Nous reproduisons ici le document adopté par la Coordination nationale de la Gauche critique (Sinistra critica) le 18 mars 2007. Traduit de l'italien par J.M. avec l'aide des traducteurs en ligne Systran et Reverso.
1. La crise gouvernementale provoquée lors du vote sur la politique étrangère du gouvernement Prodi a été pour l'essentiel une crise de la vérité. Adossé aux responsabilités, coincé maintenant entre les dissidents de gauche d'une part et la triade États-Unis-Confindustria-Vatican (1) de l'autre, le gouvernement est en réalité dans une crise qui a mis en évidence plusieurs de ses caractéristiques :
a) La réalité d'une majorité qui n'a pas remporté les élections l'an dernier, qui ne jouit d'une vaste majorité à la Chambre que du seul fait d'un mode électoral qui avantage les premiers, mais qui au sein du Sénat n'a pas de majorité sur le territoire italien et ne résiste que du fait de l'apport des voix des Italiens expatriés. Une réalité qui témoigne mieux de la réalité des rapports de forces dans le pays et de la force de l'Unione (2).
b) Les relations politiques au sein de la majorité gouvernementale, dominé par le noyau libéral-réformiste qui tend à imposer ses choix et sa politique aux alliés en essayant d'étouffer la rébellion, comme ce fut le cas en ce qui concerne la guerre. L'adoption des 12 points (3) en constitue l'emblème.
c) Une usure progressive du soutien au gouvernement et à la majorité parlementaire de ceux-là même qui avaient voté en sa faveur l'an dernier. Une usure qui a déjà fait son apparition lors de l'approbation de la loi de finances — sifflée à Mirafiori — et qui a explosé dans le cas de la base militaire de Vicenza. Le fait que la crise s'est manifestée quatre jours après la manifestation du 17 février n'est pas fortuit, comme n'est pas fortuit le fait que le gouvernement ait décidé de répondre à cette protestation en accentuant son cours pro-étatsunien et en imposant " le silence » aux élus.
d) La faillite de la stratégie de Rifondazione comunista voulant être à la fois un parti de lutte et un parti de gouvernement. Les luttes ont porté Rifondazione au gouvernement mais il n'a pas réussi à accomplir l'opération inverse du fait de l'immense erreur du congrès de Venise : une analyse des rapports de forces dans le pays faisant croire qu'il était possible de constituer un gouvernement avec une partie consistante de la bourgeoisie italienne — autrement dit, une fois usées ses propres forces, la gauche est prête à favoriser la naissance d'un néocentrisme — et une analyse de la gauche réformiste supposée " perméable » aux luttes et au conflit social. En réalité, chaque acte de protagonisme social au cours des premiers dix mois du gouvernement Prodi a été confronté à la surdité et à l'imperméabilité du gouvernement lui-même. Le refus de reconnaître cette réalité-là est à la source de la crise actuelle de Rifondazione.
2. Dans ce contexte, le choix accompli par Franco Turigliatto au Sénat a été le seul possible pour une gauche qui veut s'opposer à la guerre, qui veut maintenir le lien avec les luttes des mouvements sociaux et qui refuse de se soumettre aux chantages de la gauche libérale. Un choix que ne contredit pas le renouvellement de la confiance au gouvernement Prodi en étant clair que nous nous reconnaissons dans la formule d'un soutien de l'extérieur et d'évaluation au cas par cas des actes de l'exécutif.
Du reste, après la réécriture du programme électoral réalisé avec la formule de 12 points, après l'attitude du gouvernement en ce qui concerne la base militaire de Vicenza, après la prolongation de la mission de guerre en Afghanistan, le PRC lui-même devrait retirer ses ministres et passer à un appui de l'extérieur.
Il doit être clair que nous ne serons pas disponibles pour soutenir des mesures telles que la contre-réforme des retraites, ou la construction du TAV (4) ou tout autre mesure antipopulaire ou guerrière, même si le gouvernement Prodi présente périodiquement un tel soutien comme étant indispensable à sa survie.
3. Rifondazione a réagi à sa crise en puisant dans les pires traditions de la gauche institutionnelle italienne. Avec l'expulsion de Franco Turigliatto, il a non seulement dépoussiéré les automatismes de la tradition stalinienne, en effleurant la farce, mais encore il a montré le visage violent et fermé d'un parti de pouvoir et de gouvernement. En effet Turigliatto est expulsé pour avoir " endommagé » le gouvernement et on lui monte un " procès » basé sur les " témoignages » plein de fiel d'un présumé peuple de gauche qui accuserait le PRC de ne pas se plier à la logique de l'alliance gouvernementale.
Le spectre de 1998 (5) doit être " éloigné », autrement dit effacé de l'identité actuelle du parti et de sa stratégie à moyen terme. La gouvernabilité devient donc pour l'actuel groupe dirigeant un principe et ce faisant il espère — une autre illusion — retrouver le consensus dans l'arc du centre-gauche, de l'Unione, qui sont devenus maintenant l'unique orientation de sa politique. L'idéal d'une alternative de gauche, alternative aussi au centre-gauche, disparaît pendant que l'axe de la gauche de gouvernement est aussi confirmé par le dernier (!) virage de Fausto Bertinotti : au-delà de la Gauche européenne il veut construire une gauche " socialiste », à gauche du Parti démocrate. Cette ouverture à l'aile gauche des DS, en envisageant avec elle un nouveau processus constituant, permettrait de clore l'anomalie représentée au cours des derniers quinze ans et, en une reformulation de la vieille motion 2 du PCI (6), mettrait un point final à l'histoire de la Refondation communiste.
Il s'agit bien sûr d'un processus tendanciel. Mais il rend intelligibles la confusion et la frustration du corps militant du parti, engagé pleinement dans la construction d'une gauche européenne inconsistante et indéfinie alors que le groupe dirigeant pense déjà à la préparation d'une réorganisation encore plus profonde de la gauche.
4. Le mélange d'une dérive gouvernementale, des pratiques d'expulsion, du dépassement du PRC dans une nouvelle " gauche » à forte matrice socialiste contribuent à clore le cycle de Rifondazione. A la logique du gouvernement avec l'Unione et à celle d'une gauche " social-démocrate », nous pensons qu'il faut opposer le projet d'une Gauche alternative, d'une gauche anticapitaliste dans l'esprit qui avait animé et permis de renforcer le PRC. C'est-à-dire d'une gauche mouvementiste et non institutionnelle, qui " se compromet » donc avec les luttes et leurs issues, qui est ancrée dans le processus de recomposition sociale rendu nécessaire aujourd'hui du fait de la crise plus générale de toute la gauche.
C'est pourquoi nous soutenons, dans l'actuelle conférence d'organisation du PRC, le document que nous avons proposé, le seul qui soit en continuité avec l'histoire de Rifondazione depuis 1998. Et ce n'est pas par hasard que Turigliatto ait été expulsé justement avec la volonté de rayer 1998 de l'histoire du PRC.
Au moment même où la majorité du PRC s'apprête à lancer un nouveau projet de recomposition de la gauche, dont la construction de la Gauche européenne représente un élément constitutif, nous pensons qu'il faut suivre une autre route. C'est le sens de notre engagement dans la relance du projet de recomposition de la Gauche alternative — alternative au gouvernement, alternative aux forces réformistes, alternative au capitalisme et alternative aux droites.
5. C'est dans ce but que nous avons lancé la proposition d'un " Forum de l'opposition sociale » — lieux unitaires de lutte, autonomes envers le gouvernement. Des lieux qui, en retrouvant le meilleur esprit des forums sociaux, puissent servir de point d'appui et impulser les luttes les plus urgentes de la phase actuelle.
Car nous pensons qu'un processus de recomposition d'une gauche alternative n'est possible que s'il repart de la base, des luttes, des expériences et des pratiques communes, de la réflexion autour d'elles.
Il s'agit là de mettre en marche un processus et d'y investir le maximum de nos énergies en pratiquant même une " désobéissance active » par rapport aux choix de la majorité du PRC.
6. Nous savons en même temps qu'un tel projet a besoin d'énergies, de ressources et de la volonté collective. C'est pourquoi nous voyons dans l'Association Gauche critique l'instrument essentiel de ce projet : pour œuvrer activement à l'opposition sociale et politique et pour remettre en mouvement le processus de construction d'une véritable gauche anticapitaliste qui, évidemment, ne pourra se réduire à nos seules forces. Au contraire, nous pensons nous investir dans un processus pluriel et collectif qui se réalisera en cours de route.
La clarté des positions et l'autonomie de l'Association constituent les fondements de ce parcours.
L'Association constitue donc un nouvel instrument de travail, participatif et collectif, et sa construction représente l'axe de notre travail politique.
Pour cette raison, nous proposons d'organiser une nouvelle grande assemblée-manifestation le 14 avril, largement ouverte aux contributions, autour du thème " contre la guerre et pour l'opposition sociale ».
Puis nous lancerons une véritable campagne nationale d'adhésions à la " Gauche critique, association pour une gauche alternative », qui va serpenter à travers des fêtes et des initiatives locales pour arriver à la première fête nationale de la Gauche critique en juillet prochain. En septembre, nous réaliserons un important séminaire d'analyse, sur la crise de la gauche, la situation sociale, les formes d'action politique et la construction des mouvements.
7. Dans l'immédiat ce projet s'attellera à la construction des luttes et des formes diverses d'opposition sociale :
— contre la base de Vicenza, contre l'aéroport Dal Molin ;
— contre le TAV, solidarité avec Val di Susa ;
— non à la contre-réforme des retraites, non à la précarité ;
— non aux ingérences de l'Église, oui aux unions civiques, vers la Pride du 9 juin ;
— non à la loi Bossi-Fini et non à la tentative de rééditer la loi Turco-Napoletano (7) ;
— non à la guerre, sans si et sans mais ! Au groupe dirigeant de Rifondazione nous envoyons le énième message : nous vivons l'expulsion de Franco Turigliatto comme une expulsion collective. Nous ne pouvons l'accepter et nous confirmons que " Toutes et tous nous sommes Franco Turigliatto ! »
Nous continuerons à en demander le retrait lors de la conférence d'organisation tout comme nous continuerons à exiger de repenser la ligne politique et la présence dans le gouvernement.
C'est pour cela que nous demandons un congrès extraordinaire.
Nous nous déclarons prêts à nous auto-suspendre des charges exécutives et nous confirmons les auto-suspensions de la Direction nationale et du groupe parlementaire de la Chambre des représentants.
Aux militants du PRC, nous demandons de continuer la bataille pour construire une gauche alternative, une gauche de lutte et non institutionnelle, une gauche anticapitaliste, féministe, écologiste et internationaliste.
1. Confindustria est le nom de l'association patronale italienne.
2. L'Unione (Union) est le nom de l'alliance électorale de centre-gauche, qui regroupe autour de Romano Prodi plusieurs organisations politiques, dont la Marguerite (démocrates-chrétiens), les Démocrates de gauche (DS, ex-PDS, ex-PCI) et Rifondazione (Parti de la refondation communiste, PRC).
3. Nous reproduisons les 12 points que Romano Prodi a imposés lors de la formation de son second gouvernement de l'Unione en p. …
4. Le TAV est un projet de train à grande vitesse dans la vallée Val di Susa, contre lequel toute la population locale s'est mobilisée avec le soutien de divers mouvements sociaux.
5. En octobre 1998, le PRC a décidé de retirer le soutien de ses parlementaires au premier gouvernement Prodi, provoquant sa chute. Cette décision a été possible du fait d'une alliance de direction entre les courants trotskistes et le courant dirigé par Fausto Bertinotti. Cette décision a marqué le début d'un tournant à gauche du PRC, s'attachant à construire un parti de lutte, animant les mouvements sociaux.
6. Lorsque Occhetto proposa d'abandonner le nom de PCI, un front de refus se constitua autour d'une seconde motion, qui proposait de préserver le nom du parti tout en acceptant pour l'essentiel sa social-démocratisation.
7. La loi dite Bossi-Fini est une loi raciste sur l'immigration imposée par le gouvernement Berlusconi. La loi Turco-Napoletano, entrée en vigueur en mars 1998 sous le premier gouvernement dirigé par Romano Prodi, était déjà une loi restreignant les droits des immigrés...