Le 20 août dernier, l’Équateur a vécu des élections inédites. D’une part, parce qu’elles étaient dues à la première mise en œuvre du mécanisme de « mort croisée » prévu par la Constitution de 2008 – qui raccourcit les mandats du président et des membres de l’Assemblée en même temps. D’autre part, parce qu’il s’agit de la campagne électorale la plus courte depuis le « retour » à la constitutionnalité en 1978-79 et que le candidat vainqueur gouvernera à peine un an et demi, soit le temps restant pour achever le mandat présidentiel de Lasso, ce qui a vraisemblablement conduit à l’absence de candidats directs des principales forces politiques, qui ont préféré se préserver pour 2025. Enfin, en raison du climat de violence dans lequel s’est déroulée la campagne et qui a pesé sur l’ensemble du processus électoral.
En quelques jours, et moins de 15 jours avant les élections, le maire de Manta, Agustín Intriago, le candidat centriste à la présidence Fernando Villavicencio et le leader de Révolution Citoyenne (RC) à Esmeraldas, Pedro Briones, ont été assassinés. Ces événements ont sans aucun doute influencé le sentiment des électeurs, favorisant un glissement de l’électorat vers la droite, qui annonçait « l’État fort » pour faire face à l’insécurité et à la violence. Quoi qu’il en soit, il est clair qu’il sera désormais impossible de penser la politique équatorienne en dehors des liens encore obscurs entre la violence et le trafic de drogue. Malgré cette atmosphère marquée par la peur et la violence, la journée électorale s’est déroulée dans le calme.
Une fois de plus, comme en 2021, le corréisme, désormais sous le nom de Révolution Citoyenne (RC), a remporté la première place, avec 33,62 % des voix pour Luisa González. La deuxième place revient à Daniel Noboa, de l’Action démocratique nationale (ADN), avec 23,41 %. La troisième, à Christian Zurita, de Construye (qui a remplacé Villavicencio après son assassinat), avec 16,44 % des voix. Viennent ensuite Jan Topic (soutenu par le Parti social-chrétien, la Société patriotique et le Centre démocratique) avec 14,66 %, et Otto Sonnenholzner (de l’alliance Avanza-Suma) avec 7,06 %. Yaku Pérez, qui se présentait cette fois avec le soutien de l’Unité populaire, du Parti socialiste et de Democratie-Oui, n’obtient que 3,97 %. Xavier Hervas du mouvement Reto (droite néolibérale) et Bolívar Armijos du mouvement Amigo (centre) n’ont pas atteint 0,5 % chacun. L’ensemble des votes nuls et blancs est inférieur à 9 %.
Ces résultats signifient un changement substantiel par rapport aux élections tenues il y a seulement deux ans : la stabilité du populisme de Rafael Correa a été confirmée, on a assisté à une croissance notable des droites, à un déclin marqué de la gauche et à la quasi-disparition du centre.
Le corréisme
Le corréisme reste la minorité la plus importante, avec environ un tiers des votes valides (sans compter les votes nuls et blancs), un pourcentage presque identique à celui obtenu en 2021, lorsqu’il présentait Andrés Aráuz comme candidat. Le corréisme conserve sa force, mais son influence stagne et il n’a pas réussi à retrouver le poids qu’il avait lorsque Rafael Correa était le président-candidat. Pourtant, pendant la campagne, ils ont fait courir le bruit qu’ils étaient proches de remporter la présidence en un seul tour sur la base de certains sondages. Mais après l’assassinat de Villavicencio, leurs adversaires ont fait circuler d’autres sondages affirmant que Luiza González serait dans une spirale descendante, risquant même d’être exclue du second tour. Cependant, aucun de ces sondages ne semble s’être avéré exact. Ces sondages sont plus un instrument de propagande et de marketing politique que des enquêtes plus ou moins objectives.
Le corréisme a renforcé sa présence sur la côte équatorienne et regagné des positions dans certaines zones populaires, mais semble l’avoir perdue dans d’autres zones urbaines populaires, tant à Guayaquil qu’à Quito.
Avec une présence élargie, RC aurait obtenu près d’une cinquantaine de membres de l’Assemblée (6 nationaux et 43 provinciaux) constituant le plus grand groupe, mais loin des 71 représentants requis pour une majorité. RC a remporté au moins un siège dans 22 des 24 provinces (l’exception ce sont les provinces Napo et Pastaza), ses victoires les plus importantes étant à Guayas (8 sur 20 possibles), Manabí (5 sur 9), Pichincha (6 sur 16), Los Ríos (3 sur 6), Esmeraldas et Imbabura (2 sur 4 dans chacune d’entre elles).
Pour le corréisme, la situation est similaire à celle de 2021 : à l’époque également, il était arrivé en tête du premier tour avec un tiers des votes valides, tandis que Lasso était arrivé en deuxième position avec 20 %. Mais au second tour, le corréisme n’avait aucun moyen de rassembler suffisamment de voix pour remporter la présidence. Au contraire, l’anticorréisme – en particulier de droite – a servi de catalyseur pour le triomphe de Lasso. Comme on l’a vu presque immédiatement, il s’agit d’un triomphe dans des conditions de faiblesse, puisque la plupart des voix qu’il a obtenues étaient des voix contre Correa plutôt que des voix pour Lasso. Et cette faiblesse d’origine a créé les conditions de la crise politique qui a conduit à « la mort croisée » et à des élections anticipées.
Les droites
Les droites sont sorties triomphantes des élections, dans une configuration inhabituelle puisque les deux principales forces politiques de ces dernières années ont décidé de ne pas se présenter.
Le Parti social-chrétien (PSC) a annoncé son soutien à Topic, un candidat qui a fait campagne presque exclusivement sur la sécurité, se présentant comme un ancien soldat de la Légion étrangère française, apparaissant dans des vidéos avec des pistolets et des mitrailleuses et proposant une « main dure » pour lutter contre le trafic de drogue et la criminalité. Il a été rapidement soutenu par Sociedad Patriótica (de l’ancien président populiste néolibéral Lucio Gutiérrez) et Centro Democrático (CD), jusqu’à récemment allié au corréisme. Le mouvement Creando Oportunidades (CREO) du président Guillermo Lasso a décidé de ne pas présenter de candidats à la présidence ou à l’Assemblée.
Ainsi, l’espace de la droite a été laissé libre pour de « nouvelles » figures apparemment non partisanes. Jan Topic a été rejoint par Fernando Villavicencio, qui a axé son discours sur l’anticorréisme radical et la lutte contre la corruption, l’ancien vice-président de Moreno, Otto Sonnenholzner (soutenu par Avanza et Suma) et Daniel Noboa, sous l’acronyme ADN (Alianza Democrática Ecuatoriana, formée par Igualdad y Desarrollo, PID et MOVER, l’ancienne Alianza Pais, qui, après l’éclatement du correisme, a été laissée aux mains de Moreno).
Les candidats de droite à la présidence n’apparaissaient pas comme des représentants de leurs principaux partis et mouvements politiques (et ne l’étaient pas), mais de jeunes représentants de leur classe. Daniel Noboa est le fils du magnat Álvaro Noboa, l’un des plus grands exportateurs de bananes, et gérant ou administrateur de certaines de ses entreprises. Otto Sonnenholzner a été le vice-président de Lenin Moreno, ce qui a permis de sceller et de certifier l’alliance entre Moreno et les grands groupes d’affaires de Guayaquil. Il est le fils de l’homme d’affaires Ramón Sonnenholzner, propriétaire de médias et d’autres entreprises. Jan Topic est le fils de Miroslav Topic, un homme d’affaires spécialisé dans les télécommunications qui a bénéficié de contrats millionnaires sous le gouvernement Correa. S’il y a quelque chose de nouveau, c’est qu’il s’agit de la nouvelle génération d’oligarchies.
En 2021, les différentes candidatures de droite avaient obtenu 25 % des votes valides, mais lors de ces élections de 2023, elles ont grimpé à 61 %, obtenant des scores élevés dans tout le pays. Ces trois candidats se sont partagé la victoire dans les zones riches, qui ont choisi Sonnenholzner et Villavicencio. Ils ont triomphé parmi les classes moyennes, qui ont surtout préféré Noboa et Villavicencio. Mais ce qui est nouveau, c’est le nombre élevé de voix qu’ils ont obtenu dans les classes populaires, ce qui a surtout profité à Noboa.
Ils ont également obtenu un grand nombre de voix à l’Assemblée. Les partis de droite auront le deuxième bloc : Construye (le parti qui a parrainé Villavicencio/Zurita), avec 29 sièges, PAC avec 14 et ADN avec 13. Au total, les partis et mouvements de droite ont remporté 68 sièges à l’Assemblée (9 nationaux et 59 provinciaux) et ont obtenu au moins un siège dans 19 des 24 provinces. Ils seraient très proches de la majorité, mais il n’est pas certain qu’ils puissent former un bloc coordonné ou unifié.
Deux questions au moins se posent :
• D’une part, l’anticorréisme et la dichotomie populisme-droite continueront-ils à être le marqueur déterminant du comportement politique ? Si tel est le cas, la droite pourrait l’emporter à nouveau lors du second tour d’octobre.
• D’autre part, cette croissance rapide et généralisée de la droite sera-t-elle un épisode temporaire ou sommes-nous déjà confrontés à une tendance plus profonde ?
La gauche
Pour les forces de gauche, en revanche, il s’agit de la pire élection depuis 2013, lorsque Correa avait été élu au premier tour avec 57 % des voix, au plus fort de la vague de populisme. À l’époque, la gauche avait obtenu 3,27 % avec Alberto Acosta comme candidat. Cette fois, avec Yaku Pérez, elle obtient 3,97 %, mais avec un corréisme beaucoup plus faible. Le coup est d’autant plus fort si l’on tient compte du fait que Pachakutik avait obtenu un peu moins de 20 % aux élections présidentielles il y a deux ans, et qu’en février 2023 il a encore remporté un grand succès aux élections locales. Si en 2021, Pachakutik avait réussi à faire élire 27 membres à l’Assemblée, il n’en a plus que 5 (toutes des femmes indigènes : 4 de la Sierra, de Bolívar, Cañar, Chimborazo et Tungurahua, et une de l’Amazonie, de la province de Morona). On pourrait y ajouter les trois députés obtenus par la coalition qui a présenté la candidature de Yaku Pérez dans les provinces de Cotopaxi, Los Ríos et El Oro, ce qui porterait la gauche à 8 sièges, mais on ne sait pas si elle parviendra à conclure des accords.
Lors des élections aux assemblées provinciales, Pachakutik a perdu un peu plus de 686 000 voix par rapport aux élections de 2021, subissant un recul considérable dans toutes les provinces où il a présenté des candidats en 2021 et 2023, mais surtout à Pichincha (170 000), Azuay (106 000), Guayas (100 000) et Cotopaxi (66 000).
Ces données soulèvent au moins deux questions :
• Premièrement, qu’est-il advenu des voix obtenues par la gauche lors des élections générales de 2021 et des élections locales de 2023 ? Il semble que le caractère contingent d’une grande partie des voix obtenues n’ait pas été pris en compte. Les électeurs, en particulier dans les quartiers populaires urbains, n’ont pas exprimé un vote déjà consolidé, mais plutôt la recherche initiée par de larges secteurs de la population pour sortir du piège de la dispute entre le populisme et la droite, et pour rechercher une représentation politique plus indépendante. Cependant, après deux ans, la plupart de ces votes sont allés à la droite (pour la majorité d’entre eux) et au corréisme. Et ce changement s’est produit non seulement dans les centres urbains (vers la droite), mais aussi dans les zones où il y a une présence indigène (vers le corréisme).
• Deuxièmement, pourquoi cela s’est-il produit ? La défaite politique des gauches est d’autant plus significative qu’elle n’est pas exclusivement liée à une perte de voix aussi considérable, mais parce que, dans cette même période, se sont déroulées les deux plus grandes mobilisations sociales de ces vingt dernières années : octobre 2019 et juin 2022. Les gauches et les principaux mouvements sociaux ont donc été incapables de convertir ces grands efforts de mobilisation des classes subalternes en une force politique.
À cet aspect, sans doute le principal, il faut en ajouter d’autres. Contrairement au sens du vote reçu, les membres de l’assemblée Pachakutik ont fini par se fragmenter autour des tensions que leurs électeurs cherchaient à surmonter : un secteur collant au gouvernement et lui offrant la gouvernabilité et l’autre secteur subordonné aux initiatives du corréisme. Mais le problème existait déjà avant : plusieurs des députés arrivés sous la bannière Pachakutik n’étaient que des opportunistes ne répondant à aucune ligne politique ou idéologique et certains d’entre eux se sont présentés aux élections de 2023 sur les listes d’autres groupes.
Pour ne rien arranger, Pérez a annoncé sa désaffiliation de Pachakutik, exprimant son désaccord concernant l’accord parlementaire avec le gouvernement et la formation d’un nouveau mouvement politique. Ainsi, l’espace ouvert par les demandes sociales a de nouveau été laissé vide, d’autant plus qu’aucun effort n’a été fait pour maintenir le contact politique avec les secteurs populaires qui lui ont accordé leurs suffrages lors de deux élections consécutives.
Dans le même temps, les conflits au sein de Pachakutik et entre les directions de Pachakutik et de la Conaie se sont intensifiés. En raison de ces différends, le mouvement s’est retrouvé sans direction nationale reconnue par le Conseil national électoral et n’a pas pu enregistrer de candidats à la présidence et à l’assemblée nationale. Cette absence a été aggravée par un autre incident : lors de l’examen des pré-candidatures présidentielles, le président de la Conaie, Leonidas Iza, a été proposé comme candidat ; cependant, Iza a rapidement retiré sa candidature, invoquant l’absence de conditions pour une élection transparente. En conséquence, la direction de la Conaie est restée longtemps silencieuse sur les élections présidentielles et a décidé de voter exclusivement pour les candidats à l’Assemblée nationale. En même temps, elle a vu en Yaku Pérez son principal ennemi au lieu de se concentrer sur le danger de la droite et du corréisme. Entre l’un et l’autre, les masses sont restées sans orientation politique claire.
Mais si telle était la situation à Pachakutik, les choses n’ont pas été meilleures pour la candidature de Yaku Pérez. Il semble que l’image personnelle du candidat ait été utilisée pour soutenir une partie plus ou moins importante des votes obtenus en 2021, sans qu’aucune initiative majeure n’ait été prise depuis pour maintenir des liens politiques avec les électeurs de l’époque. D’autre part, la campagne a donné la priorité à la présence des organisations politiques de l’alliance, laissant clairement de côté les relations avec les organisations sociales, un fait que l’on a tenté de corriger dans les derniers jours de la campagne. De plus, le ton de la campagne était trop similaire à celui de deux ans plus tôt, sans tenir compte des nouvelles préoccupations de la population. Enfin, le passé immédiat des partenaires de l’alliance n’offrait pas une grande sécurité politique : en 2021, le parti socialiste a soutenu la candidature du libéral Montúfar et, lors des élections locales, il a présenté la candidature de Freile, une personnalité clairement à droite de l’échiquier politique, au point d’avoir coïncidé avec les initiatives de Vox concernant l’Amérique latine.
Le centre et les mouvements locaux
Le centre politique a également subi un revers lors des élections. L’ID a connu des vicissitudes similaires à celles de Pachakutik, se fracturant en une aile subordonnée au gouvernement et une autre subordonnée au corréisme. Hervas, son candidat aux élections présidentielles de 2021, n’a rejoint le parti qu’après les précédentes élections présidentielles, mais s’est désaffilié peu de temps après et s’est présenté cette fois-ci en tant que candidat de Reto. En interne, les contradictions de l’ID ont rapidement abouti à l’existence de deux directives nationales et à l’impossibilité de présenter des candidats au niveau national. Au niveau provincial, elle n’a pas non plus réussi à présenter des candidats dans plus de quelques circonscriptions et n’a remporté aucun siège, alors qu’elle avait obtenu 18 députés en 2021. Ainsi, sa renaissance il y a deux ans n’a été qu’un mirage en raison des limites politiques de sa direction et de ses dirigeants.
De leur côté, les mouvements politiques locaux continueront à être présents à l’Assemblée, mais dans une moindre mesure qu’en 2021. Ils disposent désormais de six sièges : un à Carchi, deux à Pastaza, un à Sucumbíos et deux à Santa Elena.
Consultations sur l’extractivisme
Parallèlement à l’élection du Président de la République et des membres de l’Assemblée, deux consultations populaires ont été organisées sur des questions environnementales :
• Une nationale, sur le blocage de l’exploitation des champs pétroliers Ishpingo, Tambococha et Tiputini (en abrégé ITT) du parc national Yasuní. La consultation sur le Yasuní a une longue histoire. Dans les premières années de son mandat, Correa a adopté un discours écologiste et a bénéficié du soutien de plusieurs organisations environnementales ; de cette proximité est née la proposition de laisser le pétrole sous terre dans une petite partie du parc national de Yasuní, une initiative qui visait à sensibiliser les gouvernements et les institutions internationales afin de générer un mécanisme de compensation qui indemniserait l’Équateur pour les ressources non perçues de l’exportation de ce pétrole. Mais Correa lui-même n’a jamais été très enthousiaste à l’égard de la proposition ; étant donné le retard de la réponse internationale, il a décidé de commencer l’exploitation dans la région. C’est ainsi que des groupes sociaux et des groupes de jeunes se sont regroupés au sein du collectif Yasunidos, qui a promu la proposition d’un référendum pour maintenir l’initiative, en obtenant un large soutien social. Mais le Conseil électoral de l’époque a frauduleusement annulé des centaines de milliers de signatures pour empêcher la tenue de la consultation. Après dix ans de procès, la Cour constitutionnelle a finalement décidé d’autoriser la tenue du référendum.
• La deuxième consultation populaire était locale, exclusivement dans le district métropolitain de Quito, pour interdire l’exploitation des mines de métaux dans la région andine du Chocó.
Dans les deux consultations, le « oui » l’a emporté avec une marge relativement large.
La consultation de Chocó a été subdivisée en quatre questions portant sur l’exploitation minière artisanale (68,04 % pour le oui à l’interdiction), l’exploitation minière à petite échelle (68,02 % pour l’interdiction), de l’exploitation minière à moyenne échelle (68,50 % pour l’interdiction) et l’exploitation minière à grande échelle (68,51 % pour l’interdiction).
Il s’agit sans aucun doute d’un résultat important dans la perspective d’un changement du modèle de développement économique, jusqu’à présent centré sur l’extractivisme, et qui a eu une résonance internationale. Mais il est également pertinent de soulever certaines questions.
Des changements dans la conscience sociale ? Les résultats montrent que des changements dans la conscience sociale des questions environnementales sont en cours, marquant un recul par rapport à l’équation « développementalisme et progrès égal pétrole » qui a dominé les attitudes depuis que l’Équateur a commencé à exporter du pétrole en 1973. Cependant, cela ne suffit pas pour proposer clairement une autre économie, sauf au sein des cercles écologistes. Une partie de la « zone grise » à cet égard est liée au fait que les consultations ont rencontré les mêmes difficultés que les élections présidentielles et législatives : la courte durée de la campagne n’a pas permis un débat plus large et plus approfondi. D’autre part, si le « oui » a gagné dans 22 des 24 provinces, il a perdu dans les provinces amazoniennes les plus directement touchées par l’exploitation pétrolière : à Sucumbíos, le « non » a obtenu 51,59 % des voix et à Orellana, 58 %.
Bien que la campagne en faveur du « oui » à la consultation de Yasuní ait été menée principalement par des groupes écologistes et des organisations indigènes, le débat entre les candidats à la présidence a montré que ceux-ci étaient assez proches de cette position ; Yaku Pérez a été celui qui l’a défendue le plus clairement, mais Daniel Noboa s’est également prononcé explicitement en faveur du « oui ». Les différences entre un écologisme capitaliste et un écologisme de gauche ou populaire n’ont pas été suffisamment claires dans la campagne, une indistinction qui a été favorisée par l’absence d’une discussion plus large avec les secteurs populaires.
Existe-t-il des conditions propices à la reprise de la mobilisation sociale dans les luttes environnementales ? Au cours des dernières années du corréisme et jusqu’à présent dans cette deuxième phase néolibérale, il y a eu d’importantes luttes sociales contre les concessions minières et pétrolières, liées avant tout à la défense de la terre et des sources d’eau. Les résultats de la consultation montrent-ils qu’il existe des possibilités de mobilisations nationales autour de ces conflits ? Dès que les résultats de cette élection ont été rendus publics, le gouvernement Lasso, par la bouche de son ministre de l’énergie, s’est empressé de déclarer qu’il ne respecterait pas les résultats, arguant que les populations directement concernées avaient exprimé leur opposition, et laissant au prochain gouvernement le soin de décider de respecter ou non la volonté exprimée dans les urnes. La déclaration a été rejetée par les groupes de défense de l’environnement, mais n’a pas encore suscité de réaction sociale plus large, même au niveau déclaratif.