et à la récupération des logements vacants pour les personnes déplacées18. Mon organisation, Chinatown Community for Equitable Development (CCED), qui organise les locataires et les non-logés de Chinatown, a participé à la mobilisation de ses membres dans le cadre de cette campagne. Le 12 janvier, une mobilisation d’urgence a été organisée par les militants des droits des immigré·es en réponse à l’annonce de déportations massives dans tout le comté sur les réseaux d’entraide de la Placita Olvera. Bien que convoqué à la dernière minute, le rassemblement a réuni près de cinq cents participant·es, dont un certain nombre de militant·es pro-palestinien.nes spécialement mobilisé·es par l’association AUSIIME, basée à South Pasadena19.
Cette convergence entre les mouvements n’a pas surgi du néant. Le savoir-faire dont a fait preuve la gauche de Los Angeles pour coordonner l’activité politique de masse et l’entraide est venu de réflexes accumulés dans ses muscles, au fil des innombrables initiatives d’action directe et d’entraide organisées par les militants pour la Palestine dans les mois qui ont suivi le 7 octobre et lors des campements sur les campus l’année dernière. Auparavant, les militants pour la justice envers les personnes handicapées, par le biais de collectifs comme Mask Bloc LA et Airgasmic LA, avaient déjà mis en place une infrastructure solide pour coordonner la distribution de masques et d’autres fournitures essentielles dans toute la ville20. Des années de déportations massives d’immigré·es et de ratissages policiers parmi les sans-abris ont également développé chez les militant·es un réflexe aiguisé de défense de la communauté et de vigilance à l’égard des flics, mené par des groupes comme Aetna Street Solidarity, Water Drop LA, et Palms Unhoused Mutual Aid. Le gel des loyers et les moratoires sur les expulsions ont été les principales revendications des associations de locataires et de défense du logement au début de la pandémie. Ces mesures ont permis de renforcer les associations de locataires, qui sont aujourd’hui en première ligne pour lutter pour ces protections, et pour d’autres encore. L’appel à investir les logements vacants est devenu envisageable parce que les locataires de milieu ouvrier de El Sereno - « les Récupérateurs » - l’ont fait spontanément pour éviter de se retrouver à la rue suite à de multiples agressions policières et menaces d’expulsion qui avaient galvanisé les mouvements de locataires de Los Angeles au début des années 202021. Associée à des écosystèmes locaux d’aide communautaire établis de longue date, en particulier au sein des communautés de couleur, la gauche s’est mobilisée pour soutenir une ville qui avait été systématiquement abandonnée par l’État dans un moment de crise sans précédent.
Ces événements nous ont donc donné l’occasion de travailler à surmonter un obstacle historique à l’action politique à Los Angeles : réussir à se coordonner efficacement sur un espace exceptionnellement vaste. La solidarité avec la Palestine a donné à la gauche de Los Angeles une première occasion de s’entraîner à reconstruire cette culture de la coordination à l’échelle de la ville dans des conditions d’urgence. Les incendies qui ont ravagé la ville nous ont obligés à mettre à l’épreuve ce que nous avions appris dans la solidarité avec la Palestine, alors que nous luttions pour sauver nos propres vies. En s’organisant pour la Palestine, la gauche de Los Angeles réapprend - pour la première fois depuis des générations - à s’organiser en cas de crise dans ce que William Morris Davis a appelé une géographie de « l’apartheid spatial ».
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Le succès de l’entraide lors de ces incendies représente sans aucun doute une étape clé dans la reconstruction progressive de la gauche de Los Angeles depuis la fin des années 2010 et le début des années 2020 Cependant, il reste encore à donner à ces forces sociales une expression et une direction politiques Le bloc progressiste croissant des membres du conseil municipal soutenus par la DSA a servi d’alliés importants pour les mouvements sur certaines questions, qu’il s’agisse de faire pression pour un cessez-le-feu à Gaza ou de plaider pour des politiques favorables aux travailleurs et aux locataires Cependant, leurs liens avec les mouvements sociaux actifs sont au mieux ténus. Parfois, ils sont même carrément en tension. Hugo Soto-Martinez a fait l’objet d’un examen minutieux de la part des militants pour avoir perpétué les opérations de ratissage dans les communautés non logées et avoir voté en faveur du dernier budget de la police22. Eunisses Hernandez est sous le feu des critiques du LA Tenants Union et de la Hillside Villa Tenant Association - l’une des principales luttes des locataires contre l’expulsion dans la ville - pour avoir négocié des accords détournés avec le propriétaire de Hillside Villa et être revenue sur sa promesse de campagne de soutenir leur demande initiale d’expropriation par la ville de leur propriétaire de taudis. Les concessions de Nithya Raman aux sionistes, entre autres, ont aliéné non seulement le mouvement de solidarité avec la Palestine à Los Angeles, mais aussi la section locale de la DSA et les membres nationaux23.
Cette relation déséquilibrée entre les élu·es de gauche et les grands mouvements sociaux de Los Angeles montre la nécessité pour la gauche de s’unifier autour d’une stratégie politique qui s’appuie sur les mouvements sociaux existants et actifs qui peuvent constituer une alternative politique aux institutions en place. Cela est également nécessaire parce que les élites du Parti démocrate et du monde des affaires n’ont pas perdu une minute pour relégitimer les mêmes politiques qui ont causé ces désastres, encore plus sous l’impulsion de la pression de la droite. En tant que militant pour les droits des immigré·es et des locataires durant les premiers mois de la première administration Trump, j’ai été témoin de la manière complaisante dont le Parti démocrate a cautionné la vision politique de ses rivaux, qu’il s’agisse de la réduction systématique du financement des services essentiels ou de l’expulsion massive des immigré·es en même temps que se développait l’État carcéral24.
Du niveau national au niveau local, les mêmes tendances se dessinent. Le vernis progressiste de Mme Bass ne fait que masquer le fait que ses politiques sont la continuation directe de celles de ses prédécesseurs. Il y a déjà des signes clairs de ce à quoi ressemblerait la conception néolibérale de Gavin Newsom (gouverneur démocrate de Californie, ndt) en matière d’aide post-catastrophe. Il assure avoir mis en place une équipe chargée de « réimaginer un LA 2.0 », ce qui implique de consacrer les ressources de la ville à des aménagements destinés à accueillir la Coupe du monde, le Superbowl et les Jeux olympiques dans les années à venir - des institutions qui ont historiquement appauvri les communautés locales plus qu’elles ne leur ont apporté de bénéfices25. Moins d’une semaine après le début des incendies, Newsom a signé un décret autorisant les promoteurs à contourner les normes environnementales élémentaires pour reconstruire dans les zones sinistrées, jetant ainsi les bases de la prochaine crise26.
Pour faire face à ces menaces qui s’entremêlent, la gauche de Los Angeles doit mettre à profit l’énergie générée par l’entraide pour formuler des revendications politiques qui pointent et remettent en question la gestion capitaliste de la ville dans ses fondements. Certes, la décentralisation de l’entraide pourrait rendre une telle tâche difficile, bien que ces efforts aient puissamment continué à développer un milieu grandissant de militant·es qui ne sont pas seulement engagé·es dans l’action collective immédiate, mais qui font le lien entre les luttes contre les différentes formes d’expression du capitalisme. En même temps, aucune organisation n’a la capacité de maîtriser seule tous ces espaces. Comme le dit Ndindi Kitonga, une militante socialiste locale de premier plan, « nous avons besoin de plus que de sessions d’étude, de groupes d’affinité et d’aide mutuelle. Mais dans le même temps, la politisation peut/doit se faire dans ces mêmes espaces. Comment passer du bénévolat, de la réaction spontanée, à l’envie de se lancer dans l’aventure ? »27.
Une première étape cruciale consiste à rassembler différents mouvements pour discuter et débattre d’une plateforme de revendications qui représenterait différentes bases et campagnes. Cette démarche pourrait s’appuyer sur des initiatives antérieures qui visaient à faire participer la population de la ville à des discussions politiques au début des années 2020, qu’il s’agisse de mouvements dirigés par des Noirs, comme Black Lives Matter Los Angeles’s People’s City Budget et Black Men Build’s « community assemblies », ou du mouvement municipaliste Los Angeles for All28. La priorité serait de relancer la campagne en faveur d’un budget municipal abolitionniste, qui rassemblerait les revendications anciennes et celles que l’on voit émerger au sein des mouvements. L’augmentation constante du budget de la police est devenue une caractéristique banale des budgets de la ville de Los Angeles ces dernières années, une tendance qui se poursuivra certainement avec le plan de reconstruction des autorités de la ville et de l’État. Les solutions non-carcérales et les services essentiels - nécessaires à une véritable perspective de reconstruction et défendus par les mouvements de tout le comté - sont systématiquement sacrifiés sur l’autel du renforcement du contrôle policier. Un budget municipal abolitionniste inverserait la vision de la reconstruction des autorités municipales, en réduisant le financement des services de police pour affecter les ressources à des politiques sociales axées sur la démarchandisation de la vie sociale - dont un grand nombre sont déjà mises en avant par les organisations communautaires. En d’autres termes, pour unir les mouvements de Los Angeles autour d’un programme de reconstruction fondé sur un budget municipal abolitionniste, il faut s’appuyer sur les initiatives d’organisation existantes, les revendications politiques et les diverses forces sociales qui ont gagné en puissance au cours des dernières années. Il s’agit également de remettre en cause le consensus actuel des responsables locaux du Parti démocrate, tout en offrant des points d’entrée aux mouvements de masse.
Quelles sont les revendications qui pourraient être intégrées dans un programme unifié et nécessiter un budget municipal abolitionniste ? Le point de départ essentiel doit bien sûr être la demande de réduction du budget annuel de la police. Cela implique d’attaquer des aspects spécifiques du budget, par exemple en mettant l’accent sur la campagne des activistes pro-palestiniens pour « en finir avec les échanges meurtriers » entre le LAPD (et d’autres services de police) et les Forces de défense d’Israël29. Nous devrions également exiger une enquête indépendante sur la manière dont le LAPD, l’ICE, la Garde nationale californienne et d’autres forces de l’ordre ont agi à l’encontre des groupes marginalisés pendant les incendies et ont entravé les opérations de secours et d’aide.
L’explosion du budget de la police est directement corrélée au gonflement des intérêts des rentiers, représentés en particulier par les promoteurs immobiliers. Bien que longtemps mythifiés dans l’imaginaire culturel de LA, ces éléments nuisent aux intérêts et à la sécurité de la communauté, une contradiction qui finit par se traduire par des catastrophes naturelles telles que les incendies de forêt. C’est pourquoi un budget abolitionniste devrait aussi permettre d’organiser des mouvements de masse pour contenir ces forces. Nous pourrions commencer par rejeter le plan californien pour un « LA 2.0 », en prenant particulièrement en compte l’appel de la campagne NOlympics à refuser la candidature de 2028 pour les Jeux Olympiques afin que les ressources puissent être affectées en priorité à la reconstruction et aux efforts de réparation pour les citoyen·nes de Los Angeles30.
Les ressources libérées par la diminution du budget des forces de l’ordre pourraient être utilisées pour financer des services essentiels, non pas par le biais de la privatisation, mais par celui de la démarchandisation. Par exemple, nous pourrions exiger que l’État prenne le contrôle des terres exposées aux risques d’incendie et que les réglementations environnementales se conforment strictement à la loi californienne sur la qualité de l’environnement (California Environmental Quality Act), voire aillent au-delà, remettant directement en cause les intérêts de Big Oil et autres propriétaires privés. Nous pourrions exiger une meilleure protection des droits des travailleurs, depuis la réinsertion des travailleurs incarcérés, en particulier ceux qui participent à la lutte contre les incendies, jusqu’à la protection et à l’extension des avantages sociaux des travailleurs des secteurs concernés par les incendies, que ce soit dans le domaine des soins de santé ou de la gestion des déchets. En outre, nous devrions soutenir les appels lancés par les organisations de locataires en faveur d’un gel des loyers et d’un moratoire sur les expulsions pendant le temps de la reconstruction. Les organisations indigènes ont publié un large éventail de propositions invitant les agences fédérales, de l’État et de la ville à intégrer les pratiques du savoir écologique traditionnel (TEK) pour concevoir des infrastructures résistantes au changement climatique à Los Angeles31. En d’autres termes, de nombreuses organisations communautaires ont déjà pris l’initiative de se mobiliser en faveur de revendications spécifiques. Mais un programme et une stratégie politiques communs sont nécessaires pour les défendre et développer des mouvements ensemble dans tout Los Angeles.
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De fait, un budget municipal abolitionniste pour Los Angeles et dans les villes du comté ne serait pas pleinement réalisable sans une refonte radicale de notre système politique actuel. Mais c’est précisément de cela qu’il s’agit. Notre programme devrait également encourager les organisations de masse à développer et à améliorer nos revendications au fur et à mesure que nous nous organisons. Un appel en faveur d’un budget municipal abolitionniste considèrerait la réduction des dépenses liées à toutes les formes de répression policière comme un axe fondamental de convergence entre les différents mouvements. S’organiser autour de ce dénominateur commun permettrait de distinguer ceux qui cherchent une transformation radicale de notre système politique de ceux qui se limitent à des réformes au coup par coup. Le budget de la police est également un gisement de moyens qui pourraient être confisqués au profit du logement social, d’une protection accrue des travailleurs et de l’environnement, d’un développement démarchandisé qui bénéficie à la population et de la restauration des formes indigènes de souveraineté foncière. Los Angeles a besoin d’un pôle de ralliement pour les différents mouvements à même de présenter une alternative politique à la droite, qui, c’est certain, ne manquera pas de redoubler d’efforts, un pôle avec notre propre perspective programmatique de reconstruction, où nous trouverions les ressources nécessaires à au renforcement des différents mouvements.
Certains de ces objectifs sont tout à fait réalisables, mais leur réalisation complète nécessiterait une transformation révolutionnaire des institutions de notre ville. Ces incendies ont donné à Los Angeles un aperçu coûteux de ce que signifierait aujourd’hui l’alternative « socialisme ou barbarie » : soit nous radicalisons notre conception du changement politique, soit la nature pourrait nous éradiquer.
Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l’aide de DeepLpro. Publié par Spectre le 28 janvier 2025
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Terry Castleman and Ian James, “Western Altadena got evacuation order many hours after Eaton fire exploded. 17 people died there,” Los Angeles Times, January 20, 2025, https://www.latimes.com/california/story/2025-01-20/in-much-of-altadena-evacuation-orders-came-hours-after-the-fire-arrived ; Adam Mahoney, “Why were Black Altadena Residents Not Warned to Evacuate in Time ?” Capital B, January 24, 2025, https://capitalbnews.org/eaton-fire-los-angeles-lawsuits/.
- 2
Mike Davis, “The Case for Letting Malibu Burn” in Ecology of Fear : Los Angeles and the Imagination of Disaster (New York : Verso, 1998), 94–147, available at
https://www.csun.edu/~rdavids/350fall08/350readings/Davis%20Case%20for%20Letting%20Malibu%20Burn.pdf. - 3
Abigail Nehring, “Industry writes big checks for Hochman in LA district attorney race,” Real Deal, October 23, 2024, https://therealdeal.com/la/2024/10/23/la-real-estate-industry-writes-checks-for-hochman-in-da-race/
- 4
Tweet by People’s City Council — Los Angeles (@PplsCityCouncil), X, January 10, 2025, 6:24 p. m., https://x.com/PplsCityCouncil/status/1877858986231210067.
- 5
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