La guerre en Libye, l'occupation militaire étrangère au Bahrein et l'anéantissement des révolutions arabes.
Certains pays, comme les Émirats Arabes Unis, qui participent ouvertement à l'occupation militaro-policière du Bahrein, se sont aussi portés volontaires pour l'intervention internationale en Libye. Ainsi, des régimes directement impliqués dans la répression dans un pays arabe, prétendraient agir contre répression et massacres dans un autre pays arabe ? Quelle hypocrisie ! Les militants de la solidarité internationale ne peuvent cautionner sous aucun prétexte cette duplicité qui menace l'avenir des révolutions démocratiques en cours dans l'ensemble du monde arabe, arabo-berbère et africain. En tout cas, et au-delà de la nécessaire évaluation des intérêts géostratégiques complexes en jeu, nous devrions nous interroger sérieusement sur notre rôle dans la situation actuelle. Comment pourrions-nous nous réjouir devant la militarisation croissante en Libye et ailleurs ?
Je voudrais le dire franchement aux amis libyens sincères dans leurs aspirations à la liberté : nous condamnons inconditionnellement les massacres des populations en Libye par Kadhafi et son régime. Mais je suis outré par les slogans " One, two, three, Viva Sarkozy » clamés à Benghazi, et par l'association du Conseil national de transition avec le va-t-en-guerre Bernard Henri Lévy. Amis Libyens, je voudrais aussi vous entendre condamner clairement les exactions racistes et les menaces à grande échelle à l'encontre des migrants noirs africains, égyptiens et autres, qui composent un quart de la population du pays. Je voudrais vous voir soutenir l'ensemble des peuples en lutte, à commencer par ceux du Bahreïn et du Yémen, aujourd'hui victimes d'une répression terrible menée avec la complicité directe de ceux qui prétendent par ailleurs vous venir en aide.
Amis de la solidarité internationale, lorsque nous soutenons le peuple libyen, ne taisons pas notre solidarité avec les luttes de tous les peuples arabes. Et n'ayons pas peur du débat contradictoire entre nous, y compris avec nos camarades libyens. Pas d'unité à minima ! Ne soyons pas complices de la balkanisation de la Libye et des pays de la région. Souvenons-nous aussi du précédent d'une Somalie démantelée sous les auspices d'une intervention militaro-humanitaire internationale sous le joli nom de " Restore hope », restaurer l'espoir... ■
Paris, le 18 mars 2011
* Mogniss H. Abdallah, écrivain, réalisateur et producteur égyptien installé en France. Il a publié J'y suis, j'y reste ! Les luttes de l'immigration en France depuis les années soixante, éd. Reflex, 2001 et a réalisé les documentaires : Minguettes 83 : paix sociale ou pacification ? (1983) ; Douce France, la saga du mouvement "beur" (1992) ; La Ballade des sans-papiers (1996/97)