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Nous condamnons l'autoritarisme meurtrier et raciste contre les réfugiés syriens

par
Liban

Le vendredi 30 juin 2017 à l'aube, une faction de l'armée libanaise a attaqué les deux camps de réfugiés syriens de Nawar et Qareiah dans la ville d'Arsal, village sunnite de la vallée de la Bekaa, lors de ce qui a été officiellement désigné comme un " raid préventif » de recherche de " terroristes » basés dans le camp.

Synthèse et articles Inprecor

Plusieurs personnes ont été tuées, parmi lesquelles un enfant, et plusieurs soldats ont été blessés par un attentat-suicide dans les camps. Vint ensuite l'arrestation de plus de 350 réfugiés syriens sur la base de leur lien potentiel présumé avec des organisations " terroristes ». Peu de temps après, des photos des prisonniers, détenus dans des conditions inhumaines et soumis à la torture et à l'humiliation, ont circulé dans la presse.

L'armée a également annoncé le mardi 4 juillet 2017 que " quatre Syriens arrêtés lors des raids dans les camps une semaine plus tôt, vendredi 30 juin, sont morts en détention à la suite de " maladies chroniques et des conditions climatiques » ».

Pourtant les images diffusées dans les réseaux sociaux montrent clairement les hématomes, les blessures et les effets de la torture sur les corps des victimes.

Un doute supplémentaire est jeté sur la déclaration de l'armée à propos des circonstances qui ont conduit à la mort des détenus du fait de la pression exercée sur les familles des victimes pour enterrer les corps immédiatement, sans accès à des avocats ou à des médecins légistes, sans même pouvoir photographier les défunts.

En outre, l'Intelligence Militaire est intervenue le 7 juillet pour suspendre une décision judiciaire prononcée par le juge des Affaires Urgentes à Zahle, autorisant l'examen d'échantillons provenant des autopsies. Le personnel du renseignement militaire a confisqué les pièces à conviction détenues par l'avocat des familles des victimes, ce qui est un cas clair d'obstruction judiciaire par les tribunaux militaires afin de restreindre l'accès à des pièces à conviction à des civils dont il n'a pas été montré de façon conclusive qu'ils étaient en lien avec des groupes terroristes.

Cette attaque contre des réfugiés syriens n'est pas la première du genre. Elle constitue le franchissement d'un seuil dangereux dans le cadre d'une campagne raciste organisée contre les populations réfugiées par les partis de la classe dirigeante, qui utilisent différents organes de l'État libanais pour imposer des couvre-feux, fermer la frontière à ceux qui fuient la guerre en Syrie et les priver de leur droits les plus fondamentaux, universellement garantis par le droit international. En outre, la Sécurité Générale a imposé des conditions impossibles au renouvellement des titres de séjour depuis le début 2015. Ces conditions visent uniquement à transformer les réfugiés en étrangers illégaux, ce ce qui facilite leur exploitation et l'augmentation de la précarité de leurs conditions de vie. Cette politique de limitation de la mobilité a été accompagnée de rafles, d'expulsions et d'arrestations arbitraires au cours des deux dernières années, ainsi que de la menace permanente du rapatriement forcé dans un pays encore en guerre.

Pour compléter cette campagne raciste, divers ministères libanais ont utilisé les réfugiés comme boucs émissaires dans une tentative ratée de cacher leurs manquements en ce qui concerne la collecte des ordures, l'approvisionnement en électricité et en eau, l'accès à la santé et à l'éducation, la lutte contre la pollution atmosphérique.

Cette approche est similaire à celles du régime Baas en Syrie et du régime Sissi en Egypte. Sous prétexte de " guerre contre le terrorisme », ces régimes utilisent des slogans patriotiques et renforcent la répression contre les groupes les plus vulnérables de la société, en affirmant qu'ils sont la cause principale des problèmes économiques dans le but de détourner vers une lutte contre les réfugiés la lutte des citoyens nationaux qui luttent pour les droits, pour les services publics et les libertés.

En prolongeant la guerre contre les réfugiés, les partis de la classe dirigeante visent à renforcer leur contrôle au Liban et à regagner un soutien populaire, perdu du fait de politiques corrompues, du règne des banques et de la mise à mal de ce qui reste de l'Etat providence et des services publics.

Les groupes fondamentalistes jouent un rôle complémentaire à celui joué par les autorités dans la guerre contre les réfugiés et les marginalisés. Après avoir piétiné les aspirations du peuple syrien et leurs espoirs de liberté et de dignité, ces groupes utilisent à présent les réfugiés comme boucliers humains et les camps comme plate-forme pour leur propagande religieuse réactionnaire.

La rhétorique officielle qui soutient l'armée est déjà hégémonique. Les partis de la classe dominante affirment leur soutien et leur préoccupation envers l'armée, en exprimant dans leurs discours l'espoir que la question des soldats enlevés dans les environs d'Arsal sera résolue, tout en négligeant de mentionner comment le régime libanais de 1990, où figuraient les mêmes politiciens, a abandonné les soldats et civils libanais qui furent détenus et torturés par l'armée syrienne lors de son invasion de la partie du territoire libanais qui se trouvait sous le contrôle du général Michel Aoun.

Les zélateurs de la défense de l'armée devraient commencer par exiger de savoir où se trouvent les personnes détenues dans les prisons du régime syrien, tout comme ils voulaient exiger la libération des personnes détenues par le Front Al Nosra dans le cadre de l'accord négocié par l'État libanais et le régime syrien en décembre 2015. Qu'ils exigent d'abord que la grille salariale pour le personnel militaire et les fonctionnaires soit approuvée par le gouvernement.

Toutes ces violations se produisent sous l'œil attentif des organisations des Nations Unies, en particulier du HCR, qui a été à l'avant-garde de l'érosion des droits des réfugiés et qui a permis, intentionnellement ou non, la détérioration des conditions de vie des réfugiés, lesquels sont de plus en plus privés de protection et de soutien humanitaire, et tombent de plus en plus en-dessous du seuil de pauvreté. Le soutien destiné aux réfugiés est pillé par un large éventail d'individus, d'ONG et d'institutions autoritaires sous la prétendue supervision d'institutions internationales.

Dans ce contexte, et maintenant plus que jamais, nous avons besoin de solidarité. Nous vous appelons donc, Libanais, Syriens et Palestiniens, et ceux de toutes les nationalités (ou d'aucune), à se solidariser avec les réfugiés et à être unis dans l'opposition à la répression policière à laquelle nous assistons et dans l'opposition aux rafles humiliantes, aux détentions arbitraires, aux intimidations et aux meurtres. Unissons-nous contre le terrorisme, tous les terrorismes, et surtout contre le terrorisme d'État. Nous exigeons :

— Une enquête transparente et indépendante pour révéler les circonstances qui ont entraîné la mort de détenus, ce qui mérite la condamnation la plus sévère.

— Que la responsabilité de tous ceux qui sont impliqués dans la torture, les abus et les meurtres soit exposée publiquement.

— La publicité du sort des détenus restants, qui ont été arrêtés arbitrairement, ainsi que leur libération et qu'une compensation pour leurs souffrances leur soit donnée.

— Que la question des réfugiés soit protégée de la manipulation et de l'exploitation politiques et que soit mis un terme aux solutions militaires à la crise des réfugiés.

— L'abolition de toutes les politiques racistes contre les réfugiés, ainsi que toutes les manœuvres politiques, militaires et économiques visant à les obliger à repartir, contre leur volonté, la fin des massacres et meurtres brutaux du régime syrien, qui sont accompagnés d'un silence criminel et suspect tant au niveau régional qu'au niveau international.

Le Forum Socialiste regroupe au Liban les socialistes internationalistes. Il a été construit à l'initiative des militants libanais de la IVe Internationale et de la Tendance socialiste internationaliste (IST, dont le Socialist Workers Party britannique est la principale organisation)

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