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Les crimes du régime Assad : armes chimiques contre les rebelles

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Soldat syrien lors d'une démonstration en 2010. Il porte une équipement russe contre les armes chimiques.
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De par le monde, les médias qui font l'opinion publique ne savent toujours pas ce qu'il en est vraiment de l'emploi d'armes chimiques en Syrie. Le régime de Bachar el-Assad ne laisse pas entrer les inspecteurs de l'ONU, et ce seul fait en dit suffisamment long. Carla Del Ponte a particulièrement contribué à entretenir la confusion. L'ancien procureur général des tribunaux de l'ONU pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda est en effet membre de la commission qui enquête sur les violations des droits de l'homme en Syrie, non pas sur place, mais dans les pays limitrophes en s'entretenant avec des médecins et des patients qui, selon toute vraisemblance, ne savent pas ou ne peuvent pas dire d'où est venue l'attaque. Del Ponte, qui n'est pas membre de la commission qui enquête sur l'utilisation d'armes chimiques, a quand même déclaré lors d'un passage à la télévision en Suisse : " D'après les déclarations que nous avons réunies, les rebelles ont eu recours aux armes chimiques, précisément au gaz sarin », même si elle a ajouté que l'enquête n'était pas close.

On sait que la commission l'a contredite, affirmant cependant elle aussi qu'il n'y aurait " aucun élément de preuve qui établirait l'utilisation d'armes chimiques par l'une ou l'autre des parties engagés dans le conflit ». Le gouvernement des États-Unis a lui aussi contredit Del Ponte et affirmé que l'utilisation, le cas échéant, d'armes chimiques, ne saurait être le fait que du régime.

Sur quoi porte en fait cette controverse ? Nombreux sont ceux qui croient que c'est pour l'opposition un moyen de pousser à une intervention militaire des États-Unis ou d'autres États membres de l'Otan. Mais l'opposition syrienne sait bien ce qu'il en est des conséquences des interventions occidentales comme en Irak ou en Afghanistan. Les puissances occidentales agissent dans leur propre intérêt, comme c'est aussi le cas, par exemple, pour la Russie, l'Iran, l'Arabie saoudite, le Qatar ou Israël. L'opposition syrienne veut la liberté et la démocratie dans l'indépendance, elle veut faire connaître la vérité sur les agissements du régime Assad et susciter la solidarité avec la révolution syrienne, contre ce régime oppresseur. Ce dont elle a cruellement besoin, c'est d'approvisionner l'Armée syrienne libre (ASL) en armes qui lui permettent d'assurer la protection de la population civile contre les bombardements et les tirs d'artillerie.

Avant de continuer sur le sujet des armes chimiques, je voudrais parler du massacre qui a eu lieu dans la ville côtière de Banyas, car il n'y a là aucun espace pour le doute, on a pu en voir les images partout. Sur les vidéos, on voit bien que les victimes sont des civils, et que les soldats de l'armée de Assad mettent le feu aux maisons où les victimes de l'attaque ont cherché refuge. L'observatoire syrien des droits de l'Homme de Londres, considéré en général comme une source crédible, a identifié jusqu'alors 60 personnes parmi les tués, dont 14 enfants. Voici un exemple qui illustre bien ce que Assad entend par " lutte contre le terrorisme ». Je ne comprends pas comment des forces démocratiques et de gauche en Occident peuvent avoir des doutes à propos de la légitimité de la lutte contre ce régime.

Quelques éléments d'abord sur ma personne : je suis diplômé de la faculté de chimie de l'académie militaire et j'ai servi depuis 2001 dans l'armée syrienne. Avant de déserter et de rejoindre l'ASL, j'étais capitaine au 28e régiment, dans un détachement en charge de la défense contre les armes chimiques. Peut-être que mon témoignage aura de ce fait un certain poids.

Les premières grenades contenant des gaz de combat ont été offertes à la Syrie par l'Égypte avant la guerre de 1973. La Syrie a commencé à produire elle-même des armes chimiques et les équipements correspondants au milieu des années 1980. Depuis lors, elle a fabriqué en particulier du gaz moutarde (1) et du gaz sarin (2). Le régime dispose de réserves importantes stockées dans des dépôts proches de Damas, au nord de Homs et le long du littoral. Son arsenal, estimé à plusieurs milliers de pièces, est constitué pour l'essentiel de bombes aériennes chargées de gaz neurotoxique, ainsi que de 50 à 100 ogives de missiles balistiques et des obus d'artillerie.

Quatre usines fabriquent ces armes : l'une à Alep, deux autres à proximité des villes industrielles Homs et Hama, où sont produits les gaz de combat sarin et tabun (3). Une quatrième usine se trouve à Lattaquié, sur le littoral occidental. Au sud de Damas, il y a en outre un centre de recherche spécialisé.

Sur ces différents sites, la Syrie bénéficie de la coopération russe, qui met à sa disposition son savoir-faire, sa technologie, son matériel ainsi que ses experts.

Le régime a préparé l'utilisation d'armes chimiques depuis le début de la révolution. Personne ne conteste le fait qu'il dispose d'un arsenal important d'armes chimiques dangereuses. Depuis novembre 2011, nous avons eu à effectuer manœuvres et exercices sur les conditions d'utilisation de gaz toxiques.

C'était à une période où les rebelles n'avaient même pas de fusils. Jusqu'à aujourd'hui la résistance n'a pour l'essentiel pas d'autre choix que d'employer des tactiques de guérilla, car elle ne dispose pas ou pratiquement pas d'armes lourdes. Dans les centres de recherche du régime, on travaille fébrilement sur les modalités d'emploi de produits toxiques dans les combats, sous la direction d'experts russes, iraniens et nord-coréens. L'utilisation de gaz à Homs, Alep et Damas de façon limitée avait un caractère tout à fait expérimental.

Pour l'instant il s'est agi en général de gaz moutarde et sarin, avec des conséquences désastreuses pour les personnes touchées. On les retrouve dans certains hôpitaux, au Liban par exemple, avec des brûlures importantes et divers autres symptômes. Les sites concernés sont placés sous la responsabilité directe du service secret de l'armée de l'Air, et ils ne peuvent être mis en service ou même simplement déplacés sans l'ordre direct du commandant suprême Assad. Je le sais parce que j'ai pendant un temps été chargé du transport de ces produits.

Accuser l'opposition d'avoir elle-même utilisé de telles armes est absurde. En supposant qu'elle s'empare d'un entrepôt, elle est très loin de disposer des moyens techniques et des capacités de recherche qui lui permettraient d'utiliser ces produits chimiques comme armes, même si elle le voulait. Ce qui est vrai, c'est que des unités du Hezbollah (proche de l'Iran et donc du régime Assad) opérant sur le territoire syrien, ont essayé de s'emparer de tels produits et de les emporter par camion. C'est de cela qu'Israël a eu connaissance, et c'est la cause de son intervention, motivée par la crainte d'une utilisation éventuelle contre Israël.

Pour ce qui me concerne il n'y a aucun doute, le régime a déjà eu recours aux armes chimiques. Dans le département d'Idlib, j'ai vu personnellement des blessés victimes du gaz sarin. Mais tout le monde peut voir sur YouTube des vidéos de victimes du gaz moutarde utilisé dans le quartier de Al Otaiba à Damas et dans le quartier de Khalidiya à Homs.

Plus l'opinion internationale est délibérément trompée, moins il y a de protestations internationales contre les crimes du régime, et plus Assad va se sentir encouragé à avoir recours même aux armes chimiques comme instrument de terreur contre toute forme d'opposition et à continuer à assassiner des civils. ■

Idlib, le 17 mai 2013

* Abdulsalam Ahmed Abdul Razaq a été capitaine au 28e régiment de l'Armée syrienne, dans un détachement en charge de la défense contre les armes chimiques. Il a déserté et rejoint l'Armée syrienne libre. Il a écrit cet article pour le journal allemand SoZ-Sozialistische Zeitung, mensuel socialiste allemand à la rédaction duquel participent les militant-e-s de la IVe Internationale.

(Traduit de l'allemand par Pierre Vandevoorde).

notes
1. Gaz moutarde : Ce gaz est une substance toxique qui forme des cloques sur la peau exposée. Il est employé sous forme de gouttes visqueuses. Les symptômes apparaissent sur la peau après quelques heures d'incubation sous forme de rougeurs puis de brûlures, formant des plaies d'où suppure un liquide jaune foncé, voire marron, qui dégage au début une odeur d'ail caractéristique qu'on ne sent plus ensuite, ce qui donne l'impression que le gaz a disparu. Le gaz moutarde est plus lourd que l'air, il se dépose donc sur le sol avec l'apparence et la couleur d'une mince couche huileuse. Il peut polluer les nappes phréatiques car, en fonction des conditions météorologiques, il reste actif des jours, des semaines voire des mois entiers.

2. Gaz sarin : Comme il s'agit d'un gaz inodore, les personnes touchées peuvent ignorer leur contamination. L'exposition à une dose minime à moyenne, que ce soit par inhalation, par ingestion de nourriture solide ou liquide contaminée ou par contact, peut provoquer, dans un laps de temps compris entre quelques secondes et plusieurs heures, quelques-uns ou la totalité des symptômes suivants : inflammation de la région nasale ou des yeux, rétrécissement des pupilles, vision trouble, douleurs oculaires, sécrétion salivaire accrue, transpiration, toux, sensation de resserrement de la poitrine, respiration accélérée, coliques, fort besoin d'uriner, vertiges, maux de tête, malaises, vomissements et maux de ventre, arythmie cardiaque, tension irrégulière. De fortes doses peuvent avoir des conséquences très graves pour la santé : arrêt respiratoire pouvant entraîner la mort, perte de connaissance, coma, crampes et paralysie.

3. Gaz tabun : Ce gaz de combat neurotoxique a été mis au point par IG Farben dans l'Allemagne nazie. Il s'agit d'un acide phosphorique dont la composition chimique est proche de celle d'un insecticide agricole. Il se présente sous la forme d'un liquide incolore ou brun selon son degré de pureté et dégage une odeur d'amande amère quand on le chauffe. Le poison pénètre dans l'organisme par la peau et le système respiratoire. Il bloque la transmission des influx nerveux se rendant aux muscles par inhibition d'un enzyme appelée acétylcholinestérase.

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