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Volkswagen AG : des rayures sur la peinture du partenariat social

par Heinrich Neuhaus

Suppression de 30 000 emplois, baisse des salaires, et augmentation du temps de travail : ce sont les dernières mesures annoncées par Volkswagen le 20 décembre 2024. Cela a pour objectif de réaliser des économies de 15 milliards d’euros par an, toutes réalisées sur le dos des travailleur(se)s. Sinistre « miracle de Noël », ces mesures ont été acceptées par la direction d’IG Metall.

En septembre 2024, Blume, le patron de Volkswagen, a annoncé que le deuxième constructeur automobile mondial était en crise et annoncé un programme brutal de coupes claires. Depuis, tout va de travers dans la maison Volkswagen AG, un véritable bastion du « partenariat social » allemand.

Le comité directeur voulait « économiser » environ quatre milliards d’euros, principalement sur le dos du personnel. Quelques mois après avoir distribué un dividende record à ses actionnaires, Volkswagen a dénoncé l’accord sur la protection de l’emploi en vigueur jusqu’en 2029.

Le fait est que Volkswagen reste en tête de l’indice boursier allemand DAX pour le taux de rendement des dividendes. Les années 2021 à 2023 ont été « les années les plus rentables de tous les temps ». En 2024 aussi, les bénéfices vont couler à flot, si bien que Volkswagen va enregistrer plus de 80 milliards d’euros de bénéfices pour les années 2021 à 2024.

Daniela Cavallo, présidente du comité d’entreprise du groupe Volkswagen, a, lors d’une assemblée du personnel tenue le 28 octobre, fait état de la « feuille de route empoisonnée » de la direction. Celle-ci entendait supprimer des dizaines de milliers d’emplois et fermer au moins trois des neuf usines allemandes. Elle exigeait en outre des réductions de salaire allant jusqu’à 18 %.
Les plans de démantèlement du groupe ont certes suscité de vives protestations verbales de la part de IG Metall (IGM) de chez Volkswagen. Mais dans le même temps Gröger, le secrétaire régional de l’IGM, a appelé la direction du groupe à faire face aux « défis » en collaboration avec le personnel.

IG Metall et le comité central d’entreprise ont présenté leur propre « plan d’avenir », grâce auquel ils souhaitaient éviter autant que possible les mesures de réduction annoncées. Selon ce plan, l’augmentation de salaire revendiquée devait être « versée temporairement sous forme de temps de travail dans un fonds de solidarité pour l’avenir ».
IG Metall voulait « faire en sorte que les réductions de personnel continuent de se faire de manière socialement acceptable » et dégager des fonds supplémentaires en renonçant aux « bonifications - que ce soit au niveau du conseil d’administration, des personnels dirigeants comme des salarié·es qui relèvent du régime de la convention collective - pour assurer l’avenir ».
En outre, une « répartition intelligente des productions » devait permettre de garantir le maintien des effectifs des personnels en CDI dans tous les sites implantés en Allemagne et d’éviter des fermetures d’usines. IGM a évalué le montant potentiel de ses propositions de réduction des « coûts du travail » à 1,5 milliard d’euros. En contrepartie, elle a avant tout demandé que l’emploi soit à nouveau garanti chez Volkswagen.

Adaptation ou résistance ?

Ce fléchissement rapide devant les plans de coupes sombres de Volkswagen est en phase avec l’orientation stratégique de la direction de IGM. Au cours des dernières décennies, elle a progressivement cessé de se considérer comme un contre-pouvoir prêt à l’épreuve de force dans le cadre du capitalisme pour devenir un cogestionnaire actif de la transformation néolibérale du monde du travail que connaît la République fédérale d’Allemagne.

Bien que près de 300 000 emplois soient menacés rien que dans l’industrie automobile et ses sous-traitants, le comité directeur d’IG Metall a décidé, pour la campagne de négociations collectives de 2024 concernant l’ensemble de l’industrie métallurgique et électrique allemande, de ne pas revendiquer de réduction du temps de travail. Il a préféré réclamer avant tout une augmentation des salaires, mais il a néanmoins accepté une conclusion rapide avec une hausse des rémunérations collectives de seulement 2 % environ. De fait, la direction de l’IGM a ainsi torpillé toute possibilité de mettre en place un mouvement de solidarité à l’échelle nationale avec les travailleurs et travailleuses de Volkswagen.

En effet, le 1er décembre, « l’obligation de paix » imposée par la loi a pris fin pour les 120 000 salarié·es de la société dans le cadre de la négociation d’une nouvelle convention collective. Ce n’est qu’ensuite qu’IG Metall a pu appeler à des grèves d’avertissement pour sa revendication de 7 %, commune avec l’ensemble de la branche. Le 2 puis le 9 décembre, IG Metall a dénombré environ 100 000 grévistes.
Pendant la cinquième séance de négociations, qui a débuté le 16 décembre, l’appareil d’IG Metall n’a cependant pas organisé de nouvelles grèves d’avertissement – envoyant ainsi un message supplémentaire sur sa disposition à faire des concessions.
Le 20 décembre, un accord a été conclu. « Cogérer ! » (Mitbestimmen !, le bulletin du comité central d’entreprise) titrait : « Garantie de l’emploi jusqu’à fin 2030 – pas de fermeture d’usine – les salaires mensuels sont maintenus – moins de primes ». Mais en y regardant de plus près, on constate que dans cette convention collective interne très complexe, le vin contient beaucoup de vinaigre.

Certes, Volkswagen renonce à des fermetures, mais l’avenir des petites usines d’Osnabrück et de Dresde n’est actuellement assuré que jusqu’à respectivement la mi-2027 et la fin 2025. Les salarié·es doivent payer la prolongation de la « garantie de l’emploi » jusqu’à fin 2030 par la suppression « socialement acceptable » de 35 000 emplois – sans licenciements secs. De plus, des baisses de salaire sensibles ainsi qu’une augmentation du temps de travail d’une à deux heures par semaine ont été convenues.
Au total, Volkswagen table désormais sur des « réductions de coûts » à moyen terme de 15 milliards d’euros par an. La baisse des salaires et la réduction des capacités devraient atteindre environ 4 milliards par an. Cela va faire extrêmement réjouir le cap du capital, qui vient de faire passer un projet central.

Au vu de cette nouvelle adaptation de la direction d’IG Meall aux exigences du profit, les syndicalistes actif·ves sont encore davantage placé·es devant la responsabilité de promouvoir une stratégie alternative combative, solidement argumentée en termes de politique sociale, climatique et des transports, face à l’illusion toxique du « partenariat social ». La réduction du temps de travail, la consultation des travailleurs par le vote et les grèves jusqu’à sa satisfaction ne doivent plus être considérées comme taboues. L’heure est à la résistance, tous et toutes ensemble et solidaires, contre la lutte des classes qui vient d’en haut et le danger fasciste. C’est la seule façon de redonner de la force au contre-pouvoir syndical.

Publié le 21 décembre 2024 par l’Internationale Sozialistische Organisation, Traduit par Pierre Vandevoorde

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