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Le mouvement de protestation populaire (Hirak) de Figuig : contre la privatisation de l’eau et pour une gestion collective et démocratique des services et des richesses

par Omar Aziki

La Coalition nationale de soutien au Hirak de Figuig qui regroupe des représentant·es de certaines organisations syndicales, partis politiques de gauche et associations, a organisé une caravane de solidarité avec le Hirak de Figuig sous le slogan « persévérance, unité et solidarité pour les droits et la dignité » du 14 au 17 novembre 2024. Cette caravane, partie de Casablanca vers Figuig en passant par plusieurs villes, a regroupé près d’une cinquantaine de participant·es. Elle a été chaleureusement accueillie par la Coordination locale du plaidoyer pour l’eau de Figuig. Les habitants ont organisé le vendredi 15 novembre, un sit-in devant la préfecture de la ville.

Les femmes constituent le pilier du Hirak depuis son début en novembre 2023.

Après une visite de l’oasis dans la matinée du samedi 16 novembre, une conférence publique a été organisée en fin d’après-midi. Elle a été un succès avec plus de 300 participants dont la majorité sont des femmes.

Les échanges ont permis de dégager des éléments sur le bilan d’une année du Hirak, ainsi que des pistes de réflexion sur ses perspectives. Des recommandations ont été formulées dans un appel qui a été et adopté à l’unanimité (Voir l’appel en dessous).
J’ai représenté l’association ATTAC CADTM Maroc dans cette caravane et je suis intervenu dans la conférence où j’ai présenté le cadre général de la privatisation de l’eau au Maroc. Ci-dessous les éléments de mon intervention.

Le Hirak de Figuig : contre la société régionale multiservices et pour le respect de la volonté de la population

Une loi relative aux société régionale multiservices (SRM) a été promulguée au Maroc en juillet 2023. Ces SRM auront pour mission, entre autres, la gestion du service de distribution de l’eau et d’électricité, celle des services de l’assainissement liquide et de l’éclairage public. Le groupement des collectivités territoriales (GCT) seront les principaux organes de ce nouveau dispositif.

L’Oriental a été l’une des quatre régions incluses dans la première phase de l’application de ladite loi. Ses communes ont tenu des sessions extraordinaires depuis octobre 2023 pour rejoindre le GCT de la région qui a ratifié en juin 2024 le contrat de gestion des services avec la SRM.

Dans la commune de Figuig, c’est une autre dynamique totalement différente qui s’est mise en place. Le conseil communal a voté le 26 octobre 2023 le refus d’adhérer au GCT. Le gouverneur de la province fera pression sur les membres du conseil pour qu’ils votent en faveur de l’adhésion lors d’une autre session extraordinaire le 1ernovembre. Les habitants sont immédiatement descendus dans la rue pour dénoncer l’intervention du ministère de l’intérieur et pour exprimer leur ferme attachement à leur gestion de leurs ressources en eau. Le 16 mai 2024, neuf membres du conseil ont démissionné. Le ministère de l’intérieur s’est empressé d’organiser des élections partielles locales le 12 septembre 2024. Les militant·es du Hirak se sont mobilisés au nom du parti de la Fédération de la gauche démocratique et ont remporté à une écrasante majorité les neuf sièges vacants du conseil communal qui se compose désormais de 9 membres contre la SRM et 9 pour. La voix du président pourrait s’ajouter à ces derniers. Mais ce n’est pas encore gagné tant que le Hirak résiste.

Le Hirak de Figuig : résister aux intimidations et à l’arrestation

Depuis le début du mouvement, les autorités ont mené des campagnes de désinformation et d’intimidation pour le briser. Elles ont arrêté, le 14 février 2024, le militant Mohamed Ibrahimi surnommé « Movo » et l’ont condamné en première instance à trois mois, puis en appel à huit mois de prison ferme. La militante Halima Zaid a également été condamnée à six mois de prison avec sursis et à une amende de deux mille dirhams (200 euros). Cette répression n’a pas dissuadé les manifestant·es qui ont organisé, le 14 octobre 2024, une grande cérémonie d’accueil à « Movo » qui a purgé sa peine.

Le Hirak de Figuig : pour la défense du droit de la population à une gestion collective et démocratique des richesses et des services

Les habitants de l’oasis ont senti le danger des SRM qui constituent un mécanisme vers la privatisation des services public et notamment l’eau potable. Ils ont toujours géré collectivement et démocratiquement les sources del’oasis. D’où la forte implication des femmes très étroitement attachées à l’eau en raison de leur responsabilité dans la famille, l’éducation des enfants, la gestion du ménage, l’agriculture paysanne et l’élevage du bétail. Des capitalistes s’installent dans la région et s’emparent de plus en plus de terres, introduisent des variétés de palmiers et autres produits agricoles, et épuisent la nappe phréatique. Ce qui risque de réduire le débit des sources, assécher l’oasis et condamner ses habitants à un sort inconnu.

Nécessité d’étendre le mouvement aux autres régions du pays

Le Hirak de Figuig, qui a duré 12 mois, a démontré le potentiel de résistance de la population, notamment des femmes. D’où la détermination de l’État pour l’écraser, comme il l’a fait pour d’autres Hirak (Rif, Jerada …) pour qu’il ne serve pas d’exemple. Les autorités ont également refusé de faire des concessions aux alternatives concrètes des habitants dans le cadre des spécificités de la gestion des affaires de l’oasis. D’où la nécessité d’étendre ce Hirak aux autres régions où la loi sur les SRM est également en cours d’application et de former un front de résistance contre elle.

Les institutions financières internationales accentuent la privatisation des services publics au Maroc

Dans la crise de la dette du début des années 1980, le néolibéralisme est devenu de plus en plus dominant au sein des institutions financières internationales (FMI et BM) et a conduit à une application rigoureuse de cette idéologie par les classes dominantes dans les pays du Sud.

Les opérations de privatisation des établissements et entreprises publiques a commencé en 1993. Quelques grands groupes capitalistes locaux et des multinationales en ont profité. L’adhésion du Maroc à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en janvier 1995, la signature d’accords de libre-échange notamment avec les grandes puissances occidentales (l’Union européenne et les États-Unis) et la mise en œuvre de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) ont ouvert de nouvelles opportunités à ces groupes. La distribution de l’électricité, de l’eau potable et de l’assainissement liquide à été concédé à des filiales d’entreprises françaises dans 4 grandes villes : Lydec à Casablanca (1997), Redal à Rabat (1999), et Amendis à Tanger et Tétouan (2002). La privatisation des services publics locaux sera inscrite dans la loi sur la gestion déléguée (février 2006) et son champ d’application sera élargi.

Notons que la loi sur l’eau au Maroc, promulguée en août 1995, considère l’eau comme un bien public qui ne peut faire l’objet d’une appropriation privée. Les faits ont démontré que les gouvernants ont donné la priorité aux diktats des institutions internationales au détriment de la population. Les deux secteurs de la santé et de l’éducation ont aussi été largement ouvert aux investissements privés.

Deux décennies de luttes populaires contre la privatisation de l’eau

Tout au long des deux dernières décennies 2000-2020, le Maroc a connu des protestations populaires contre la privatisation des services publics, notamment la gestion de l’eau potable :

Image retirée. Manifestations des habitants de Rabat contre les factures élevées d’eau potable (2002-2003).
Image retirée. Mobilisations des Coordinations locales contre la hausse des prix (2006-2008).
Image retirée. Manifestations des habitants du village de Bensmim contre la cession de d’exploitation de l’eau à un entreprise étrangère (2008-2010).
Image retirée. Lutte des habitants de Bouarfa pour le droit à l’eau (depuis 2006).
Image retirée. Le sit-in des habitants du village d’Imider pour récupérer leur eau (depuis 2011 et a duré près de 10 ans).
Image retirée. Manifestations contre les factures élevées d’eau et d’électricité (2015-2017) notamment à Tanger.
Image retirée. Marches de la soif dans le sud-est du pays (depuis 2017).

La plupart de ces manifestations ont été réprimées et leurs militant·es poursuivi·es et emprisonné·es. C’est ce qui s’est passé également dans le Hirak de Figuig qui dure depuis novembre 2023 contre la privatisation de l’eau potable.

L’Office national de l’eau et de l’électricité (ONEE), un établissement public au service du capital privé

Les secteurs de l’électricité et de l’énergie renouvelable ont été ouverts aux privés, en 1994 pour le premier et 2010 pour le deuxième. Le mécanisme de partenariat public-privé se généralise en 2015. L’ONEE a conclu des contrats de concessions à long terme à des sociétés étrangères (émiraties, françaises, saoudiennes, espagnoles, etc.), ainsi qu’à une minorité de familles privilégiées bien connues dans le pays. Ces sociétés privées contrôlent plus des deux tiers de la production d’électricité du Maroc. L’ONEE est obligé de l’acheter à des prix très élevés, en plus de supporter une grande partie des coûts d’installation de grands projets de production d’énergie, d’eau et d’assainissement. Il vivra dans un déficit financier permanent depuis le début de l’année 2000 qui sera couvert par des dettes publiques et des transferts directs du budget public, comme ce fut le cas dans son contrat-programme 2014-2017 avec l’État qui lui a permis d’augmenter les prix de l’eau et de l’électricité, ce qui a conduit aux protestations populaires mentionnées plus haut.

Fusionnement des deux offices de l’eau et de l’électricité : élargir les opportunités pour les capitaux privés

La fusion des offices de l’eau et de l’électricité en un seul office (2012) visait à élargir les domaines d’intervention des capitaux privés, à faciliter leur coordination et à porter la charge sur le budget public et les citoyen·nes. Le rapport de la Cour des comptes sur la gestion déléguée au Maroc (2014) a recommandé de poursuivre ce processus pour faire entrer des « acteurs qualifiés » (privés) et créer des sociétés régionales de distribution multiservices. C’est désormais chose faite avec la promulgation de la loi sur les SRM depuis juillet 2023. L’ONEE n’interviendra plus dans la gestion de ces services au niveau des collectivités territoriales, son rôle se limitera à la production, au transport et à la distribution de l’électricité et de l’eau potable au profit de ceux qui gèrent ces services. Les biens immobiliers et mobiliers de l’ONEE affectés aux services de l’eau, de l’électricité et de l’assainissement liquide, ainsi que ses dettes, seront transférés aux collectivités territoriales après la conclusion par ces dernières du contrat de gestion avec la SRM.

Donner quitus aux entreprises françaises délégataires des services publics locaux de distribution

La loi sur les SRM intervient également à l’approche de l’expiration des contrats de gestion déléguée avec Amendis (fin 2026), Redal (fin 2027) et Lydec (fin 2027). L’État a conçu cette formule pour donner un quitus aux sociétés étrangères qui réalisaient de gros bénéfices depuis plus d’un quart de siècle directement à partir des poches des citoyen·nes. C’est exactement ce qui se passe actuellement à Casablanca, où le conseil du GCT a approuvé, en juillet 2024, l’attribution de la gestion du service public de l’eau potable, de l’électricité et de l’assainissement liquide à la SRM. Cette dernière reprendra l’ensemble des contrats et conventions conclus antérieurement par la Lydec, y compris les contrats d’emprunts obtenus.

Régies autonomes chargées des services publics locaux de distribution : investissements pour attirer des capitaux

Les SRM reprendront également le contrat de gestion précédemment confié aux douze régies autonomes de distribution d’eau, d’électricité et d’assainissement liquide. Ces régies ont été réhabilitées et ont catalysé d’importants investissements ces dernières années dans les infrastructures de collecte et de traitement de l’eau potable et des eaux usées. Comme pour l’ONEE, leurs biens immobiliers et mobiliers seront transférés aux collectivités territoriales, qui concluront un contrat de gestion avec la SRM. Par exemple, la SRM Marrakech Safi a remplacé, depuis le 1ernovembre 2024, la Régie autonome de distribution d’eau et d’électricité de Marrakech (RADEMA), qui avait investi un montant estimé à 3 milliards de dirhams entre 2014 et 2023 pour renforcer l’infrastructure des réseaux d’eau, d’électricité et d’assainissement liquide de la ville.

Sociétés régionales multiservices : socialiser les pertes pour accroître les profits privés

Les collectivités territoriales, à travers les SRM prendront en charge une très grande partie des dettes de l’ONEE et des sociétés privées françaises, y compris leurs dettes envers la Caisse nationale de la sécurité sociale. Des milliers de salarie·és, leur seront également transfére·és, qui perdront une grande partie de leurs acquis et de leurs droits, si ce n’est tout simplement pas leur emploi. C’est ce qui se passe actuellement à la Lydec. Les énormes investissements publics réalisés dans les installations d’eau, d’électricité, d’assainissement liquide et de traitement des eaux usées sont destinés à attirer ce que la Cour des Comptes a appelé des « acteurs qualifiés », c’est-à-dire de grandes entreprises capitalistes qui se limiteront à accaparer les marges bénéficiaires de la gestion de ces installations. Les parts dans le capital des SRM ont été fixé à 25 % pour l’Etat, 40 % pour les groupes des communes territoriales de distribution, 10 % pour le conseil régional des communes et 25 % pour l’ONEE. L’État est conscient que ces SRM ne peuvent opérer sans l’appui technique et l’expertise de entreprises spécialisées. C’est pourquoi il a prévu la possibilité d’ouvrir le capital de la SRM au secteur privé à hauteur de 90 %. Les succursales d’entreprises françaises qui opéraient au Maroc avaient l’habitude de transférer une part importante des bénéfices en devises à la société mère sous couvert de dépenses d’« assistance technique ». Elles vont continuer à fournir des services d’encadrement technique, des études et d’autres services qui génèrent une marge bénéficiaire plus élevée. Los de sa visite au Maroc en fin octobre 2024, Macron a été accompagné de dirigeants de plusieurs groupes français dont Engie, TotalEnergies, Suez et Veolia. Interrogé sur les secteurs les plus prometteurs dans le pays, le numéro deux de la Confédération générale des entreprises au Maroc (CGEM, syndicat des patrons) a répondu : « La perspective de la Coupe du monde 2030 suscite l’intérêt parce que cela pourrait déboucher sur de nombreux projets dans les infrastructures, l’énergie, et le tourisme … Les ressources en eau constituent un autre domaine clé, compte tenu du stress hydrique persistant depuis six ans. Les énergies propres, en particulier dans le sud du Maroc, sont également un axe majeur, à la fois pour le développement économique du royaume et pour répondre aux impératifs de décarbonation. »

Les sociétés multiservices régionales, regroupement des sphères d’enrichissement des capitalistes

Les SRM sont le résultat d’un processus initié par l’État depuis le milieu des années 2000 pour regrouper les sphères d’enrichissement des grands groupes privés étrangers et locaux notamment dans des secteurs vitaux tels que l’eau, l’énergie et l’assainissement liquide, tout en maintenant les établissements publics comme principal pilier des investissements à long terme dans les infrastructures, les équipements et la maintenance, et comme fournisseurs de services non rentables. Ce processus a été encadré par Banque mondiale, par le biais de bureaux d’études auxquels elle accorde des prêts inscrits dans la dette publique. La BM fait l’éloge du Maroc qui est à l’avant-garde de l’application créative des politiques libérales, y compris la privatisation du domaine public et le contrôle de ses implications au niveau social.

La Banque mondiale et le FMI contre les aspirations des peuples

La Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) sont l’une des composantes de la contre-révolution en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Alors que les peuples sont descendus dans les rues tout au long de la période allant de fin 2010 à la crise du COVID début 2020, pour réclamer justice sociale et démocratie, la Banque mondiale a réitéré dans un rapport d’avril 2015 la nécessité d’abandonner la gratuité des services publics de base au profit du secteur privé et de développer les partenariats public-privé pour réaliser le développement dans les pays de la région. Ces deux institutions veulent occulter leur responsabilité directe dans les effets désastreux des politiques de privatisation, comme l’ont démontré les manifestations populaires continues au Maroc au cours des deux dernières décennies (2000-2020) que nous avons mentionnées plus haut. Elles veulent aussi limiter l’influence de la mobilisation du mouvement altermondialiste qui a initié la réappropriation des services publics par les collectivités locales : entre 2000 et 2019, 2 400 villes dans 58 pays ont récupéré des services publics, selon une étude du Transnational Institute (TNI). Dans le contexte actuel de montée de l’extrême droite et de leur gestion des gouvernements ou des municipalités dans de nombreux pays du monde, cette réappropriation de gestion collective est remise en cause, mais elle se heurte à des résistances populaires.

Les deux institutions ont soutenu les régimes dans notre région en leur accordant des prêts dans un processus d’endettement public continu pour appliquer les politiques libérales et opprimer les peuples. Leur décision de tenir leurs assemblées annuelles au Maroc en octobre 2023 à Marrakech confirme leur soutien politique au régime, ainsi que celui des puissances occidentales qui les parrainent, les États-Unis d’Amérique et l’Union européenne.

Pour une solidarité internationale avec le Hirak de Figuig

Outre les mécanismes du despotisme qui se manifeste dans les conseils communaux par la domination du ministère de l’Intérieur, qui réprime toute opposition ou mobilisation populaire locale, le capital privé s’appuie sur des lois nationales et sur des dispositions internationales comme celles des accords de libre-échange, de la propriété intellectuelle et autres qui protègent les droits de l’investisseur au détriment des intérêts des populations.

D’où la nécessité d’une solidarité internationale avec le Hirak de Figuig, qui enrichit les expériences populaires de lutte contre la privatisation de l’eau que les institutions financières internationales et l’OMC généralisent partout au monde. Le sommet mondial des mouvements sociaux organisé contre les assemblées de la BM et du FMI à Marrakech en octobre 2023 a permis un tissage de cette solidarité aux niveaux régional, continental et international. Ses recommandations comprenaient des alternatives et des recommandations issues des expériences de résistance des peuples contre les institutions du capital mondial, contre la dette et le libre-échange, et pour la défense de l’eau, de la terre, de la richesse, de la souveraineté populaire et des droits humains. Ce sont des acquis sur lesquels il faudra s’appuyer pour élargir la solidarité internationale.

Publié le 30 novembre 2024 par le CADTM

Appel de Figuig : Luttons tous pour un large soutien au mouvement de lutte contre la privatisation de l’eau des oasis

Dans le cadre du soutien et de la solidarité continus à la lutte que les habitants de l’oasis de Figuig mènent depuis plus d’un an contre :

* La privatisation de la distribution de l’eau potable et sa transformation en marchandise au profit du capitalisme sauvage. 
* La tentative d’effacer son histoire de lutte contre la tyrannie et de détruire le patrimoine humain et naturel de l’oasis, répertorié au niveau national et par plusieurs organisations internationales. 
* La décision du gouverneur provincial, représentant du Ministère de l’Intérieur, d’imposer le changement de la décision prise démocratiquement par les représentants de la population au Conseil municipal de rejeter la délégation de la gestion de la distribution de l’eau potable de l’oasis à la Société Régionale Multiservices Orient Distribution.

La Coalition nationale de soutien au Hirak de Figuig, composée d’organisations politiques, syndicales, de défense des droits de l’homme, de femmes, de jeunes et d’associations, a organisé une caravane de solidarité sous le slogan « Résistance, unité et solidarité pour les droits et la dignité » du 14 au 17 novembre 2024 qui a compris les activités suivantes :

I. Participation au sit-in du vendredi 15 novembre, une des activités militantes hebdomadaires que la population organise, comme les marches, les veillées et autres, depuis le début du Hirak en novembre 2023. Durant ce rassemblement, des slogans ont été scandés, des discours ont été prononcés et les revendications justes et légitimes de la population ont été réaffirmées.

II. Organisation d’une rencontre entre les femmes participant au convoi de solidarité et les femmes du Hirak de Figuig, comme espace privilégié pour identifier leurs rôles dans la vie locale et leurs souffrances quotidiennes dues à la politique de marginalisation, et pour partager leurs expériences dans la résistance à l’injustice économique et à l’oppression sociale.

III. Organisation d’une visite des qsour de Figuig, en compagnie d’experts et d’acteurs locaux, pour découvrir la manière dont l’eau est gérée dans l’oasis et le riche patrimoine local dans ce domaine, reconnu et récompensé par l’Organisation des Nations-Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO).

IV. Organisation d’un colloque public intitulé « L’eau entre les politiques publiques et les demandes de la population », qui a connu une forte participation et un débat approfondi, en particulier parmi les femmes et les jeunes, et qui a débouché sur d’importantes recommandations, ainsi que sur l’appel cidessous.

  • La Coalition Nationale de Soutien au Hirak de Figuig soutient la population de l’oasis dans sa lutte permanente pour la protection de ses ressources et l’arrêt de la privatisation de la gestion de la distribution de l’eau potable au profit de la Société Régionale Multiservices, ainsi que de la distribution de l’électricité, de l’assainissement liquide, de l’épuration des eaux usées et de l’éclairage public et considère les points suivants :
  • ­ Elle appuie la demande du Hirak de Figuig de ne pas compromettre la gestion collective et solidaire de l’eau par la population oasienne, qui est liée à la spécificité de l’oasis et aux modes d’utilisation de l’eau potable et de l’eau d’irrigation de l’agriculture de subsistance.
  • ­ Le Hirak considère la privatisation de l’eau de Figuig comme un coup porté à la démocratie participative locale, une violation arbitraire de la volonté de la population, une violation de leurs droits de propriété, un mépris de leur riche histoire dans la gestion de l’eau, et une négation de leur apport dans la construction des canaux de distribution de l’eau et d’assainissement de l’oasis grâce à leur travail et leur investissement. Le Hirak exprime avec force sa position par le slogan « L’eau n’est pas une marchandise ».
  • ­ La coalition met en garde contre la gravité des conséquences de la privatisation de l’eau dans l’oasis de Figuig, notamment la destruction de la cohésion sociale oasienne et la désintégration d’une culture et d’une identité séculaires, en parfaite harmonie avec la nature et l’environnement.
  • ­ L’État doit assumer ses responsabilités à tous les niveaux pour préserver le patrimoine naturel riche et historique de l’oasis et œuvrer à sa sauvegarde au lieu de le céder au secteur privé qui ne cherche qu’à accumuler des profits.
  • ­ La coalition lance un appel à toutes les forces militantes de notre pays pour qu’elles se joignent à la coalition nationale afin de former un front uni pour faire pression et soutenir le mouvement populaire de Figuig et pour s’opposer collectivement à l’érosion des droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux de la population.
  • ­ La coalition insiste sur la nécessité d’unir les initiatives au niveau national pour défendre les revendications légitimes de la population, en particulier celles liées à la gestion de l’eau en tant que service public, à la fourniture de services sociaux et à la mise en place de mécanismes de coordination, en particulier le mouvement en cours dans la région de l’Oriental.
  • ­ La coalition appelle toutes les organisations et les réseaux à mobiliser la solidarité régionale et internationale avec le Hirak de Figuig, et à plaider dans les différents forums internationaux contre toutes les formes de privatisation des services sociaux au Maroc, en particulier de l’eau potable, afin de la gérer comme un service public.

Nous félicitons la coordination locale pour sa constance et la poursuite du mouvement héroïque malgré les restrictions et les arrestations. 
Nous saluons tous les médias libres qui assistent, accompagnent et couvrent le Hirak. 
Nous sommes fiers de brandir les insignes de victoire des femmes de Figuig, flammes du Hirak, qui sont toujours à l’avant-garde de toutes les protestations. 
Non à la marchandisation de l’eau, non à la mise à mort des espaces marginalisés, des océans et des oasis par l’autorité décisionnelle centrale. 
Oui à la liberté, à la dignité et à la justice sociale.

Figuig, le 16 novembre 2024 
Coalition nationale de soutien au Hirak de Figuig

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