Retour sur les phases révolutionnaires en Tunisie et point d'actualité sur la reconstitution du Front du 14 janvier, front large ouvrier et populaire et sur l'UGTT.
Jalel Ben Brik Zoghlami : Il s'agit d'un processus révolutionnaire pour la dignité, la liberté et la justice sociale.
Ce qui a fondamentalement changé, c'est la relation de la population, essentiellement les classes populaires, avec le pouvoir et avec la politique. Les peuples ont enterré leur peur des dictatures. Et cela, les Tunisiens le partagent avec leurs frères et sœurs de la région arabe.
La première particularité de la Tunisie, c'est son histoire spécifique marquée par :
— l'importance de la classe ouvrière organisée au sein de l'UGTT,
— le poids et une certaine expérience de la gauche ouvrière et populaire,
— les acquis au niveau des droits des femmes.
Synthèse actualisée Inprecor
La seconde particularité résulte des élections d'octobre 2011. Elles ont débouché :
1. d'une part sur la mise en place d'un gouvernement dominé par les intégristes d'Ennadha,
2. d'autre part sur la poursuite des luttes et mobilisations des secteurs populaires face à la non prise en compte des revendications qui ont poussé au déclenchement de la révolution.
Cette combinaison, débouche sur une nouvelle phase du processus révolutionnaire marquée par la réorganisation du mouvement social, ouvrier et démocratique. Celui-ci est en confrontation frontale avec un gouvernement intégriste, libéral et investi de l'aide politique des États-Unis, de l'Union Européenne et du Qatar.
Nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins :
— d'un côté, face à un plan de liquidation de la révolution,
— de l'autre, face à de vrais possibilités d'obtenir des avancées, et d'aller vers un pouvoir populaire, démocratique et anti-impérialiste.
Même si le gouvernement actuel est entre les mains d'Ennadha, ces derniers ne parviennent pas à avoir la main-mise sur la classe ouvrière, les jeunes diplômés-chômeurs, les étudiants, les femmes, les populations des régions déshéritées, les pauvres des quartiers populaires, les artistes, la paysannerie, les couches de la petite bourgeoisie, etc. Bien au contraire, on assiste à une forte remobilisation de ces divers secteurs.
Qu'est ce qui a changé au niveau des droits démocratiques ?
Jalel Ben Brik Zoghlami : Nous avons obtenu la liberté de s'exprimer et de s'organiser. Ces droits ont été imposés sur le terrain, avant d'être inscrits dans la législation.
Sous le gouvernement de Caïd Essebsi, qui avait précédé celui dirigé par Ennadha, la Tunisie a ratifié plusieurs Conventions internationales concernant notamment les droits des femmes et les droits démocratiques. Il y a également eu l'instauration de la parité sur les listes électorales. Elle était notamment demandée par le mouvement des femmes, l'UGTT et les partis de gauche. Ennadha a dû l'accepter.
La partie n'est pas encore gagnée. Le pouvoir d'Ennadha, sur le terrain et par le biais de sa majorité constituante, manœuvre énergiquement pour mettre sous son diktat la justice, la presse, l'espace public et l'administration. Le mouvement démocratique, main dans la main avec l'UGTT et les jeunes combatifs, organise la défense et se bat bec et ongles pour défendre et acquérir plus de droits et d'espace démocratique. On assiste à de grandes mobilisations contre les attaques du gouvernement de la part du mouvement social, de l'UGTT, des journalistes (ils ont mené pour la première fois en Tunisie, le 17 octobre, une grève générale), les magistrats, etc.
Qu'est-ce qui a changé au niveau social ?
Jalel Ben Brik Zoghlami : Les gouvernements qui se sont succédés depuis la chute de Ben Ali ont poursuivi les mêmes choix économique néolibéraux, en liaison avec le capital international. L'inflation est importante, et il y a environ 200.000 chômeurs de plus que du temps de Ben Ali. En ce qui concerne le développement des régions de l'intérieur, nous sommes face à une absence quasi-totale d'investissements de l'État et du secteur privé. Résultat, la pauvreté progresse. Le nouvel accord de partenariat avec l'Union européenne va approfondir la politique libérale, accentuer la destruction du tissu économique, et surtout s'attaquer à l'agriculture.
Qu'en est-il de la situation des femmes ?
Jalel Ben Brik Zoghlami : Aujourd'hui, les femmes doivent faire face à une offensive d'Ennadha et de ses frères salafistes pour les pousser en dehors de l'espace public. Certains courants font même campagne pour remettre en cause la liberté des femmes dans le choix d'un époux, l'âge du mariage, ainsi que l'interdiction de la polygamie. Notons que dans la partie sur les droits humains, le nouvel accord avec l'Union européenne déclare se référer aux Conventions internationales, mais avec la bénédiction hypocrite des Européens, il y une exception sur les droits des femmes, en ne mentionnant pas la convention CEDAW (1).
Dans le cadre de l'écriture de la future Constitution, Ennadha cherche à remplacer la notion d'égalité entre les hommes et les femmes par celle de " complémentarité ».
Les luttes depuis deux ans
Comment les luttes ont-elles évolué depuis deux ans ?
Jalel Ben Brik Zoghlami : Depuis le 17 décembre 2010 (2), nous sommes dans un processus révolutionnaire qui évolue en dents de scie.
Les luttes ont été particulièrement importantes entre le 17 décembre 2010 et le 27 février 2011 : Ben Ali a été chassé, et les deux gouvernements Ghannouchi qui lui ont succédé ont dû démissionner. Des avancées importantes ont été imposées comme l'interdiction du parti de Ben Ali et l'élection d'une Assemblée constituante.
Après le 27 février 2011, des luttes pour les droits sociaux ont eu lieu, essentiellement dans le bassin minier ainsi que dans des régions de l'intérieur comme Sidi Bouzid ou Siliana. Dans les postes et télécommunications, l'État a été obligé de reculer.
La situation a ensuite changé : beaucoup de militants se sont concentrés sur les élections, initialement prévues en juillet 2011, et qui ont finalement eu lieu en octobre.
Par la suite, les mobilisations ont repris, à commencer dans le bassin minier. Pas un jour ne se passe qui ne soit marqué par une grève ou une manifestation, même dans des petites localités. Des mobilisations ont notamment eu lieu sur les salaires.
Incapable de résoudre les problèmes économiques et sociaux, le gouvernement a essayé de s'en prendre, début 2012, à la colonne vertébrale du mouvement social que constitue l'UGTT. Cela a suscité d'importantes mobilisations pour la défendre, et le pouvoir a dû reculer.
Les luttes touchent également les travailleurs précaires, la sous-traitance ainsi que les diplômés sans emploi organisés dans l'Union des diplômés-chômeurs (UDC).
Des mobilisations ont également eu lieu pour la défense des libertés publiques, dont la liberté d'expression. La Tunisie a connu sa première grève générale des journalistes. Une grève victorieuse a notamment eu lieu dans un des principaux journaux tunisiens contre le directeur imposé par Ennadha.
La lutte pour la défense des droits des femmes a notamment été marquée par d'importants rassemblements de rue, le 13 août 2012, date anniversaire de la promulgation du Code personnel qui reconnaît aux femmes, depuis 1956, une égalité juridique étendue.
Ceci dit, des différences importantes existent entre les secteurs, car ils n'ont pas tous les mêmes expériences de lutte. Il en va de même entre les régions. Certaines régions sont très en avance sur d'autres, comme par exemple celle de Sidi Bouzid et de nombreuses villes de l'intérieur.
Au sein de la classe ouvrière, certains secteurs sont plus combatifs que d'autres, comme les postes, les télécommunications, l'enseignement, ainsi que la santé publique où les grèves touchent également les médecins.
Les luttes sociales ont surtout concerné les secteurs organisés par l'UGTT. Dans le secteur public, le gouvernement a été contraint de négocier nationalement, et des augmentations de salaires ont été obtenues. Des avancées ont également eu lieu dans le secteur privé.
Fin novembre, la région de Siliana s'est embrasée. De grandes mobilisations populaires ont eu lieu, appuyées par une grève générale appelée par l'Union régionale de l'UGTT. La barbarie de la répression policière a occasionné, les premiers jours, plus de 200 blessés. Cela a radicalisé la population de Siliana et a donné lieu à de grandes mobilisations de soutien dans toutes les régions. Ces mobilisations peuvent ouvrir de réelles perspectives, pour affaiblir ou même remettre en cause le gouvernement en place.
A quelle répression doivent faire face les mouvements sociaux et les militants ?
Jalel Ben Brik Zoghlami : La répression est particulièrement importante dans les régions de l'intérieur. Elle est organisée par trois types de forces :
— Il y a tout d'abord l'appareil d'État de l'époque de Ben Ali, qui est resté intact. La loi martiale reste en vigueur, donnant à la police et à l'armée des pouvoirs importants. Cela a permis, par exemple, le 7 avril 2012, à Tunis, une intervention musclée contre la manifestation des diplômés-chômeurs. La même chose s'est répétée deux jours plus tard contre une manifestation pour la défense des droits démocratiques.
Ces derniers mois, la police est intervenue violemment dans les régions de Menzel Bouzaïane, Hencha, Gabes, Djerissa, Kasserine… Et de façon horrible à Siliana.
— On assiste à une multiplication d'intimidations. Des militants ou des sympathisants de gauche sont arrêtés. Certes, les mobilisations parviennent à les faire relâcher, mais la menace d'être traduits en justice continue ensuite à peser sur leur tête.
— La répression est également exercées par les milices d'Ennadha. Celles-ci se sont organisées au niveau local et disent agir " en défense de la révolution ». Elles attaquent notamment les meetings politiques et les manifestations de l'UGTT. Elles portent la responsabilité de la mort d'un responsable de Nidha Tounes (3), lors d'une manifestation à Tataouine, dans le Sud de la Tunisie.
— Le troisième instrument de répression est constitué par les salafistes et les jihadistes. Il ont déclaré avoir lancé " une guerre sainte » contre l'UGTT, les démocrates et les femmes qui ne respecteraient pas la charia. Ce sont des groupes violents qui s'affrontent parfois à la police. Ils ont établi leur loi dans certains quartiers populaires, et leurs premières victimes sont les femmes et les pauvres. Ils sont en tête des manifestations s'attaquant à certains artistes.
Quel bilan fais-tu du gouvernement dirigé par Ennadha depuis l'automne 2011 ?
Jalel Ben Brik Zoghlami : Si ce gouvernement passait le baccalauréat, il aurait zéro dans toutes les matières. Il n'a ni la compétence, ni l'expérience nécessaire. Les responsables d'Ennadha ont en effet passé des années en prison ou en exil. Ils ne s'attendaient pas à ce que l'ancien régime tombe. Ils ne croyaient pas qu'il était possible de le chasser et étaient prêts à négocier avec lui.
Ils ont démontré à la population qu'ils pratiquaient le même clientélisme que le parti de Ben Ali.
Sur le plan social, ils s'étaient vantés de pouvoir créer 500.000 nouveaux postes de travail, et nous avons 200.000 chômeurs de plus.
Sur le plan des relations avec le capital international, la Tunisie constituait une pièce essentielle. Le pays a subi les Plans d'ajustement structurel (PAS) qui l'ont appauvri, détruit une grande partie de son tissu économique, jeté dans le chômage des centaines de milliers de personnes, dont certaines ont été poussées à prendre la mer pour souvent y mourir.
Le gouvernement a fait les mêmes choix économiques que Ben Ali. Il est même allé encore plus loin que lui en acceptant la négociation d'un accord de partenariat avec l'Union européenne.
Les partis siégeant au gouvernement sont de plus en plus critiqués. Ils se retrouvent isolés sur des questions comme l'indépendance de la justice. Même chose en ce qui concerne l'organisation des élections prévues en 2013, où ils sont en conflit avec la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (LTDH), les partis regroupés dans le Front populaire, les partis du centre, etc.
Sur le plan de la politique internationale, le gouvernement est également très critiqué pour son alignement sur le Quatar ou les pays occidentaux, notamment les États-Unis.
Quels sont les rapports entre Ennadha, les salafistes, les jihadistes ?
Jalel Ben Brik Zoghlami : Une petite partie des salafistes et des jihadistes sont liés aux wahabistes ou à Al-Quaïda. Certains d'entre eux étaient allés se battre en Afghanistan. Mais les autres, surtout des jeunes, servent le plus souvent d'hommes de main à Ennadha. Ils sont manipulés par eux, ainsi que par la police politique pour s'attaquer aux femmes, aux artistes, à l'UGTT, etc.
On les voit notamment passer à l'action lorsque la police et l'armée ont des difficultés à faire face aux mobilisations. Mais il leur arrive aussi de s'affronter aux forces de l'ordre lorsque le gouvernement est en difficulté sur le plan économique et social.
Fondamentalement et stratégiquement, rien de fondamental ne distingue ces trois courants. Mais Ennadha l'emporte numériquement de très loin, avec une dizaine de fois plus de membres que les salafistes et les jihadistes réunis.
Un nouveau front de la gauche
Quel bilan fais-tu de l'attitude passée des organisations de la gauche politique ? Pourquoi le Front du 14 janvier a-t-il éclaté en 2011 ?
Jalel Ben Brik Zoghlami : Avant les élections, les différentes composantes du Front du 14 janvier n'avaient pas une bonne appréciation des rapports de forces. Les principales organisations surestimaient beaucoup leur influence. Déroutées par la place que leur accordait les médias, certaines pensaient qu'il leur était possible, en se présentant seuls, de faire une percée électorale.
Le résultat des élections d'octobre 2011 a été une véritable douche froide. Par la suite, des discussions ont eu lieu et les organisations ont recommencé à travailler ensemble (4).
La première raison en est que les militant-e-s ayant participé au Front du 14 janvier ont en effet une longue habitude de travail en commun depuis l'époque de Ben Ali, par exemple au sein de l'UGTT, de l'UDC, sur les questions estudiantines et féministes, au sein de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (LTDH). Leurs liens se sont renforcés dans la première phase révolutionnaire du 17 décembre 2010 au 27 février 2011.
La deuxième raison de ce rapprochement est la gravité de la situation actuelle.
La troisième est la nécessité, dans ce cadre, de faire face aux deux blocs représentés, d'un côté autour d'Ennadha, et de l'autre autour de Nidha Tounes.
Quel premier bilan fais-tu de ce nouveau Front populaire ?
Jalel Ben Brik Zoghlami : Aujourd'hui, le Front populaire a une présence indiscutable, notamment dans les secteurs les plus avancés de la classe ouvrière. Il est présent dans toutes les régions, chez les diplômés-chômeurs, ainsi que dans une série d'organisations comme l'UGTT, la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (LTDH) ou l'Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD).
Dès qu'il a été fondé, une coordination a été créée dans laquelle de nombreux indépendants ont pris place. Le meeting qui a été organisé le 16 octobre a été l'un des plus importants qu'ait connu la Tunisie depuis les élections d'octobre 2011.
Même si il dispose de très peu de moyens financiers et pas de locaux, le Front populaire est présent dans la plupart des mouvements sociaux et des mobilisations, où ses militant-e-s jouent parfois un rôle dirigeant.
Sa plate-forme est à la fois démocratique, progressiste, anti-impérialiste et antilibérale. Elle revendique explicitement la parité entre les hommes et les femmes.
Pour la première fois, les militant-e-s composant ce front se posent le problème de postuler au pouvoir, sur une orientation antilibérale et anti-intégriste.
Il s'agit d'un front large ouvrier et populaire qui, pour la LGO, prépare la voie à ce que l'UGTT joue ensuite une telle fonction.
Le Front populaire est pleinement impliqué dans les mobilisations sociales et démocratiques. Il aura par ailleurs des listes lors des élections de 2013. Ces deux aspects sont complémentaires.
Qu'attends-tu du Forum social mondial qui doit se tenir à Tunis en mars 2013 ?
Synthèse actualisée Inprecor
Jalel Ben Brik Zoghlami : Ce Forum devrait être un moment fort pour exprimer à haute voix le rejet du néolibéralisme ainsi que des diktats de l'Union européenne et des États-Unis. Nous nous attendons à une présence importante de tous les mouvements opposés au néolibéralisme et luttant pour l'émancipation des peuples opprimés.
La mobilisation contre l'attaque islamiste du siège de l'UGTT
Synthèse actualisée Inprecor
Le 13 décembre 2012, la Tunisie a failli connaître sa deuxième grève générale nationale depuis l'indépendance. La précédente, le 26 janvier 1978, s'était accompagnée de plusieurs centaines de morts et de blessés. La dernière grève a finalement été annulée le 12 décembre. Dans quel contexte l'appel à la grève générale avait-t-il été lancé ?
Jalel Ben Brik Zoghlami : Juste auparavant, il y avait eu la mobilisation de Siliana. Après des semaines de mobilisations organisées par l'Union régionale de l'UGTT, celle-ci avait lancé un appel à une grève pour le 27 novembre qui a été reconduite quatre jours de suite, malgré une répression féroce. Le 1er décembre, le gouvernement avait été obligé de reculer partiellement, notamment en écartant le gouverneur dont le départ était demandé.
Avec l'attaque islamiste du siège de l'UGTT du 4 décembre, le plan d'Ennahda de déchaîner la violence contre l'UGTT est apparu au grand jour. Et cela d'autant plus que c'était le soixantième anniversaire de l'assassinat de Farhat Hached, le grand leader du mouvement national et du mouvement syndical. Choisir cette date a été vécu comme quelque chose d'indigne par la population.
L'UGTT a immédiatement organisé des grèves régionales à Sfax, avec environ 50.000 manifestants, Tozeur, Siliana, etc. Le dimanche, de grands rassemblements ont eu lieu là où il n'y avait pas eu de grève.
Comme d'habitude, la bourgeoisie et surtout ce qui reste de cohérent chez elle, c'est-à-dire l'armée et la police, ont utilisé un truc très connu : appeler à la cohésion nationale en disant que du sang avait coulé et qu'un grand danger menaçait le pays. Ils ont également déclenché une campagne haineuse contre l'UGTT, suivant laquelle elle porterait attente à la cohésion nationale et à l'économie du pays. C'est dans ce contexte que l'UGTT a décidé le lendemain d'appeler à une grève générale pour le 13 décembre.
Sur quelles bases, la direction de l'UGTT a-t-elle annulé cette grève ?
Jalel Ben Brik Zoghlami : Certes, l'interdiction administrative des milices n'a pas été obtenue. Mais l'essentiel est qu'Ennadha et le gouvernement aient été mis à nu. Ils ont reconnu que l'UGTT avait été agressée, et ont dénoncé cette attaque. Ils ont également accepté la constitution d'une commission d'enquête.
L'UGTT a montré qu'elle ne défendait pas seulement les intérêts immédiats de la classe ouvrière ainsi que le syndicat, mais aussi les libertés et le peuple tunisien contre la violence des milices fascistes d'Ennahda. En même temps, l'UGTT a poussé à fond les contradictions au sein de la bourgeoisie, qu'elle soit dans l'opposition ou au pouvoir, et même au sein d'Ennahda. Suite à l'annulation de la grève, l'UGTT n'apparaît pas comme une direction aventuriste, voulant la grève pour la grève, mais une direction qui défend le peuple tunisien contre la violence. Un carton jaune a été décerné au gouvernement : si celui-ci recommence de telles attaques, une grève générale serait alors légitime aux yeux de tout le monde. Au-delà de l'interdiction des milices, la possibilité de chasser le gouvernement serait peut-être alors offerte.
L'UGTT ressort de cette épreuve avec une force et un poids social et démocratique renforcés.
Pour calmer ses militants et saper le moral des militants, Ennahda, veut faire passer le message que l'UGTT a reculé, alors que ce sont eux qui ont reculé. Ce serait faire une grave erreur de dire la même chose que nos ennemis. ■
Propos recueillis le 30 novembre et le 14 décembre par Dominique Lerouge
* Ancien prisonnier politique sous Ben Ali, Jalel Ben Brik Zoghlami est un des dirigeants de la Ligue de la gauche ouvrière (LGO, liée à la IVe Internationale), organisation participant au Front populaire pour la réalisation des objectifs de la révolution.
2. Le 17 décembre 2010, le geste désespéré de Mohamed Bouazizi, qui s'était immolé par le feu à Sidi Bouzid, a été le point de départ de la révolution tunisienne.
3. Nidha Tounes (Appel de Tunisie) est un parti constitué d'un mélange de " modernistes » et d'anciens Bénalistes, avec à sa tête l'ancien Premier ministre Caid Beji Essebsi.
4. Cela a abouti à la fondation, le 7 octobre 2012, du Front populaire, qui regroupe des organisations d'origine marxiste-léniniste (maoïste), de tradition nationaliste arabe baathiste ainsi que d'autres traditions politiques de gauche : trotskiste, socialiste, panarabe marxiste, nationaliste arabe nassérienne et écologiste. Son porte-parole est Hamma Hammami, dirigeant historique du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT).