Claudio Grassi est sénateur, membre de la direction nationale du Parti de la refondation communiste (PRC) et coordinateur du courant " Essere Comunisti » (appelé aussi " L'Ernesto » du nom de sa revue). Ce courant a obtenu 26 % des voix lors du VIe congrès du PRC en 2005. Salvatore Cannavò est député, membre de la direction nationale du PRC, directeur-adjoint du quotidien du PRC Liberazione et un des animateurs du courant " Sinistra Critica » (Gauche critique, appelé aussi " Erre » du nom de sa revue) qui a obtenu 6,5 % des voix lors du VIe Congrès du PRC. S. Cannavò est membre du Bureau exécutif de la IVe Internationale. Nous reproduisons ici le projet de résolution présenté par les deux courants au vote de la Direction nationale du PRC le 17 juillet, projet qui a été minoritaire, la majorité du parti s'engageant résolument derrière Prodi.
Nous vivons une phase très difficile et dramatique de la politique internationale. En ce moment une nouvelle vieille guerre réémerge violemment au Moyen-Orient, avec les bombardements aveugles de civils, la terreur d'État, le refus unilatéral du dialogue et de la négociation. Une guerre qui s'ajoute et qui s'imbrique aux effets dramatiques de l'intensification de la guerre, depuis l'Irak jusqu'à l'Afghanistan, contre laquelle nous nous battons depuis toujours.
Comme le dit l'appel de l'assemblée pacifiste du 15 juillet, " la guerre se présente toujours plus comme le moyen privilégié des États les plus puissants de la planète, et derrière eux des multinationales, pour construire un "ordre" international fondé sur la domination et sur l'oppression, qui engendrent la mort, la misère et sans cesse plus de marques de pauvreté. La guerre s'érige donc en un système politique global dans sa version la plus répugnante, celle de l'unilatéralisme états-unien ou au travers de sa version tempérée du multilatéralisme sous la couverture de l'ONU et de l'OTAN ».
C'est contre cette guerre que nous entendons nous battre sans médiations, car face à la guerre il n'y a pas de demi-mesures. Si la guerre est un système de domination et d'oppression — qui ne sert pas à réduire ou à affaiblir les phénomènes terroristes comme l'histoire récente l'a démontré — le NON à la guerre est le fondement d'une identité politique collective du mouvement accumulée lors des manifestations contre la guerre du Kosovo, puis de celles contre la " guerre préventive sans fin » menée en Afghanistan et en Irak.
C'est pourquoi nous nous opposons aux mesures proposées par le gouvernement qui prévoit — après l'important retrait de l'Irak, fruit des puissantes mobilisations du mouvement pacifiste — le maintien des troupes italiennes en Afghanistan, ce qui non seulement est contraire à l'article 11 de la Constitution, mais s'oppose à l'esprit et aux aspirations de ce mouvement. Il s'agit d'une mesure qui viole l'engagement du programme de l'Union qui acceptait le caractère exceptionnel des votes concernant les missions extérieures (2). Il n'est pas surprenant que cela soit défini par le précédent ministre des affaires étrangères, Fini, comme une attitude " similaire » à la sienne, marquant ainsi la continuité avec la politique du gouvernement précédent.
Au cours des prochaines heures et des prochains jours le PRC devra se battre pour modifier le projet de loi que le gouvernement présente au Parlement, pour proposer une stratégie du retrait de l'Afghanistan et pour mettre fin à la mission Enduring Freedom (3) à laquelle l'Italie participe sans aucune clarté sur ses objectifs réels.
Mais l'engagement pacifiste ne se mesure pas sur le seul terrain de l'initiative parlementaire.
Il doit s'adresser au mouvement et servir de déclencheur d'un cours nouveau et d'une nouvelle initiative unitaire et radicale capable de remettre au centre de l'attention du pays le refus de la guerre. Cette initiative passe aujourd'hui par une solidarité totale avec le peuple palestinien pour la constitution d'un État laïque et démocratique, qui inclue les territoires occupés en 1967 et qui ait Jérusalem pour capitale. Pour être réalisé cet objectif impose des conditions substantielles : le cessez-le-feu immédiat, le retrait d'Israël des territoires occupés, le démantèlement du Mur, le déblocage des aides européennes au gouvernement palestinien légitime. Le gouvernement italien doit s'engager sur ces points et commencer par réviser l'accord de coopération militaire avec Israël. L'ONU doit envoyer un contingent d'interposition dans les territoires occupés.
Le retrait des troupes " de l'Irak et de l'Afghanistan » doit être accompagné d'une initiative de paix et d'un engagement de l'Italie en direction de la coopération civile. Ceci signifie la remise en cause du rôle de gendarme mondial de l'OTAN, à commencer par la révision des accords de Washington de 1999.
Le refus des bases militaires étrangères et de toute présence des armes nucléaires sur le sol de l'Italie constituent un autre objectif important du mouvement contre la guerre.
Finalement il faut relancer la campagne pour la réduction des dépenses militaires et pour une révision complète du nouveau modèle de Défense, qui prévoit la multiplication des missions militaires à l'étranger, pour une politique de désarmement et de reconversion de l'industrie de l'armement sans pénalisation pour ses travailleuses et travailleurs. Sur toutes ces questions il faut renforcer les initiatives de mobilisation en cours et construire les conditions unitaires du futur.
Les choix qui s'annoncent sont difficiles et réclament une grande responsabilité de nous tous. Le PRC n'entend pas mettre en débat le cadre actuel du gouvernement mais seulement réaffirmer avec fermeté son refus de la guerre, en tant qu'élément constitutif de son identité et de son orientation — qui passent avant les tactiques parlementaires. Pour cela la Direction nationale du PRC invite le gouvernement à un geste de disponibilité, qu'il pourrait réaliser en modifiant la mesure relative aux missions internationales, ce qui permettrait, avec un vote de conscience, un renforcement de la confiance de sa majorité parlementaire.
Un tel choix, finalement, doit être aussi fait en ce qui concerne le document de la programmation économique et financière (DPEF). En fait, ce document mérite l'attitude qui a été celle de la délégation du PRC au Conseil des ministres. Une attitude que nous avons partagée et que nous soutenons pleinement. Le gouvernement doit modifier le document qui sera soumis à l'approbation du Parlement, en particulier en y éliminant toute référence à la réduction des dépenses affectées aux retraites, à l'emploi public, aux budgets locaux et sociaux. De même toute référence à la " modération salariale » doit disparaître. Le gouvernement Prodi a été formé pour réaliser une rupture avec les politiques libérales du passé. Cette discontinuité ne peut passer par la contemplation des coupes dans l'État social, de la détérioration des conditions de vie des travailleurs, de la réduction des services publics. Au contraire elle passe par une forte relance de l'amélioration des conditions de vie des travailleurs à partir de l'abrogation de la loi 30, de même que la loi Bossi-Fini et la loi Moratti (4), qui constituent le pire héritage du gouvernement précédent.
C'est dans cet esprit que Rifondazione comunista affrontera la discussion parlementaire sur le DPEF. Mais en premier lieu le PRC soutiendra les initiatives du mouvement contre la précarité, à commencer par la manifestation appelée pour le mois d'octobre par l'assemblée de Rome du 8 juillet du réseau " Stop Precarietà Ora » [" Arrêt de la précarité maintenant »]
2. La législation italienne prévoit que le Parlement ne peut voter le financement des missions extérieures — autrement dit l'envoi des armées hors des frontières — au-delà d'une période de 6 mois. Les accords constitutifs de l'Union prévoyaient que les députés seront autorisés de voter selon leur conscience dans ce domaine. Mais dès le premier vote le gouvernement Prodi a décidé de passer en force, en engageant la responsabilité de son gouvernement pour ce vote au Sénat, où l'Union n'a que deux voix de plus que le bloc de Berlusconi.
3. " Nous avons ouvert un nouveau front dans notre guerre contre le terrorisme ». Par ces mots, le porte-parole de la Maison-Blanche a annoncé le dimanche 7 octobre 2001, le début de l'opération " Enduring Freedom »(Liberté immuable). La nouvelle guerre d'Afghanistan venait de commencer. Elle dure toujours…