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" Rassembler pour construire ensemble quelque chose de neuf ! », entretien avec Olivier Besancenot

par
Saint-Denis (France), 27 janvier 2008. Conférence de presse après le congrès de la LCR. Photothèque Rouge/JMB

Olivier Besancenot est l'un des porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR, section française de la IV<sup>e</sup> Internationale) et membre de son Bureau politique. Candidat de la LCR à l'élection présidentielle en 2002 et 2007, il a recueilli respectivement 1,2 million de voix (4,5 %) et 1,5 million de voix (4,2 %). Nous reproduisons ici l'interview faite au cours du 17ème congrès de la LCR, tenu à la Plaine-Saint-Denis du 24 au 27 janvier 2008, pour le bimensuel suisse <i>SolidaritéS</i> (n° 122 du 6 février 2008).

SolidaritéS : Y a-t-il dans l'histoire du mouvement ouvrier français ou international des précédents plus ou moins lointains à la construction du " nouveau parti anticapitaliste » (NPA), dont le congrès de la LCR a lancé le projet ?

Olivier Besancenot : Nous n'avons pas la prétention de tout réinventer. Mais, c'est vrai, ce projet est plutôt inédit. D'abord, il n'est pas si fréquent qu'une organisation politique qui n'a pas démérité — et connaît même quelques succès — se pose le problème… de sa disparition ! Bien sûr, il ne s'agit pas de passer par profits et pertes l'histoire du courant politique qu'a représenté la LCR. Mais, plutôt, d'écrire une nouvelle page, avec d'autres. Avec beaucoup d'autres. Et il ne s'agit pas non plus d'une fusion entre courants politiques, même si nous sommes prêts à débattre avec tous ceux qui pourraient être intéressés par ce projet. En fait, ce projet s'appuie sur l'analyse d'une situation nouvelle, en particulier l'ampleur de la crise du mouvement ouvrier. Et sur l'idée qu'il est à la fois urgent et possible de franchir une étape. C'est urgent du fait de la violence des attaques patronales et du vide sidéral de la gauche institutionnelle. C'est possible car, malgré les points marqués par le Medef (1) et la droite, les couches populaires manifestent toujours de remarquables capacités de résistance et il existe une attente de quelque chose de neuf.

SolidaritéS : Le NPA vise à intégrer des courants provenant des diverses traditions de la gauche radicale. Cette intégration a-t-elle pour condition une discussion explicite portant sur l'héritage de ces traditions, ou peut-elle s'effectuer par la seule pratique et la convergence des luttes concrètes ?

Olivier Besancenot : La discussion sur les différents " héritages » idéologiques et historiques peut être intéressante. Elle se poursuivra d'ailleurs sans doute longtemps. Mais on ne peut pas commencer par ça ! D'autant que l'objectif prioritaire est de rassembler des hommes et des femmes qui, justement, n'ont pas une longue histoire d'engagement partidaire et ne se revendiquent d'aucune de ces traditions en particulier… L'une des raisons principales — même si ce n'est pas la seule — de l'échec des tentatives précédentes de rassembler les différents courants anticapitalistes est que c'était une démarche " par en haut » et qui, inévitablement, venait buter sur le passé des uns et des autres, sur leurs divergences anciennes. Cette fois-ci, on va essayer de faire autrement. Et de partir des pratiques communes, de tous les combats que, d'ores et déjà, on mène ensemble, des luttes de résistance qui nous rassemblent au quotidien. Et qui, en pointillé, tracent les contours d'un projet radical et révolutionnaire de changement de société.

SolidaritéS : Quelle sera l'attitude du NPA face aux institutions politiques existantes ? A-t-il par exemple pour vocation de prendre part à la gestion de communes ou de régions, dans le cadre d'alliances avec d'autres partis de gauche ou de manière indépendante ?

Olivier Besancenot : Participer aux institutions et à la gestion n'est pas une question de principe. Les sociaux-libéraux et leurs alliés nous reprochent volontiers de ne jamais vouloir " mettre les mains dans le cambouis » des responsabilités politiques. C'est inexact. Nous n'avons pas une âme de simples " témoins » ou de " loosers » : notre objectif est bien de participer à la mise en œuvre des mesures et de la politique que nous défendons. Mais pas de servir de caution de gauche à des politiques social-libérales ! Et c'est là que réside le problème de fond et ce qui nous différencie de beaucoup de courants " antilibéraux » : nous n'envisageons pas de participer à une coalition (avec le PS) qui, " au pouvoir » (local, régional, national), appliquerait chaque jour de la semaine une politique… contre laquelle nous manifesterions le week-end ! Les Verts et surtout le PCF l'ont tenté, il y a quelques années, sous le gouvernement Jospin. Avec les résultats que l'on connaît : leur naufrage et un discrédit supplémentaire jeté sur l'engagement politique. Imposer — comme nous le préconisons — la redistribution des richesses en faveur de l'immense majorité de la population qui les produit par son travail conduira inévitablement à la confrontation avec la petite minorité qui, aujourd'hui, se les accapare. Cela implique donc un véritable rapport de force dans la société… et pas seulement dans les institutions.

SolidaritéS : Le NPA sera-t-il un parti révolutionnaire, comme l'a été la LCR, et si oui quel sens revêt ce mot dans le contexte actuel ?

Olivier Besancenot : Révolutionnaire et " révolutionnaire comme l'a été la LCR » ? Sans doute pas… Sinon, on se contenterait de continuer — et de continuer la LCR! — comme avant, en mieux évidemment ! Il faut, bien sûr, un socle commun : la défense de propositions radicales, l'opposition au système capitaliste, l'engagement résolu dans les mobilisations, l'indépendance politique par rapport au PS. Ce socle commun ne répondra pas a priori à toutes questions, tactiques ou stratégiques. Certaines resteront ouvertes. Mais nous pensons qu'il existe des dizaines de milliers d'hommes et de femmes qui sont disponibles pour construire un parti pour les luttes et les mobilisations. Une gauche qui ne lâche rien face aux attaques de la droite et aux renoncements de la gauche. Une nouvelle représentation politique pour le monde du travail, la jeunesse et les victimes des différentes oppressions. Une gauche qui ne restreint pas son ambition à limiter les dégâts de la mondialisation capitaliste, mais qui veut toujours en finir avec le système et changer radicalement la société. Et même, à vrai dire, changer de société ! Ces dizaines de milliers d'hommes et de femmes prêts, comme nous à " révolutionner la société », nous n'entendons pas leur imposer notre passé, qu'il s'agisse de l'histoire générale du trotskisme ou de l'histoire spécifique de la LCR. Mais les rassembler pour construire ensemble quelque chose de neuf !

notes
1. Le Mouvement des entreprises de France, en abrégé Medef, est une organisation patronale représentant les dirigeants des entreprises françaises. Il a été créé le 27 octobre 1998, date à laquelle il a remplacé le Conseil national du patronat français (CNPF). Depuis juillet 2005 il est présidé par Laurence Parisot.

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