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Allemagne : Réflexions à mi-parcours de la campagne pour les élections au Bundestag - Ce qui va et ce qui ne va pas si bien que ça à gauche

par Thomas Goes

Encore quelques jours - et après environ huit semaines de (pré)campagne pour les élections générales, c’est avec des sentiments mitigés que j’aborderai la trêve de Noël. La stratégie du parti [Die Linke] ne me convainc pas, et je ferai tout pour que le reste de la campagne me donne tort. De l’autre côté de la balance, il y a cette implication incroyable de la part des membres de notre parti, qui ne peut que redonner du courage – de même que les nombreuses nouvelles adhésions. Il y a aussi la volonté de débattre de manière constructive, que j’apprécie beaucoup.

Pour commencer, parlons des doutes. D’un côté, la direction du parti a effectué une réorientation stratégique - cela est vrai pour les deux présidents, et au moins autant pour le secrétaire général fédéral. Ni le dernier congrès du parti, ni le Conseil fédéral n’en ont décidé ainsi. Je ne sais pas comment qualifier cette nouvelle orientation, mais nous nous limitons à mettre en avant et à débattre de questions sociales dont il est supposé qu’elles touchent le plus grand nombre. Exemple : les loyers (je suis bien sûr favorable à une autre politique du logement). Tous les autres thèmes sont largement laissés de côté. Est-ce que cela est efficace, nous le verrons bientôt.

En tout cas, sur des questions importantes qui détermineront aussi les choix des citoyen.ne.s lors de ces élections fédérales, nous manquons de réponses franches et affirmées : par exemple, la CDU se gargarise du thème de la « désindustrialisation » (une habile façon de cadrer les choses pour la droite, qui permet d’occulter le fait que le capital industriel allemand est l’un des principaux acteurs du marché mondial, les raisons pour lesquelles il en est ainsi, comment cela conduit à davantage de tensions internationales, etc. ). Et là, nous devrions expliquer comment nous relions le maintien de la production industrielle à la lutte contre le réchauffement de la planète. Nous avons des positions excellentes mais elles sont à l’état de documents, nous nous taisons. Depuis des semaines, le personnel du constructeur automobile VW affronte le vent froid que la direction du groupe lui fait souffler au visage- réduction des salaires, suppressions de postes, fermeture d’usines. Cette situation est liée à la crise - ou plutôt à la façon dont la crise est présentée - de l’industrie automobile, qui accompagne la « conversion à la technologie électrique ». La CDU, l’AfD, le BSW donnent une réponse claire : retour au véhicule à combustion. Tandis que nous, nous sommes muets pour ne pas avoir à dire quoi que ce soit sur la question de la protection du climat. Même la résolution adoptée par le congrès fédéral du parti en octobre dernier est passée totalement sous silence dans nos interventions publiques. A vrai dire, c’est sidérant.

Ou la guerre ou la paix. J’ai toujours défendu l’idée que Die Linke devait prendre parti à la fois contre l’impérialisme et contre la politique réactionnaire au niveau international. Prendre parti sans ambiguïté. Prendre parti de manière visible, haut et fort. J’étais heureux lorsque nous avons condamné haut et fort les massacres du Hamas le 7 octobre, car notre humanisme est indivisible – c’est pourquoi je suis déçu de voir à quel point nous sommes silencieux dans la lutte pour les droits de l’homme des Palestinien·nes qui ont depuis été assassiné·es – sciemment – par l’armée israélienne. Nous avons pris de bonnes décisions bien équilibrées, mais elles ont peu d’impact dans notre pratique. Il en va de même pour l’Ukraine. Le fait que, là encore, nous ne soyons pas perçus par l’opinion publique comme le parti du droit international que nous voulions être depuis notre création devrait plutôt nous faire réfléchir. Dans ces deux cas, le problème n’est pas celui des positions qui ont été adoptées sur le papier - bien au contraire, lors du dernier congrès du parti, celui-ci a prouvé qu’il pouvait trouver des réponses à la fois nuancées et claires. Dans ces deux cas, la nouvelle direction du parti ne fait que porter le poids de l’héritage que nous nous sommes imposé ensemble. Mais il y a quand même trop de silence.

Ou encore l’immigration : lors des élections, ce sont les Verts et le SPD (malgré tout ce qu’ils ont fait de mal dans ce domaine) qui se présenteront comme des partis ouverts à l’immigration - tandis que nous nous taisons.

Ou alors, la démocratie et la fascisation : ce seront le SPD et les Verts qui se positionneront comme forces anti-AfD. Et ainsi de suite.

Nous verrons si la nouvelle stratégie est efficace - au plus tard le 23 février. Comme je l’ai dit, je m’engagerai tellement dans la campagne que j’espère qu’au moment du bilan, je me serai trompé.

D’un autre côté, certaines choses me donnent du courage. J’ai par exemple l’impression que nous assistons à une politisation à gauche parmi les jeunes, qui est encore confuse. Elle s’explique en partie par l’indignation justifiée face aux violations du droit international et des droits de l’Homme commises par Israël à Gaza - une indignation que nous laissons très largement sur la touche. Mais aussi par le sentiment de vouloir faire quelque chose contre la tendance à la droitisation. Cela se vérifie dans les milliers de nouvelles adhésions (et motive également une partie des nombreuses nouvelles adhésions chez les Verts), mais aussi dans les assemblées générales de « Studis gegen Rechts » (étudiant.e.s contre la droite ndt), etc. A Göttingen, il y avait environ 900 personnes, bien qu’il n’y ait eu que très peu de temps pour l’annoncer.

Et ce qui est vraiment admirable, c’est la motivation enthousiaste avec laquelle cette campagne est menée : les nombreux/ses volontaires pour les porte-à- porte, les camarades qui tiennent les stands d’information, etc., etc. La cohésion, la qualité des réponses apportées et de notre matériel et - de manière générale - l’engagement de l’équipe de campagne sont également dignes d’éloges. Si je puis me permettre de dire ces choses-là.

Je suis en tout cas impatient d’entamer la phase la plus chaude de la campagne électorale à partir de début janvier. Parce que, quelle qu’en soit l’issue, la campagne électorale est aussi une période pendant laquelle nous pouvons construire le parti.

Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde.

Publié sur Facebook le le 17 décembre

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