Huanuni constitue la première " page noire " du gouvernement d'Evo Morales qui, tout en devant faire face aux tensions permanentes générées par la droite, se voit peu à peu confronté à des conflits sociaux émergeant depuis " son propre camp ". Par exemple, le mouvement mineur coopérativiste, allié au Mouvement vers le socialisme (MAS) depuis 2005, en constant essor depuis 1985, date à laquelle la fermeture d'une grande partie des mines d'État fut le point de départ d'une série de mesures marquant la conversion de la Bolivie au néolibéralisme. C'est donc le chômage des mineurs et leur obligation de " s'auto-employer " en exploitant les mines abandonnées, qui est à l'origine du boom du coopérativisme. Avec l'augmentation des prix des minerais, cependant, le coopérativisme se convertit progressivement en un juteux négoce, qui ne tarda pas à donner naissance à une véritable " aristocratie ", employant des mineurs à son propre compte et cherchant à accaparer les mines publiques en les prenant d'assaut, comme ce fut le cas les 5 et 6 octobre, lorsque les mineurs d'une coopérative ont tenté de prendre d'assaut la mine publique du Cerro Posokoni, laissant derrière eux un sombre bilan de seize morts et 81 blessés.
Les poids politique et démographique des coopérativistes ont contribué à ce que le MAS s'allie avec eux. Cependant, une fois au gouvernement, leur attitude se cantonna à une posture de défense aveugle de leur secteur, contradictoire avec le projet nationaliste de Morales : ainsi, au cours de son mandat, le ministre des Mines, le coopérativiste Walter Villarroel, freina toute réactivation concrète du secteur public, et alla jusqu'à imputer la responsabilité de la crise de Huanuni aux mineurs salariés.
La rupture, dès le 6 octobre, de l'alliance avec les coopérativistes et la destitution de Villarroel ont imposé un brutal changement de cap. Le 15 octobre, le président bolivien, Evo Morales, a annoncé la nationalisation de l'ensemble du secteur minier, dont les modalités seront présentées le 31 octobre. Cette décision historique est la conséquence directe de la tragédie de Huanuni et pourrait contribuer à redorer le blason du gouvernement, dont la popularité est en crise, y compris au sein des organisations syndicales et sociales.