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Guerre des microprocesseurs, lutte impériale pour la suprématie

par Ashley Smith
SAUL LOEB / AFP VIA GETTY IMAGES

Le nouveau livre de Chris Miller, Chip War : The Fight for the World’s Most Critical Technology, est le meilleur compte rendu de la rivalité entre les États-Unis et la Chine dans le domaine de la haute technologie. Miller est un universitaire de l’establishment, un défenseur de l’impérialisme américain et un partisan du capitalisme de libre marché. Chip War a reçu les éloges de l’establishment politique, patronal et militaire, allant de Larry Summers à Robert Kaplan et à l’amiral James Stavridis.
Il retrace le développement des micropuces dans le complexe militaro-industriel de Washington, le rôle central qu’elles ont joué dans la défaite de l’URSS pendant la guerre froide et leur importance dans le conflit inter-impérialiste qui oppose aujourd’hui Washington et Pékin. Malgré son parti pris systématique en faveur des États-Unis, cet ouvrage est indispensable à la gauche internationaliste pour comprendre le rôle central de la haute technologie dans la rivalité actuelle entre les États-Unis et la Chine.

 

Les microprocesseurs et le complexe militaro-industriel


Comme l’explique Miller, le capitalisme moderne, avec ses États et ses entreprises géantes, avait besoin d’une capacité de plus en plus grande pour « calculer les salaires, suivre les ventes, collecter les statistiques officielles et passer au crible les données sur les incendies et les sécheresses nécessaires à la tarification des polices d’assurance ». Ces tâches étaient initialement accomplies par de vastes armées de « calculateurs » humains.
La Seconde Guerre mondiale a poussé les grandes puissances à automatiser ces tâches. Mais les dispositifs mécaniques qu’elles ont conçus se sont révélés encombrants et imprécis. Les chercheurs de l’université de Pennsylvanie ont alors mis au point les premiers ordinateurs utilisant des tubes à vide, mais ces derniers étaient énormes, lents et peu fiables. Dans les années 1950, alors que la guerre froide s’intensifiait, un groupe d’ingénieurs pionniers de diverses entreprises et start-up telles que Texas Instruments et Fairchild Semiconductor ont conçu des circuits intégrés dans des puces en silicium pour remplacer les tubes à vide, ce qui leur a permis de fabriquer des ordinateurs beaucoup plus petits et plus fiables. Après le lancement du Spoutnik par Moscou, le Département de la Défense, par l’intermédiaire de son Agence pour les projets de recherche avancée (DARPA), s’est tourné vers ces entreprises pour développer des microprocesseurs et des ordinateurs pour les avions, les missiles et les vaisseaux spatiaux. Les entreprises ont construit de nouvelles usines pour fabriquer des ordinateurs pour tous ces appareils, depuis Apollo II jusqu’au missile Minuteman.
En 1965, le Pentagone et la NASA ont acheté près de 72 % de tous les circuits intégrés. Ainsi, l’État américain a stimulé l’essor des entreprises de haute technologie de la Silicon Valley et depuis lors les deux ont été étroitement intégrés, fusionnant la politique impérialiste, l’industrie capitaliste et l’armée.


 

Bénéfices, main-d’œuvre bon marché et mondialisation


Insatisfaites des limites des contrats gouvernementaux, les entreprises ont compris qu’elles pouvaient réaliser d’énormes profits dans le secteur en plein essor de l’électronique grand public, qui est rapidement devenu le principal acheteur des microprocesseurs. La concurrence pour les bénéfices et les parts de marché a stimulé l’innovation, les processus de production plus efficaces et la recherche d’une main-d’œuvre toujours moins chère. 
Ces entreprises se sont lancées dans une course pour trouver de nouveaux moyens d’intégrer davantage de circuits dans les microprocesseurs en silicium afin d’augmenter leur puissance de calcul. Gordon Moore, cofondateur de Fairchild et d’Intel, a prédit le doublement du nombre de circuits intégrés dans les puces tous les deux ans – c’est ce qu’on appelle la loi de Moore. Ils ont innové, avec des technologies de plus en plus complexes, pour un coût d’investissement de plus en plus élevé. Pour réduire les coûts de main-d’œuvre, ils ont construit des usines loin des bastions syndicaux des centres industriels traditionnels du pays et ont employé des femmes à des salaires peu élevés.
Leur quête d’une main-d’œuvre moins chère les a poussés à délocaliser leurs usines dans des pays asiatiques alliés des États-Unis, comme Hong Kong, Taïwan, la Malaisie, Singapour et la Corée du Sud. Ces pays rémunéraient les salariés – principalement des femmes – pour une fraction du coût de la main-d’œuvre américaine. Ainsi, observe Miller, « l’industrie des semi-conducteurs s’est mondialisée des décennies avant que quiconque n’ait entendu le mot, jetant les bases des chaînes d’approvisionnement centrées sur l’Asie que nous connaissons aujourd’hui ». L’État américain a encouragé cette internationalisation, y compris au Japon, son ancien ennemi de la Seconde Guerre mondiale, devenu son vassal dans la guerre froide. Washington voyait dans le développement d’une industrie électronique japonaise orientée vers le marché américain un moyen de lier ce pays, ainsi que d’autres États asiatiques, à son camp – contre la Chine de Mao et l’URSS.


 

Guerre du Vietnam et transformation de « la chaîne de la mort »


La guerre américaine au Vietnam a accéléré tous ces développements. La guerre terrestre ayant échoué, Washington s’est tourné vers les bombardements en tapis dans une tentative désespérée d’écraser la lutte de libération nationale. Mais leurs munitions guidées dépendaient toujours de tubes à vide et étaient donc peu fiables et imprécises. Pour « transformer la chaîne de la mort », les États-Unis ont passé un contrat avec Texas Instruments pour la fabrication de systèmes de guidage dotés de puces au lieu de tubes. Bien qu’elles soient beaucoup plus efficaces, elles n’ont pas réussi à vaincre les Vietnamiens. Néanmoins, comme le fait remarquer Miller avec insistance, « le Vietnam a été un terrain d’essai réussi pour les armes qui combinaient la microélectronique et les explosifs d’une manière qui allait révolutionner la guerre et transformer la puissance militaire américaine ».
Le succès de ces armes a contraint l’Union soviétique à créer sa propre Silicon Valley : Zelenograd. Mais, comme le note Miller avec suffisance, elle ne disposait pas du réseau dense d’entreprises à but lucratif qui était la source de l’innovation aux États-Unis et en était donc réduite à voler et à copier des puces. 
Bien que cela ait donné aux États-Unis l’avantage dans la course aux armements, Washington craignait que sa défaite au Vietnam ne conduise ses vassaux asiatiques à dériver dans l’orbite de la Chine et de l’URSS. Pour éviter cela, les États-Unis ont encouragé le développement continu de l’industrie de haute technologie dans toute la région. « De la Corée du Sud à Taïwan, de Singapour aux Philippines », écrit Miller, « la carte des installations d’assemblage de semi-conducteurs ressemblait beaucoup à une carte des bases militaires étatsunienne en Asie (…). À la fin des années 1970, au lieu de devenir des dominos basculant dans le communisme, les alliés de l’Amérique en Asie étaient encore plus profondément intégrés dans le système des États-Unis ».


 

Gagner la guerre froide tout en perdant la suprématie technologique


Les États-Unis ont intégré les avancées de l’industrie pour révolutionner leur armée et remporter la guerre froide. Dans les années 1970, William Perry, sous-secrétaire à la défense de l’administration Carter, a mis en œuvre une nouvelle « offset strategy » (stratégie de compensation industrielle) visant à améliorer la qualité et la précision des missiles du Pentagone afin de contrer l’arsenal quantitativement plus important de Moscou et de forcer cette dernière à tenter de suivre le rythme – une tentative ingagnable et insoutenable.
Cependant, les États-Unis ont rapidement été confrontés à une conséquence inattendue de l’internationalisation de la fabrication des microprocesseurs : la création de centres rivaux de l’industrie de haute technologie. L’État japonais a financé Sony, Nikon et d’autres entreprises qui ont augmenté leur part de marché au détriment des sociétés de la Silicon Valley. Dès 1986, le Japon produisait plus de microprocesseurs que les États-Unis et fabriquait 70 % des équipements de lithographie du monde, essentiels à la fabrication des puces électroniques. Les États-Unis étaient devenus dépendants du Japon au moment même où Tokyo semblait prêt à s’affirmer comme une grande puissance rivale. Mais ce n’est ni la première ni la dernière fois que l’État et le capital étatsuniens se sont réaffirmés face à un adversaire. Washington réduit les taux d’intérêt et les impôts et contraint le Japon (ainsi que d’autres pays) à accepter le « Reverse Plaza Accord », qui a dévalué le dollar. Les entreprises américaines ont ainsi pu obtenir des prêts bon marché et, grâce à la dépréciation du dollar, vendre leurs exportations à des prix compétitifs, voire inférieurs à ceux de leurs concurrents internationaux. Micron, Intel et d’autres en ont profité pleinement, rétablissant partiellement la domination technologique des États-Unis. Washington, par l’intermédiaire de la DARPA (Agence pour les projets de recherche avancée de défense) et de la NASA, les a aidés dans ce processus, en accordant des contrats à des start-up comme Quallcomm pour des systèmes de communication spatiale.
Le Japon et ses entreprises se sont rapidement retrouvés sur la défensive. Elles ont été concurrencées dans le haut de gamme par les entreprises américaines et dans le bas de gamme par l’émergence de fabricants des microprocesseurs dans des pays comme la Corée du Sud, qui a financé ses propres conglomérats, comme Samsung, les fabriquant à un coût bien inférieur à celui du Japon.
Parallèlement, la deuxième guerre froide de Reagan a contraint l’URSS à se lancer dans une course aux armements de haute technologie qu’elle n’avait pas les moyens de financer et ne pouvait pas gagner, notamment en raison de l’occupation de l’Afghanistan qui a duré une décennie. Finalement, son empire s’est écroulé en 1989 et l’Union soviétique elle-même s’est effondrée en 1991. Miller attribue la victoire des États-Unis à leurs prouesses technologiques, affirmant que « la guerre froide était terminée : la Silicon Valley avait gagné ».


 

Orgueil de Washington dans un contexte unipolaire


Les États-Unis sont entrés dans une nouvelle ère d’hégémonie inégalée : le moment unipolaire. Pour démontrer sa puissance, Washington a fait étalage de son armement de haute technologie lors de la guerre du Golfe de 1991, en lançant des missiles de croisière guidés avec précision et des bombes qui ont dévasté l’armée et l’infrastructure irakiennes, ramenant ce qui avait été une société relativement avancée à l’ère préindustrielle.
Miller applaudit cette barbarie, citant le New York Times qui déclarait que la guerre était un « triomphe du silicium sur l’acier » et un autre titre qui proclamait : « Le statut de héros de guerre est possible pour la puce électronique ». Triomphant, Washington a adopté une nouvelle stratégie impériale consistant à superviser l’économie mondiale en incorporant les États dans un ordre mondial néolibéral de mondialisation du libre-échange.
Les États-Unis ont utilisé le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, l’Organisation mondiale du commerce et les Nations unies pour faire respecter cet ordre, déployant leur armée pour procéder à des changements de régime contre les États dits voyous et mener des missions dites de maintien de la paix dans des pays comme Haïti, déchirés par les politiques du marché libre. Ils ont fait pression sur tous les États du monde pour qu’ils réduisent leur État-providence, réduisant le rôle du gouvernement à l’application des lois et des normes du capitalisme mondial.
Washington pensait que les entreprises des États-Unis pourraient conserver leur supériorité technologique grâce à la mondialisation et à l’innovation. Ils ont ignoré la gestion étatique de l’économie chinoise et l’ont accueillie au sein de l’Organisation mondiale du commerce, croyant naïvement que l’intégration dans le capitalisme mondial l’amènerait à adopter les normes du marché libre et à se démocratiser. Les multinationales se souciaient peu de ces subtilités et étaient plus intéressées par l’exploitation de la main-d’œuvre bon marché de la Chine et par l’accès à son marché.
Contrairement aux espoirs de Washington, la mondialisation a entraîné un déclin relatif de l’industrie technologique américaine. Les États-Unis ont conservé leur avance dans la conception des microprocesseurs, mais la fabrication est de plus en plus assurée par TSMC à Taïwan et Samsung en Corée du Sud. Et certains outils clés, comme la lithographie EUV (extrême ultraviolet), essentielle à la fabrication des puces haut de gamme, sont désormais fabriqués par ASML aux Pays-Bas.
En conséquence, explique M. Miller, « les usines américaines fabriquaient 37 % des microprocesseurs du monde en 1990, mais ce chiffre est tombé à 19 % en 2000 et à 13 % en 2010 ». La plupart des usines dont dépendaient les États-Unis se trouvaient dans des pays asiatiques, à proximité de la Chine, qui devenait rapidement un rival des États-Unis.


 

Assaut de la Chine sur la forteresse technologique de Washington


Washington a ignoré ces problèmes jusqu’à ce que l’essor économique de la Chine, combiné à la grande récession et aux défaites américaines, en Irak puis en Afghanistan, conduise à son déclin relatif en tant que superpuissance. Les États-Unis restent la puissance mondiale dominante, mais désormais dans un ordre mondial multipolaire asymétrique où ils sont confrontés à la Chine et à la Russie en tant que rivaux impériaux, ainsi qu’à une multitude de puissances régionales qui s’affrontent entre elles.
Alors que la Chine est devenue la deuxième économie mondiale, elle reste dépendante des États-Unis et de leurs alliés pour les puces électroniques. « Pendant la majeure partie des années 2000 et 2010 » – observe Miller – « la Chine a dépensé plus d’argent pour importer des semi-conducteurs que pour du pétrole. Les puces informatiques de haute puissance étaient aussi importantes que les hydrocarbures pour alimenter la croissance économique de la Chine. Toutefois, contrairement au pétrole, l’offre de puces est monopolisée par les rivaux géopolitiques de la Chine ».
En 2015, Xi Jinping a fixé l’objectif pour la Chine de surmonter cette dépendance. Dans un discours stupéfiant cité par Miller, Xi a exhorté les cadres chinois du secteur technologique et les responsables du parti à « prendre d’assaut les fortifications de la recherche et du développement des technologies de base ». Il a lancé des projets tels que Chine 2025, qui subventionnent les champions nationaux de la haute technologie et les producteurs de puces, dans le but de réduire la part des puces importées dans le pays de 85 % en 2015 à 30 % d’ici à 2025.
Xi a encouragé les entreprises chinoises à former des joint-ventures avec des multinationales comme IBM et Qualcomm à condition qu’elles acceptent de transférer leur technologie en échange d’un accès au marché chinois. Il a également incité les entreprises à racheter ou à fusionner avec des sociétés de haute technologie en Asie, en Europe et aux États-Unis.
Le résultat de ces efforts est que la Chine a construit un écosystème de haute technologie comprenant des entreprises telles que Huawei, qui a commencé à concevoir certaines des puces les plus avancées au monde pour les téléphones intelligents, est devenue le deuxième client de TSMC (Taiwan) et a été le pionnier de la prochaine génération d’infrastructures de télécommunications (la 5G) qu’elle a prévu de vendre à des pays du monde entier.
« Si les tendances de la fin des années 2010 sont maintenues », affirme Miller, « d’ici 2030, l’industrie chinoise des puces pourrait rivaliser avec la Silicon Valley en termes de rayonnement. Cela ne se limiterait pas à perturber les entreprises technologiques et les flux commerciaux. Cela remettrait également en cause l’équilibre des forces militaires ».


 

L’Empire contre-attaque


L’establishment de Washington s’est rendu compte qu’il avait subi un déclin relatif, qu’il était devenu dépendant de Taïwan et de la Corée du Sud pour ses puces, et qu’il devait faire face à la Chine comme à un rival doté d’une industrie de haute technologie de plus en plus sophistiquée et profondément intégrée à son armée. Même les cadres du secteur technologique disaient en privé, écrit Miller, « craindre que les concurrents chinois soutenus par l’État ne s’emparent de parts de marché à leurs dépens ».
C’est ainsi qu’un nouveau « Washington Silicon Valley Consensus » s’est développé à l’encontre de la Chine. Les trois dernières administrations présidentielles sont passées d’une stratégie d’engagement avec la Chine à une stratégie d’endiguement de la montée en puissance de la Chine, en particulier dans le domaine de la haute technologie. Pour reprendre l’expression pertinente des politologues Henry Farrell et Abraham Newman, les États-Unis ont « militarisé l’interdépendance » en ciblant la dépendance de la Chine à l’égard des microprocesseurs étrangers.
Dans le cadre de son « pivot vers l’Asie », l’administration Obama a interdit en 2016 aux entreprises américaines de vendre des semi-conducteurs à la société chinoise ZTE, au motif que celle-ci avait violé les sanctions contre l’Iran. Seul un accord avec le président Donald Trump, prévoyant le paiement d’une amende pour retrouver l’accès aux fournisseurs américains, a permis à l’entreprise d’éviter la faillite totale, mais l’interdiction était un signe avant-coureur.
L’administration Trump, qui a réorienté l’impérialisme américain de la « guerre contre le terrorisme » vers la rivalité des grandes puissances avec la Chine et la Russie, a ciblé l’industrie technologique de Pékin, en particulier Huawei. En invoquant la sécurité nationale, le département du commerce a interdit aux entreprises américaines de vendre des puces, du matériel et des logiciels à l’entreprise.
Rapidement, d’autres entreprises et alliés des États-Unis ont compris et ont commencé à suivre le mouvement. La société taïwanaise TSMC est entrée dans le rang, tout comme la Grande-Bretagne et d’autres pays, limitant l’accès aux puces haut de gamme et sabotant les tentatives de conquête du marché de la 5G. Les États-Unis ont ensuite mis sur liste noire les fabricants chinois de superordinateurs Sugon et Phytium et ont imposé des restrictions à SMIC, leur fabricant de microprocesseurs le plus avancé.
 

« Guerre des puces » de Biden


L’administration Biden a poursuivi la stratégie de Trump en matière de rivalité entre grandes puissances, mais a abandonné ses tactiques unilatérales au profit de tactiques multilatérales. Elle a maintenu les droits de douane et les interdictions frappant les entreprises chinoises et les a assortis d’une nouvelle politique industrielle visant à rétablir la production nationale de haute technologie et à investir dans la recherche et le développement de microprocesseurs.
Lors d’un discours prononcé en 2021 à la Maison Blanche devant des chefs d’entreprise, Joe Biden a déclaré : « Pendant trop longtemps, en tant que nation, nous n’avons pas fait les investissements importants et audacieux dont nous avions besoin pour devancer nos concurrents mondiaux ». Brandissant une plaquette de silicium, il a reproché aux patrons réunis d’avoir « pris du retard en matière de recherche et développement et de fabrication (…). Nous devons passer à la vitesse supérieure. »
Afin d’inverser la tendance à la disparition des usines nationales, Joe Biden a conclu un accord avec TSMC pour la construction d’une usine de 40 milliards de dollars en Arizona. En échange d’allégements fiscaux, Samsung devrait débourser 191 milliards de dollars pour construire 11 nouvelles usines au Texas. Le « Chips and Science Act » de l’administration injectera 280 milliards de dollars dans le financement de nouvelles usines et de nouveaux travaux de recherche et de conception dans le domaine des puces spécialisées, de l’intelligence artificielle et de la robotique.
Même si TSMC (Taïwan) et Samsung (Corée du Sud) construisent des usines aux États-Unis, ils ne veulent pas devenir de simples pions de Washington et construisent en même temps des usines en Chine. Mais aucune de ces usines n’est aussi avancée que celles de leur propre pays. Les deux États protègent leurs industries tout en jouant l’un contre l’autre les deux grandes puissances.
Pour les contraindre, Joe Biden augmente le nombre d’entreprises chinoises sur la liste noire afin d’empêcher le partage de la technologie. Comme Trump, il utilise la sécurité nationale comme alibi pour inciter les entreprises d’autres pays à faire de même, afin d’empêcher la Chine d’accéder aux microprocesseurs, aux outils de fabrication et aux usines les plus avancés.
Cette offensive ne fait qu’accélérer la volonté de la Chine d’établir sa propre industrie des microprocesseurs. La tentative de Washington de fermer l’accès de la Chine à TSMC exacerbe le conflit entre les États-Unis et la Chine au sujet de Taïwan, que Pékin considère comme une province renégate tandis que les États-Unis l’arment pour dissuader toute tentative chinoise de s’en emparer et de verrouiller l’hégémonie américaine sur l’Asie-Pacifique et son industrie technologique.
Ainsi, comme l’affirme Miller, « Taïwan n’est pas seulement la source des microprocesseurs avancés sur lesquelles les armées des deux pays misent. C’est aussi le champ de bataille le plus probable ». Avec l’escalade des tensions, les analystes du gouvernement chinois « ont publiquement affirmé que (…) “nous devons nous emparer de TSMC” ». […]

 

Nous publions ici un large extrait de l’article intitulé « Biden’s Chip War With China Is an Imperial Struggle for High-Tech Supremacy » qui a été publié en anglais le 28 février 2023 par Truthout : https://truthout.org/articles/bidens-chip-war-with-china-is-an-imperial-struggle-for-high-tech-supremacy/
(Traduit de l’anglais par JM).

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Auteur·es

Ashley Smith

Ashley Smith est un journaliste militant socialiste qui vit à Burlington, dans le Vermont (États-Unis). Il a écrit dans de nombreuses publications, dont Truthout, International Socialist Review, Socialist Worker, ZNet, Jacobin, New Politics, Spectre et bien d’autres publications en ligne et imprimées (et Inprecor a repris ses articles à plusieurs reprises). Il travaille actuellement sur un livre pour Haymarket Books intitulé Socialism and Anti-Imperialism