L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis illustre l’une des tendances politiques les plus dangereuses du monde actuel. Des politiciens autoritaires d’extrême droite arrivent au pouvoir, tels que Modi en Inde, Orban en Hongrie et Bolsonaro (actuellement écarté du pouvoir) au Brésil. Ils font ouvertement appel, attisent des sentiments nationalistes et racistes et mènent des politiques réactionnaires contre l’avortement, les droits LGBTQI+, avec un déni du changement climatique, le tout dans un contexte d’austérité néolibérale. Le nouveau gouvernement Trump bouleversera sans nul doute les relations intra-impérialistes, apportera son assistance et son soutien à la guerre de Netanyahou contre Gaza et à son expansion au Liban, tout en menaçant de transférer le soutien américain à l’Ukraine vers la Russie.
Bien qu’il ait affirmé avoir bénéficié d’une large victoire, il est devenu clair, au fur et à mesure que les derniers votes sont comptés, que Trump, bien qu’il ait gagné la majorité du collège électoral, n’a pas reçu la majorité des votes sur le plan national 1. Néanmoins, Trump et son parti, les Républicains, qui ont conservé leur majorité à la Chambre des représentants et remporté la majorité des sièges au Sénat, ont l’intention de gouverner comme s’ils disposaient d’une majorité écrasante.
Trump concentre tous les pouvoirs
Avec une solide majorité conservatrice à la Cour suprême, Trump et son parti contrôlent les trois branches du gouvernement, ce qui limite les capacités des Démocrates à s’opposer aux politiques qui seront mises en place. Trump et ses alliés, y compris les auteurs du document ultra-réactionnaire Project 2025, pourront ainsi adopter de nombreuses mesures réactionnaires allant de la destruction des protections environnementales et des droits syndicaux à l’abolition des droits reproductifs, en passant par l’augmentation de l’exploration des combustibles fossiles, la remise en cause de l’éducation publique, le harcèlement des personnes LGBTQI+, en particulier des personnes transgenres, et très probablement une attaque contre Medicare, Medicaid – les programmes fédéraux de santé pour les retraité·es et les personnes vivant sous le seuil de pauvreté –, la Sécurité sociale et les pensions gouvernementales pour les retraité·es mises en place en 1935.
Une nouvelle série de réductions d’impôts enrichira les ultra-riches tout en réduisant les programmes publics. Les étudiant·es qui, notamment sur les campus, protestent contre le soutien des États-Unis à l’assaut d’Israël sur Gaza, seront très probablement confrontés à une répression accrue. Et dans l’immédiat, Trump menace d’utiliser l’armée américaine et les unités de la Garde nationale pour rassembler et expulser des millions d’immigré·es sans papiers.
La dispersion de la base sociale des Démocrates
La victoire de Trump est le résultat de plusieurs processus politiques et sociaux. En premier lieu, le bipartisme américain, qui entrave les tentatives électorales des partis alternatifs, crée une dynamique où les gouvernements en place sont tenus responsables des problèmes quotidiens, au profit de l’opposition. De plus, lors de ces élections, Harris, actuellement vice-présidente de Biden, a été perçue comme la représentante du statu quo, et donc comme responsable de l’inflation persistante et des difficultés des Américain·es à payer leurs factures quotidiennes. La révulsion suscitée par le soutien du gouvernement Biden-Harris à l’assaut génocidaire de Netanyahou à Gaza a coûté à Harris et aux Démocrates un soutien clé, en particulier dans l’État du Michigan, où résident un grand nombre d’Américains d’origine arabe.
Ces élections marquent également la poursuite de la dissolution de la grande alliance constitutive du Parti démocrate, celle des syndicats et des Afro-Américain·es, qui s’était constituée dans les années 1930. Les politiques d’austérité néolibérales des Démocrates ont affaibli leur base électorale traditionnelle au profit des Républicains, encore plus néolibéraux. Les Noirs et les Hispaniques ont abandonné progressivement le Parti démocrate. Le machisme a également joué un rôle : les électeurs masculins du Parti démocrate, en particulier les hommes de couleur, se sont divisés entre les votes pour et contre Harris, qui est biraciale (fille d’immigré·es jamaïcain et indienne) et qui aurait été la première femme présidente des États-Unis. 19 % des hommes noirs ont voté pour Trump (contre 5 % des femmes noires), soit une augmentation de six points par rapport au niveau déjà élevé de 2016. 36 % des hommes hispaniques – également en hausse de six points – ont voté pour Trump.
La menace raciste et guerrière
L’élection de Trump va certainement renforcer les éléments les plus racistes et les plus chauvins de la société américaine. Des groupes nazis ont déjà défilé à Columbus, dans l’Ohio, une ville qui compte une importante population d’immigrant·es haïtien·nes et qui fait l’objet d’attaques racistes et anti-immigré·es depuis que, pendant la campagne présidentielle, Trump et son colistier, J.D. Vance, ont prétendu, d’une façon ouvertement raciste, que « les gens qui viennent [de l’étranger] mangent des chats. Ils mangent les animaux de compagnie des habitants ».
Bien que le discours de Trump soit fortement isolationniste, son arrivée au pouvoir accroît le risque d’une confrontation militaire avec l’Iran. Les protestations hypocrites du gouvernement Biden concernant la guerre contre Gaza céderont la place à un soutien sans faille à Netanyahou à Gaza, en Cisjordanie et au Liban, et augmenteront le danger d’une guerre contre l’Iran. En choisissant Tulsi Gabbard comme directrice du renseignement national, Trump a démontré une fois de plus qu’il est favorable à l’invasion criminelle de l’Ukraine par Poutine.
Plus largement, les tirades de Trump contre l’OTAN menacent l’alliance des États-Unis et des régimes capitalistes et néo-impérialistes d’Europe occidentale, entraînant une plus grande instabilité internationale. L’obsession de Trump pour le déficit commercial vis-à-vis de la Chine et son intention, proclamée haut et fort, de mettre en place des droits de douane, notamment sur les importations chinoises, aggraveront l’inflation mondiale pour les travailleur·ses aux États-Unis, et avec elle la menace de guerre.
Les perspectives pour les socialistes
L’absence d’un parti politique de masse ayant des liens étroits avec le mouvement ouvrier reste un aspect essentiel de la spécificité étatsunienne et un obstacle à la défense des acquis du passé et à des avancées futures. La construction d’un tel parti reste une tâche historique du mouvement ouvrier socialiste. En attendant, les socialistes, les syndicalistes et les militant·es du mouvement social aux États-Unis et dans le monde ont la possibilité et la responsabilité de mettre en place des campagnes de front uni pour résister à l’assaut de Trump contre l’environnement, les droits des femmes, des LGBTQI+ et des minorités racisées, et de continuer à construire un mouvement international de solidarité avec l’Ukraine et la Palestine.
Lorsque Trump a remporté son premier mandat en 2016, les organisations de femmes ont appelé à des rassemblements dans tout le pays, dont un à Washington auquel ont participé un million de personnes. On estime qu’environ vingt-six millions de personnes ont défilé contre la police raciste dans le cadre du mouvement Black Lives Matter en 2020. Ces dernières années, des grèves impressionnantes ont montré la capacité des travailleurs et de leurs syndicats à obtenir gain de cause. Les étudiants de dizaines de campus ont bravé la répression pour exiger la fin de la guerre génocidaire contre Gaza et du soutien des États-Unis à Israël. Ces exemples d’actions de masse militantes sont exactement ce qu’il faut pour lutter contre l’agenda politique et social réactionnaire de Trump, de ses alliés et de l’ensemble de la classe dirigeante.
Le 23 novembre 2024
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Avec 77 millions de voix, Trump a obtenu 49,9 % des suffrages, contre 47 millions (48,3 %) pour Harris, le reste des voix se répartissant entre Jill Stein (Verts), Robert Kennedy et Chase Oliver, qui ont obtenu environ 0,5 % des voix.