Revue et site sous la responsabilité du Bureau exécutif de la IVe Internationale.

Ce que nous sommes et pourquoi nous luttons

par
De par leur appartenance à la IVe Internationale, les deux organisations qui se retrouvent ont en commun socle, références programmatiques et orientations stratégiques. Mais avec la nouvelle organisation, nous voulons véritablement réaliser un nouveau départ qui laisse derrière nous certaines faiblesses du passé. En même temps, nous voulons inviter les forces qui peuvent se retrouver dans ce qui est développé ici à engager un processus de discussion et de rapprochement dans nos secteurs d'intervention communs. Notre objectif à long terme est d'œuvrer avec opiniâtreté au dépassement de l'état actuel des forces révolutionnaires et anticapitalistes, et de faire notre possible pour contribuer à leur rapprochement et à leur regroupement.

Synthèse et articles Inprecor

Ce qui nous définit politiquement

Nous sommes pour :

• les droits démocratiques, les libertés publiques, contre la surveillance généralisée (aussi sur internet) ;

• une rupture révolutionnaire avec le capitalisme, pour le remplacement de l'État bourgeois par l'auto-administration des producteurs et productrices ;

• dans les pays maintenus dans la dépendance, la transcroissance des luttes démocratiques et nationales en luttes révolutionnaires anticapitalistes ;

• un socialisme démocratique fondé sur la propriété socialisée des moyens de production, l'auto-organisation des travailleurs et travailleuses, l'autodétermination des peuples et la garantie des libertés publiques, la séparation des partis et de l'État ;

• le pluralisme des partis et la multiplicité des tendances ;

• l'extension des formes d'auto-organisation et le respect des droits et règles démocratiques dans les luttes ;

• la lutte contre toutes les bureaucraties (qu'elles soient de type stalinien, social-démocrate, syndical, nationaliste ou autre) qui dominent les organisations de masse ;

• la libération des femmes et un mouvement autonome des femmes ;

• la libération des homos, des lesbiennes, des bisexuel.le.s, des transgenres et des queer, tout comme nous combattons toute forme d'oppression sexuelle ;

• le respect du droit à l'autodétermination et à l'indépendance des peuples opprimés ;

• la lutte contre le racisme et toutes les formes de chauvinisme ;

• la séparation de la religion et de l'État, le combat contre les fondamentalistes religieux ;

• la défense de l'environnement d'un point de vue anticapitaliste et antibureaucratique ;

• un internationalisme actif et une solidarité internationale anti-impérialiste, la défense des intérêts des travailleurs dans chaque pays sans exception, sans sectarisme et subordination à des considérations utilitaires ou diplomatiques ;

• la construction de partis révolutionnaires, prolétariens, féministes et démocratiques composés de membres actifs, dans lesquels les droits à l'expression libre et à la formation de tendances soient reconnus et protégés ;

• la construction d'une internationale révolutionnaire, d'une internationale de masse pluraliste.

C'est pour réaliser ces objectifs que nous adhérons à un regroupement international d'organisations marxistes-révolutionnaires de différents pays. Nous avons en commun la conviction qu'il faut unir nos forces pour être en capacité de jouer un rôle déterminant dans la lutte des classes de chacun des pays, qui puisse mener à la victoire du socialisme. Le développement de ses sections nationales, c'est le moyen par lequel la IVe Internationale cherche à atteindre son but émancipateur, car dans le cours d'une révolution, une organisation internationale ne peut remplacer l'action d'une section nationale ni agir à sa place.

C'est justement parce que, sans nous faire violence, nous avons pu nous retrouver sur cette base programmatique, qu'au cours du processus qui a conduit à la fusion il est apparu nettement que cette unification aurait dû être à l'ordre du jour depuis déjà un bon moment. Et nous voulons aussi souligner ici qu'avec d'autres forces, qui n'ont pas participé à ce processus de rapprochement, mais avec lesquelles nous collaborons souvent de façon très satisfaisante, nous voyons beaucoup de points communs qui justifieraient un cheminement politique et organisationnel commun, et même le font apparaître comme indispensable. Car nous ne voulons pas donner l'impression qu'avec cette nouvelle formation nous ne voyons plus pour une longue période d'autres possibilités de recomposition, que les opportunités de regroupement seraient fermées.

Les points suivants ont pour objet de préciser plus nettement ce qui fait notre identité.

Recomposition de la gauche

Avec la chute du Mur, il y a eu pour nous un changement de paradigme : une critique du stalinisme n'a plus à se confronter à l'existence de l'Union soviétique, mais à une façon de faire de la politique sans projet émancipateur qui a survécu au stalinisme. Il faut rompre avec cette conception et ces pratiques si nous voulons trouver une réponse internationaliste et écosocialiste au capitalisme mondialisé.

Notre identité ne se nourrit plus seulement du label " trotskiste ». Nous nous considérons aujourd'hui comme un courant organisé internationalement qui cherche à contribuer à la reconstitution de la conscience de classe politique et à la formation d'un parti de masse anticapitaliste, en maintenant le cap sur la construction de partis révolutionnaires dans chacun des pays, et aussi d'une internationale révolutionnaire.

Il faut ajouter que nous avons une assez haute conscience de nous-mêmes pour affirmer : ce que nous avons à apporter dans ce processus est d'importance. Mais cela ne va pas sans reconnaître que nous n'avons pas de réponses toutes prêtes à toutes les questions. Les acquis de nos discussions et évolutions idéologiques, notre bilan du XXe siècle, ne sauraient tenir lieu de modèles utilisables pour élaborer la politique révolutionnaire " correcte » qu'il nous faut aujourd'hui. C'est pour cela que nous sommes prêts à apprendre des autres.

C'est dire que la défense de nos idées n'est pas pour nous une voie à sens unique mais un échange avec les autres composantes de la gauche radicale sur un plan d'égalité. Cela nous différencie des groupes et organisations qui tirent leurs références à la même source que nous, mais qui falsifient cette tradition dans un sens doctrinaire et sectaire et finalement la discréditent. C'est pourquoi, dans un certain sens, être militant-e chez nous n'est pas " un long fleuve tranquille » : nous ne voulons ôter à personne la charge de la réflexion critique indépendante et, bien plus, nous recherchons des gens avec lesquels nous pouvons réfléchir ensemble sur les leçons du passé et leurs liens avec les défis d'aujourd'hui. Nous voulons favoriser la créativité et l'initiative.

Synthèse et articles Inprecor

De notre point de vue, tous les partis et organisations actuelles, petites ou grandes, la nôtre comme les autres, ne sont que des phénomènes provisoires qui, dans le meilleur des cas, peuvent jouer un rôle positif dans la construction du futur parti révolutionnaire et de l'internationale, au sens de l'organisation de la partie la plus consciente d'un mouvement dans les luttes de classes et les mouvements sociaux à visée émancipatrice.

Terrain inconnu

Partout où c'est possible, nous défendons des formes d'organisation susceptibles de transformer des luttes d'entreprise ou des combats localisés en conflits qui concernent l'ensemble de la société (par exemple lorsque nous mettons l'accent sur la portée générale de grèves ou d'accords de branches). Nos militant-e-s sont actifs dans des secteurs très variés - pas seulement dans les syndicats, dans la gauche syndicale, dans des mouvements sociaux et des associations de formation de divers types - mais aussi dans des tentatives de regroupements assez larges qui œuvrent à la recomposition de la gauche radicale.

Où que ce soit, quand nous sommes avec d'autres dans des initiatives locales, des comités ou des coordinations pour agir ensemble sur un ou plusieurs points, nous militons selon les principes suivants :

• Nous prenons en compte le niveau de conscience de celles et ceux qui sont engagés dans cette lutte et nous cherchons à réaliser l'unité la plus large ;

• Nous mettons l'accent sur l'autonomie de celles et ceux qui se battent - même par rapport à leur propre organisation - pour permettre le développement de tous les types d'organes, même embryonnaires, susceptibles de disputer aux appareils dominants le droit à l'initiative et au contrôle ;

• Nous défendons la démocratie dans les mouvements et les organisations ;

• Nous cherchons à développer la conscience que la base de toute richesse, ce sont les forces de la nature, et que leur protection et leur préservation valent plus que le profit ;

• Nous sommes pour un ordre mondial solidaire, pour la solidarité avec les opprimé-e-s et les exploité-e-s et pas avec les gouvernements, nous élaborons des perspectives de lutte qui dépassent le cadre de l'État national ;

• Nous insistons sur la nécessité de la rupture avec le capitalisme.

Un travail sérieux dans plusieurs associations ou comités limite naturellement le temps et l'énergie disponibles pour travailler dans son organisation politique, et peut même le cas échéant être à l'origine de phénomènes d'éloignement de sa propre organisation.

Ce n'est cependant pas en se tenant à distance de ces structures que le problème peut trouver sa solution. Car alors nous aurions affaire à un problème bien plus oppressant : l'illusion que des organisations révolutionnaires peuvent aujourd'hui être construites pour ainsi dire " sous vide », sans qu'il y ait de contact étroit avec les processus de politisation larges. Cela mène à échafauder des mondes illusoires, à une culture du " comme si », aux petits groupes qui jouent à être des partis, au propagandisme pur et à une méséducation ; toute l'activité des militants étant consacrée uniquement à ce qui permet la reproduction à l'identique de cette organisation et de son petit appareil, elle tournera plus ou moins à la secte.

Malgré le fait que nous sommes actifs dans différents secteurs et mouvements et qu'il y ait chez nous de l'espace pour des pratiques différentes, nous en discutons ensemble régulièrement et nous essayons de les relier entre elles. C'est avec une méthode commune - celle du marxisme révolutionnaire - que nous nous efforçons de comprendre la réalité, nous mettons nos expériences en commun et nous en tirons le bilan. C'est ainsi que nous organisons et préservons une sorte de " mémoire collective ».

Développer la conscience

Les mouvements peuvent énormément grossir pendant un temps, comme c'est le cas contre la destruction de l'environnement. Les mouvements antiguerre connaissent des hauts et des bas. La plupart des mouvements de protestation est instable. Au bout d'un moment ils se désintègrent ou ils sont aspirés par les partis. C'est ce que nous avons connu avec les Grünen (Les Verts), qui n'ont mis que quelques années à abandonner leur opposition au système et y ont pris leurs aises (par exemple dans les parlements et les ministères). L'envie de lutter, sentir qu'on peut le faire, qu'on a la force qu'il faut pour cela, connaît des fluctuations. Ceux et celles qui, même en dehors des phases de montée des grands mouvements, restent actifs et réfléchissent à ce qu'il faudrait faire pour que la prochaine vague puisse mener au succès sont l'avant-garde des mouvements d'émancipation. Nous sommes convaincus que le rapport de l'organisation aux mouvements et réciproquement doit toujours être un rapport d'indépendance. De même, l'indépendance totale et la séparation de notre organisation des institutions de l'État et des entreprises est la condition première de notre autonomie.

Nous ne cachons pas nos convictions. Nous sommes convaincu-e-s que des socialistes révolutionnaires ne pourront parvenir à établir leur crédibilité que lorsque, au cours de grands mouvements, ils seront capables de faire en sorte que la majorité de la population fasse siennes des revendications concrètes. Il est hors de question qu'ils se comportent, tant à l'égard d'autres organisations et mouvements que d'individus particuliers, d'une façon qui les instrumentalise. Nous ne pourrons convaincre des hommes et des femmes de prendre place dans notre organisation que si notre propre comportement est en accord avec nos buts à long terme. Beaucoup de gens craignent d'entrer dans une organisation parce qu'ils ou elles ont peur d'abandonner leur liberté personnelle. Alors ils/elles choisissent plutôt de travailler dans des comités de base ou des " collectifs affinitaires ». En y entrant, on n'a pas d'obligations, mais de fait on est aussi inorganisé, car il n'y a pas d'accord politique durable, et ces structures se dissolvent tôt ou tard. Souvent, elles ne sont même pas démocratiques, parce que les décisions y sont prises par quelques activistes ou par des cliques.

Même en période révolutionnaire, sans le rôle dynamisant d'une organisation révolutionnaire, le potentiel énorme d'un mouvement de masse impétueux risque de faire long feu. Mais on ne peut gagner une place à sa direction en autoproclamant sa légitimité, ni même par des moyens administratifs. Cela n'est possible que politiquement, c'est-à-dire par la conviction, démocratiquement. Nous convainquons par notre engagement personnel et collectif et nous ne cherchons pas à dicter leur conduite aux autres.

Comprendre la nécessité d'une rupture révolutionnaire n'est pas aujourd'hui une chose très répandue en dehors de la gauche radicale, même par celles et ceux qui n'ont pas grand-chose ou rien du tout à perdre dans le cadre de ce système. C'est pourquoi nous considérons la participation à la reconstruction d'une conscience de classe politique combative comme l'une de nos tâches principales. Par suite de l'offensive victorieuse du capitalisme néolibéral, elle a connu un recul énorme. La grande majorité de la population, de la classe de celles et ceux qui dépendent d'un salaire pour vivre, a perdu la notion d'un projet qui lui soit propre. Les tentatives d'imaginer comment on pourrait faire autrement sont reçues par un scepticisme généralisé, on ne veut plus se laisser embarquer par quelque " idéologie » que ce soit, la question du pouvoir semble hors de portée. Nous avons cela présent à l'esprit quand nous nous engageons dans des débats ou que nous faisons des propositions d'action. Dans nos publications, nous tenons compte du niveau de connaissance et de conscience des personnes à qui nous nous adressons. Nous voulons établir un pont entre leurs souhaits et leur ressenti immédiat et les objectifs stratégiques de conquête du pouvoir politique par la classe des salarié-e-s.

La conscience politique est multiple. La conscience révolutionnaire n'est le fait, en période " normale » de la lutte de classes, que d'une petite minorité de la population. La lutte sans merci contre le système en place et la rupture radicale avec les modes de comportement marqués par la concurrence capitaliste exigent, en des temps non révolutionnaires, un haut niveau de conviction politique et d'engagement individuel. Celui qui reste seul ne pourra en règle générale préserver ses convictions qu'au prix des plus grandes difficultés. Les phases de recul de l'activité de classe poussent la plupart des gens à abandonner les idéaux révolutionnaires de leur jeunesse.

Ce n'est pas la moindre des raisons pour laquelle il est vital pour une organisation révolutionnaire de gagner continuellement de nouveaux jeunes si elle veut échapper au danger de s'encroûter dans la routine et de ne pas être capable d'aborder correctement les situations nouvelles. Même la conscience socialiste non révolutionnaire est aujourd'hui peu répandue en République fédérale d'Allemagne. Il y a peu d'exemples d'engagement actif pour une transformation révolutionnaire. Pour autant, les membres de la gauche radicale peuvent constituer un chaînon important parmi tout ce qui vise à débarrasser de larges couches (particulièrement dans le domaine syndical) de l'emprise d'une conception qui ne connaît que des partenaires sociaux, et pour les amener vers une politique de confrontation.

Comment nous nous organisons démocratiquement

Nous voulons être une organisation avec une hiérarchie plate et dans laquelle on est appelé à mettre la main à la pâte à tous les niveaux. Mais même une petite organisation de la gauche radicale n'est pas simplement composée d'" égaux ». Certain-e-s ont plus d'influence que d'autres. Les contraintes et le temps que prennent l'activité professionnelle, les enfants et autres obligations ne sont pas identiques. En outre certain-e-s font plus ou moins du travail politique leur profession ou leur loisir, ce que d'autres ne peuvent pas ou ne veulent pas faire. Tout le monde ne part pas du même niveau de connaissances, l'habitude d'argumenter, de rédiger des textes, etc., n'est pas la même non plus. Les membres des instances de direction ont plus d'influence que les autres, etc.

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Voilà pourquoi une organisation sans règles démocratiques claires est pour nous inconcevable. Il en découle que fonctions et postes ne peuvent être occupés qu'après une élection et pour une période donnée, très limitée. Ensuite on revote. Pour nous il s'agit d'un moyen pour permettre que les décisions soient transparentes, et ce n'est pas une petite chose. L'expérience nous a montré que dans les groupes où l'on ne vote pas régulièrement sur les décisions importantes, c'est une clique plus ou moins repérable qui décide à l'avance lors de conciliabules, de rencontres au café ou après la fin officielle d'une réunion. Il n'est pas rare qu'il s'agisse alors d'une coterie masculine.

Un regroupement politique comme le nôtre, pas très nombreux mais quand même représenté sur l'ensemble du pays, a besoin d'un lieu où les expériences différentes puissent être rapportées, discutées en commun pour en tirer le bilan. Ce lieu, nous le nommons conférence fédérale, ou coordination. Le rôle de la coordination est de donner aux membres l'envie d'agir, de les coordonner, de les informer, de les former et de les rendre capables de se forger leur opinion propre. C'est là que les décisions qui concernent tout le monde sont prises, après avoir recherché le consensus le plus large possible. Si cela n'est pas possible, on peut envisager un vote non secret. Le principe majoritaire est une règle absolue, mais ce n'est pas un but en soi. Si des décisions importantes ne dégagent que des majorités très courtes, c'est le signe qu'il vaut mieux rechercher un consensus plus important et reprendre la discussion. Si cela ne marche pas, le principe fondamental suivant s'applique : même une majorité peut se tromper. Mais cela, on ne peut l'établir que si la majorité a le droit de mettre en œuvre ses propositions et la minorité celui de critiquer librement et solidairement ce qu'il y a à critiquer. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aurait pas de place dans l'organisation pour des pratiques et des projets différents. Quand c'est le cas, on en discute régulièrement ensemble et nous essayons de les coordonner. Cela exige de tout le monde un haut niveau de capacité critique et de comportement solidaire.

Malgré l'existence d'une coordination, tous les membres doivent être en capacité de décider à tout moment de ce que fait leur organisation, les conférences fédérales doivent être souveraines tant formellement que réellement, la coordination fait et défait par ses votes et détermine l'orientation globale.

Sans l'autonomie la plus large des groupes locaux dans la définition de leur activité locale, sans le droit pour les militant-e-s de discuter librement entre eux par-dessus les structures de base, de la politique, de l'orientation et des projets de l'organisation, l'influence " du sommet » vide la démocratie interne de son contenu.

Comment nous traitons les divergences

En fin de compte il s'agit de savoir comment l'organisation réagit quand des membres isolés ou des groupes ont des points de vue différents sur certaines questions, qu'il s'agisse de divergences entre eux ou vis-à-vis de la coordination. Dans ce cas, le droit de tendance ou de fraction joue pour nous un rôle important. En résumé : il s'agit de la liberté de tous les camarades à former sur toutes les questions et à tout moment des courants d'opinion organisés à l'intérieur de l'organisation. Ce droit est inscrit dans les statuts et ne peut être remis en cause dans la pratique. Cependant ce droit n'est en rien une panacée. Nous savons par expérience à quel point le jeu exacerbé des tendances et des fractions peut être nocif. Par exemple, lorsqu'il ne devient plus possible d'exercer une influence sur l'orientation ou la composition des organes de direction que par l'appartenance à l'un des courants internes, ou quand les membres - en particulier les membres dirigeants - s'identifient plus à leur tendance ou à leur fraction qu'à l'organisation. Alors ce sont les polémiques contre les autres courants ou la diplomatie entre les courants qui déterminent de plus en plus la vie de l'organisation. De cette façon aussi la démocratie interne peut subir des dommages considérables.

Et pourtant nous défendons le droit de tendance et de fraction. Pourtant, car il garantit le droit d'expression de chaque camarade et réduit le risque de scissions politiquement injustifiées. Mais quand tendances et fractions se cristallisent et perdurent, la cohésion de l'organisation peut ne pas y résister.

Particulièrement dans de petites organisations de quelques douzaines ou de quelques centaines de membres, le fait de vouloir régler les divergences à coups de décisions prises par de courtes majorités est souvent destructeur. C'est pourquoi la règle devrait être que les courants internes qui se sont constitués en amont d'une conférence se dissolvent à sa suite. Pour cela, il nous faut une culture organisationnelle où le consensus et la participation active des militant-e-s à l'élaboration de ce que nous voulons et décidons joue le rôle le plus important possible. C'est donc pour les organes de direction une tâche de première importance que de tout faire, en toute occasion, pour que les membres prennent une part active à la définition des positions et de l'orientation de leur organisation, et à ce qui en découle pratiquement.

Plutôt que de renforcer les divergences, les discussions et prises de décision doivent toujours être ramenées à la préoccupation de rechercher ce que nous pouvons faire ensemble malgré nos différences de points de vue. La discussion de fond sur ces divergences peut pour une part être déplacée vers le travail de réflexion et d'élaboration de l'organisation, où, dégagé-e-s de la nécessité de décider rapidement et de façon plus approfondie, il est possible de discuter dans un esprit d'autoformation. Nous refusons de la même façon toute pression morale exercée sur les militant-e-s pour les amener à prendre position en faveur d'une sensibilité interne.

D'un autre côté, appartenir à une organisation politique commune n'est pas un but en soi. Il y a une limite : là où il n'y a plus de travail politique commun ni de capacité à agir ensemble.

Nous faisons attention à ce que ne surviennent pas des situations où des membres se sentent poussés en dehors ou sur les marges de l'organisation. Pour cela il nous faut une culture organisationnelle où le consensus et la participation active à la définition des objectifs communs et à la prise de décision jouent le plus grand rôle possible.

Une organisation pour ses membres

Nous sommes une communauté de gens qui se rebellent contre l'ordre social. La critique est notre élément vital. Nous ne pouvons pas concevoir une organisation réellement révolutionnaire sans libre discussion. Elle n'est cependant possible que dans la communauté solidaire du groupe. C'est pourquoi le fait de nous organiser est une condition de notre libre développement comme individus politiques. Nous nous unissons pour travailler sur une base politique commune. Ce faisant, nous n'abandonnons pas notre individualité. Mais nous réduisons les différences sociales, entre jeunes et vieux, hommes et femmes, autochtones et immigré-e-s.

Définir l'utilité de l'organisation pour ses membres est une vaste entreprise. Cela va de la participation à un cadre de discussion riche et stimulant jusqu'à l'efficacité dans l'action commune. Cela implique des obligations, parmi lesquelles celle de soutenir financièrement l'organisation par des cotisations et, selon les possibilités et les forces de chacun-e, la participation à ses activités et à la définition de ses orientations. Mais si les membres ne ressentent pas leur appartenance à l'organisation comme utile à leur efficacité ni à leur développement personnel sur le plan politique, qu'ils ne la vivent pas comme un espace de solidarité pratique vécue, d'internationalisme, aucun rappel formel à des obligations ne peut avoir d'utilité.

Bien mieux, l'organisation doit préparer et accompagner tout ce qu'elle veut faire par la persuasion politique et la motivation de ses membres. Elle ne doit pas chercher à dicter à ses membres ce qu'ils doivent penser. Il n'y a que ses convictions propres que l'on peut présenter à l'extérieur de façon convaincante. C'est la raison pour laquelle les opinions minoritaires (de groupes locaux, de courants, de militants isolés) doivent pouvoir être exprimées ouvertement. Les deux seules conditions sont qu'il soit clairement spécifié qu'on ne parle pas alors au nom de l'organisation, et que ces opinions minoritaires relèvent du cadre programmatique commun. Exercer une discipline sur les opinions ne donne pas des révolutionnaires sûrs d'eux et d'elles et qui pensent de façon indépendante, mais un croisement repoussant de zombies et de robots.

L'utilité de l'organisation pour ses membres et pour la lutte en faveur de ce que nous voulons n'augmenterait pas si tout le monde faisait la même chose de la même façon. Elle augmente par contre beaucoup plus grâce au fait que les militants et militantes politiques engagés dans des secteurs très différents et avec des façons de faire très diverses échangent leurs expériences, les confrontent, en tirent le bilan et cherchent en permanence à coopérer dans l'action et à tirer ensemble sur la même corde - et autant que possible dans la même direction.

En s'organisant collectivement, on peut gagner en expérience politique et organisationnelle, on peut développer ses capacités personnelles davantage qu'en restant isolé-e. Certes, cela exige d'être disponible à la discussion ouverte, de la confiance mutuelle, des relations solidaires, mais cela ouvre en retour la possibilité de se retrouver avec un groupe au sein de l'organisation.

Une organisation pour la jeunesse

Dans la construction organisationnelle telle que nous la concevons, il est prioritaire de gagner des jeunes et de les intégrer durablement. Cela exclut tout autant l'idée de les griller par l'activisme que l'interdiction de ce qu'il est convenu d'appeler les modes de comportement propres à la jeunesse.

Une des façons d'amener des jeunes à participer à une organisation révolutionnaire, c'est de mettre en place une structure indépendante propre aux jeunes, qui puisse préserver son dynamisme en vivant à son rythme et avec ses propres formes d'action, avec y compris le droit de faire des " erreurs » sans être gênée par les " adultes » dans son développement propre. C'est naturellement aux camarades jeunes de savoir s'il en faut une ou si d'autres formes d'intervention dans la jeunesse semblent plus adaptées,. Si la construction d'une organisation de jeunesse ou de quelque chose du même ordre, en sympathie avec notre programme, se révélait faisable, nous soutiendrions activement ce projet.

Une organisation pour les femmes

La première oppression sociale, bien avant l'instauration complète d'une société de classes, fut l'oppression de la femme par l'homme. Cette oppression persiste jusqu'à maintenant. Les structures patriarcales sont dans une large mesure confortées et renforcées par la société de classes. Cette oppression représente un affaiblissement considérable de la classe ouvrière dans son ensemble. Sans le combat pour la libération des femmes, la transformation socialiste ne peut pas être atteinte, et l'on ne saurait non plus garantir que celle-ci soit vraiment le point de départ d'une suppression générale de l'exploitation et de l'oppression.

Dans le mouvement ouvrier aussi, y compris dans la fraction révolutionnaire, les femmes étaient et sont opprimées. Nous soutenons tout ce qui va dans le sens d'un mouvement autonome des femmes, parce que c'est le seul moyen de faire avancer efficacement le combat pour la libération des femmes.

Dans notre propre organisation aussi, le comportement masculin dominant constitue un obstacle à l'épanouissement de l'activité politique des femmes. Il est donc nécessaire de faire un effort constant et conscient pour combattre et dépasser cet état de fait, tant par l'éducation politique que par des mesures organisationnelles spécifiques telles que le droit des femmes à se retrouver entre elles à tout moment et à tous les niveaux de l'organisation, ou encore l'établissement de quotas dans les organes de direction si les femmes le demandent. Et

dans le cas où plusieurs courants se présenteraient au vote, des quotas pour chaque courant politique.

Dans une organisation révolutionnaire, la culture politique de la société que l'on veut doit déjà être perceptible. Faute de quoi ni d'elle, ni des objectifs qu'elle se fixe, ne se dégageront le rayonnement et la force d'attraction nécessaire pour que la grande majorité de la classe ouvrière considère la lutte pour le grand chambardement socialiste comme une chose qui en vaut la peine. La démocratie ouvrière et l'auto-organisation ne sont pas des buts pour demain. Même s'ils ne peuvent trouver leur plein développement qu'après le renversement de la bourgeoisie, ces principes doivent déjà entrer en vigueur dans les rangs du mouvement ouvrier, et en tout premier lieu au sein des organisations marxistes-révolutionnaires. Pour nous la démocratie interne est un pont vers la démocratie des conseils. ■

*Cette résolution a été adoptée à une très large majorité (une voix contre, une abstention) par la conférence de fondation de l'Organisation socialiste internationale (ISO), section allemande de la IVe Internationale, les 3-4 décembre 2016 à Francfort-sur-le-Main (traduction de l'allemand de Pierre Vandevoorde).

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