Le Front démocratique de gauche salue le Congrès extraordinaire du NUMSA

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Le syndicat des métallos d'Afrique du Sud a tenu un congrès extraordinaire début 2013. le syndicat a insisté sur la nécessité d'une indépendance organisationnelle et politique du syndicat.

Johannesburg, le 23 décembre 2013

Un spectre hante la classe dominante et le gouvernement d'Afrique du Sud : il s'agit du mouvement anticapitaliste radical que le Syndicat national des métallurgistes d'Afrique du Sud (NUMSA, National Union of Metalworkers of South Africa) a mis sur pied lors de son congrès extraordinaire qui s'est tenu du 17 au 20 décembre 2013. Le Front démocratique de gauche (DLF, Democratic Left Front) félicite le NUMSA pour ce congrès qui a rassemblé les métallurgistes malgré des tentatives soutenues de diviser le syndicat.

Le NUMSA, en tant que section la plus organisée de la classe ouvrière d'Afrique du Sud, a réalisé un pas décisif. Il a répondu d'une manière claire au rôle de l'ANC (African National Congress) et de son gouvernement, qui soutiennent l'exploitation capitaliste de l'Afrique du Sud.

Le NUMSA a rejeté avec fermeté le meurtre de sang-froid des travailleurs à Marikana (1). En tant que DLF, nous avons été émus et inspirés par la solidarité émouvante et concrète exprimée par les délégués présents au Congrès du NUMSA, lorsque chacun d'entre eux a fait don de 100 rand au fonds de solidarité de Marikana. Et aussi lorsqu'ils ont accueilli chaleureusement les représentants de Marikana qui se sont exprimés à ce Congrès.

Le NUMSA reprend le flambeau de la vague de grèves qui a suivi dans les secteurs minier, agricole, ainsi qu'ailleurs. En insistant sur la nécessité d'une indépendance organisationnelle et politique, il a démontré son engagement à mener une lutte continue de la classe ouvrière en vue de prendre ses propres destinées en main.

L'Afrique du Sud ne peut plus être la même. Les décisions historiques prises par le Congrès extraordinaire du NUMSA se répercutent dans l'ensemble de la classe ouvrière, organisée ou non, d'Afrique du Sud. Ces décisions suscitent de l'espérance et de la confiance sur la possibilité proche d'une Afrique du Sud transformée, où le peuple et ses besoins auraient la priorité sur les profits et où la démocratie deviendrait une expérience vécue au quotidien.

Ce congrès du NUMSA représente la fin décisive d'une période de la politique de libération nationale. Le NUMSA a jeté les bases d'une nouvelle voie et a donc ouvert un nouvel espace qui permet à une alternative politique authentique d'émerger car basée sur les masses, dirigée et contrôlée par les travailleurs et leurs communautés. Seule l'auto-émancipation de la classe laborieuse peut de manière décisive défaire les structures héritées du passé et les systèmes du néo-apartheid, la destruction écologique, le capitalisme et la démocratie libérale restreinte qui est aujourd'hui mise en cause par le gouvernement de l'ANC.

Le Congrès du NUMSA a décidé :

► 1. d'explorer la possibilité de construire un parti socialiste des travailleurs ;

► 2. de mobiliser à la fois pour un Front unifié d'action et pour un mouvement en faveur du socialisme ;

► 3. de reconquérir la COSATU (Congrès des syndicats - Congress of South Trade Unions) à partir d'en bas ;

► 4. d'unifier activement les luttes des travailleurs et les luttes de quartier, sur le logement, l'éducation, la santé, etc. au travers d'une mobilisation de masse autour de revendications sociales et économiques ;

► 5. de consolider le NUMSA en tant que syndicat contrôlé par les travailleurs qui organise autour d'un ensemble de valeurs et principes et qui fournit les meilleurs services à ses membres.

En ce moment, il n'y a pas de fondations plus solides pour transformer radicalement l'Afrique du Sud.

Les délégués du Congrès du NUMSA ont rejeté les prétentions du Parti communiste d'Afrique du Sud (SACP) selon lesquelles il serait l'avant-garde proclamée de la classe ouvrière. Ils ont affirmé avec justesse que de tels titres ne peuvent se gagner que dans le processus des luttes. Le premier et le plus important devoir de quiconque affirme être socialiste est d'œuvrer en faveur de l'unité la plus large de la classe ouvtière. La direction du SACP a échoué lamentablement devant cette exigence et a pris une décision consciente de se mettre aux côtés de l'État, du gouvernement et du parti dirigeant (ANC) contre notre classe, à chaque moment décisif au cours des dernières années.

Nous appelons les socialistes authentiques qui se trouvent encore au sein du SACP de quitter le parti et d'épouser l'initiative menée par le NUMSA. Nous faisons appel à d'autres qui cherchent à se présenter comme l'avant-garde politique de la classe ouvrière de mettre de côté une arrogance aussi déplacée et de rejoindre le Front unifié des travailleurs et des communautés ainsi que de travailler en faveur de la construction d'un mouvement pour le socialisme.

Le Congrès du NUMSA a déclaré sans équivoque que l'avenir doit reposer sur le pouvoir organisé et conscient de la classe laborieuse, des travailleurs pauvres et des dépossédés, tous unis dans une action défiant le capitalisme par la construction d'une lutte en faveur d'une alternative socialiste, ici et maintenant.

Le Front démocratique de gauche est convaincu que le processus qui s'ouvre à la suite du Congrès doit se mettre en place et être conduit par les travailleurs de la base vers le haut, selon les pratiques et traditions de débats démocratiques, de solidarité et de luttes de masses que le NUMSA a suivies.

Cela permettra de jeter des bases solides pour un renouveau de la gauche démocratique, du bas vers le haut. En ce sens, la nécessité de reconnaître et d'intégrer les luttes contre les oppressions multiples renforcées par le capitalisme est particulièrement importante : contre l'oppression raciale et la reproduction de la suprématie blanche ; contre l'oppression de genre ; contre la domination oppressive exercée par les élites tribales ; contre l'oppression sociale de personnes dont l'orientation sexuelle n'est pas hétérosexuelle ; contre l'aliénation culturelle, le " nouvel impérialisme », la destruction écologique, etc.

En tant que mouvements sociaux, syndicats indépendants et groupes de gauche qui formons le Front démocratique de gauche, nous nous engagerons avec humilité, modestie et franchement dans ce processus, en étant conscients qu'une action politique à partir d'en bas, organisée autour de ces principes, permanente, non sectaire et unitaire est le seul roc solide sur lequel bâtir des alternatives collectives, partagées et socialistes face aux défis complexes auxquels s'affronte l'Afrique du Sud et, de fait, l'humanité dans son ensemble. Nous contribuerons à ce processus avec la perspective de la transformation socialiste de l'Afrique du Sud sur la base d'une profonde démocratie participative.

Tout cela nécessite le maximum d'unité de la part de la classe ouvrière et de ceux et celles qui sont ouverts et désireux de se placer à ses côtés. Le Front démocratique de gauche appelle les mouvements de masse, les travailleurs, les chômeurs, les femmes, les jeunes, les habitants de bidonvilles, les sans terre, les autres travailleurs agricoles, les syndicats indépendants, les syndicats affiliés à la COSATU, à la NACTU (National Council of Trade Unions) et à la FEDUSA (Federation of Unions of South Africa), la gauche large, la société civile progressiste d'épouser, tous ensemble, le moment ouvert par le NUMSA au travers d'un débat politique démocratique, d'actions de masse soutenues, par la solidarité et en construisant une alternative socialiste de la classe ouvrière. ■

► Ralliez-vous autour de la revendication pour un salaire décent !

► Mobilisez-vous pour une journée d'action de masse, le 26 février 2014, contre la loi établissant un impôt en faveur de l'emploi.

► Construisez l'Alternative socialiste maintenant.

► Que les travailleurs prennent le contrôle de leurs destinées.

* Le Front démocratique de gauche est un front anticapitaliste, non sectaire et anti-autoritaire, constitué en janvier 2011 lors de la Conférence pour une gauche démocratique à Johannesburg. (Traduit de l'anglais par et publié en français d'abord par la revue électronique A l'Encontre : http://alencontre.org )

notes
1. Le 16 août 2012, la police tire sur les 3.000 mineurs de la mine de platine Marikana (nord-est de Johannesburg) en grève pour leurs salaires faisant 34 morts et 78 blessés. Exécutions sommaires. La mine appartient à Lonmin, troisième producteur mondial de platine. La plupart des mineurs passent presque dix heures sous terre et vivent dans des cabanes en tôle, sans eau courante ni électricité. Les mineurs sont en rupture avec le NUM.