De la révolte au processus

par Karina Nohales

Les élections constituantes des 15 et 16 mai 2021 ont renversé l'échiquier.

Chronologie 2019-2021 du Chili (Inprecor)

Il y a un peu plus d'un an, nous affirmions que le sursaut social d'octobre 2019 avait été une première tentative de briser les manœuvres contre la lutte des classes de la transition post-dictatoriale. Nous avions également affirmé que, acculés par l'irruption populaire, les partis de l'ordre ont permis le processus constitutionnel dans l'espoir de désactiver la révolte et de fermer par le haut ce que le peuple a ouvert par le bas. Enfin, nous affirmions que ce processus constitutionnel, compris au début comme une garantie de gouvernabilité, est apparu de moins en moins comme un événement prévisible et contrôlé, devenant une boîte de Pandore qui, loin de fermer le ban, l'ouvrait à chaque pas.

C'est à ce moment-là que la pandémie est arrivée au Chili, repoussant l'itinéraire constitutionnel et créant chez beaucoup le sentiment que la révolte appartenait au passé. Mais il n'y a pas de délai qui ne doive pas être respecté ni de dette qui ne doive pas être payée. Les élections ont montré que la révolte continue toujours et qu'elle est entrée sur le terrain de sa transformation en processus, débordant à la fois le dessein oligarchique convenu par les partis de l'ordre et le fatalisme de divers secteurs de la gauche extra-parlementaire, habitués à prédire des défaites. Cette fois, le peuple a fait confiance à ses propres forces et il a gagné.

Du plébiscite d'octobre 2020 à la constitution des listes électorales

Le 25 octobre 2020, l'option " j'approuve » s'est imposée avec 80 % lors du plébiscite visant à consulter la population pour savoir si elle voulait ou non une nouvelle Constitution. Les sondages précédents prévoyaient, à juste titre, une victoire de l'approbation à plus de 70 %. Le rejet n'a gagné que dans cinq des 345 municipalités du pays, une dans l'extrême nord, une autre en Antarctique, puis dans les trois municipalités de la capitale où les super-riches sont concentrés.

Le monde social organisé, critique de l'Accord qui a permis le processus constitutionnel, a appelé à voter largement dans le plébiscite dans le but d'infliger une défaite décisive à la droite, de la démoraliser, et d'affirmer ainsi la confiance en soi des couches populaires. Et, en effet, le résultat écrasant a suscité l'enthousiasme et diverses organisations ont immédiatement commencé à discuter de la possibilité de présenter des candidatures à la Convention constitutionnelle.

Des secteurs importants d'organisations ont décidé de présenter leurs candidatures de manière indépendante, c'est-à-dire en dehors des partis politiques qui ont administré les 30 dernières années, ainsi que de ceux qui ont signé l'Accord et les lois répressives qui l'ont suivi. Un large débat, invisible depuis les sommets, s'est à nouveau emparé des espaces organisés, une pulsation vivante limitée par le contexte de la pandémie, mais pour autant non moins latente. Le processus constitutif ouvert en octobre a poursuivi son cours et s'apprête à récupérer la propriété qui lui a été confisquée par une mesquine interprétation institutionnelle.

Bien que les personnes qui n'appartiennent pas à des partis légalement constitués puissent normalement être candidates seulement en occupant un quota sur les listes des partis, pour cette élection extraordinaire, les indépendantÀes ont été autorisés à former leurs propres listes électorales, ce qui n'est pas possible pour aucune autre sorte d'élection, y compris les élections législatives.

Pronostics antérieurs

Aucun institut de sondage de l'establishment n'a osé publier des prévisions de résultats de cette élection. Plusieurs représentants des partis de l'ordre se sont dévoués pour affirmer dans les médias hégémoniques que la Convention constitutionnelle serait intégrée de manière similaire au Parlement actuel, c'est-à-dire sans surprises significatives.

Plus ou moins tout le monde, y compris les organisations populaires, était d'accord sur le fait que l'unité de tous les partis de droite dans une liste unique au niveau national - alors que l'opposition était hétérogène et dispersée - se traduirait par une confortable surreprésentation de ce secteur dans le corps constituant. Et la droite n'avait besoin que d'un tiers des représentants pour pouvoir bloquer toute transformation structurelle.

La seule prédiction proche de ce qui s'est finalement produit fut celle d'Axel Callís, analyste politique et directeur de l'institut de sondage DataInfluye, qui s'est limité à affirmer que lors de cette élection il pourrait y avoir " une réinitialisation de tout ce qui est connu ».

Finalement, la droite n'en a pas obtenu un tiers, l'ancienne Concertation s'est disloquée et la révolte est entrée en masse dans la Convention. Le sentiment général était celui de la surprise. Pour les partis de l'ordre, une surprise qui s'est produite malgré eux ; pour le peuple, une surprise qui s'est produite grâce à lui, une surprise qu'il a délibérément choisie ; et c'est ce désir qui a orienté les efforts et les mesures prises, produisant le résultat. Ça a marché, tout simplement ! Quand un peuple a fait l'expérience de sa force, comme en octobre, aucun accord au sommet ne peut arrêter sa volonté de transformation.

Composition de la Convention constitutionnelle

Les pressions sociales sur la démocratisation du processus constitutionnel ont permis l'adoption institutionnelle de mécanismes de participation qui ont déplacé la centralité des intermédiaires classiques du système politique, à commencer par les partis.

À plusieurs reprises nous avons pu voir que les irruptions sociales se font intégrer dans les institutions, de diverses manières et par divers acteurs, ce qui transforme à la fois leur dynamique et leur contenu. Le cas exceptionnel que les indépendants aient pu participer à ces élections en présentant leurs propres listes s'est traduit par le fait que la révolte sociale a pu entrer directement à la Convention constitutionnelle, avec le minimum de médiations.

La Convention constitutionnelle est composée de 155 membres, dont 17 sièges réservés aux peuples autochtones, et elle est également paritaire. La droite a remporté 38 sièges, dont 16 indépendants dans les quotas des partis de droite. L'ancienne Concertación (alliance entre le Parti socialiste et la Démocratie chrétienne) a remporté 25 sièges, dont 11 indépendants dans les quotas de ces partis, alors que la DC en tant que telle n'a obtenu qu'un seul siège. L'alliance du Parti communiste et du Frente Amplio a obtenu 28 sièges, dont 13 indépendants.

Les indépendants élus sur des listes indépendantes sans tutelle de parti sont au nombre de 48. 11 d'entre eux font partie de la liste indépendante non neutre, alignée sur l'ancienne Concertación et financée par les grandes entreprises.

Sur les 155 élus, seulement 52 militent dans des partis, le reste étant des indépendants de tous les secteurs. Sur les 17 sièges réservés aux peuples indigènes, la majorité, 9 d'entre eux, sont de gauche, 5 de centre-gauche et 3 de droite.

Quelle que soit la façon dont elles et ils ont été élus à la Convention constitutionnelle, les constituantÀes de gauche sont 78 (élus sur des listes de parti, dans des quotas indépendants, sur des listes indépendantes et sur des sièges réservés). Les éluÀes identifiés comme étant du centre sont 36. La droite totalise 41 élus.

À l'exception de la liste de droite et de celle de l'ancienne Concertación, beaucoup plus de femmes que d'hommes ont été élues sur toutes les autres listes et pour les sièges réservés. La parité - sans précédent dans le monde pour ce type de processus - a dû être appliquée pour corriger la sous-représentation des hommes. Alors que onze hommes sont entrés à la Convention en vertu de la correction paritaire, ce fut le cas pour seulement cinq femmes.

Ce résultat confirme que le féminisme a réussi à devenir non seulement un contenu politique incontournable dans cette période, mais que dans le camp populaire il est reconnu comme étant le porteur légitime des aspirations des peuples pour une transformation sociale. Avec le féminisme du mouvement social, le programme politique contre la précarisation de la vie a fait son entrée dans la Convention.

Dans les élections à venir, il est nécessaire de se battre pour une parité dont le résultat n'a pas de plafond, c'est-à-dire de maintenir une parité d'entrée et une parité de sortie qui garantisse une représentation d'au moins 50 % de femmes, mais sans limite maximale, comme c'était le cas cette fois-ci.

Une absence importante

Du côté du monde social organisé prévaut la représentation des organisations de lutte socio-environnementale et féministe, ainsi que des organisations et assemblées territoriales. Du côté du monde social non organisé, s'imposent les figures qui ont été dans les rues depuis le début de la révolte jusqu'à aujourd'hui, résistant et dénonçant la répression.

La révolte est entrée en masse dans la Convention, mais le syndicalisme a été laissé de côté. La principale confédération syndicale du pays (CUT) a présenté 22 candidatures, aucune n'a été élue. Le même sort a été réservé aux candidatures du syndicat des enseignants, des employés du fisc, de la santé et de certains syndicats du secteur privé, tels que le syndicat du port et celui de Starbucks. NO+AFP, un espace qui a mené les mobilisations massives pour la fin du système de retraite privé actuel et dont la composition est principalement syndicale, a présenté 19 candidatures et une seule d'entre elles a été élue. En revanche, deux femmes qui représentent des organisations de travailleurs non salariés (aides-soignants) - des emplois qui n'ont pas encore trouvé leur espace dans le syndicalisme traditionnel - ont été élues.

De nombreux diagnostics et bilans critiques longuement rabâchés expliquent ce manque d'identification mutuelle entre la révolte et le syndicalisme. Sans aucun doute, il s'agit en partie de la ruine du syndicalisme de la transition, subordonné aux partis de ces 30 dernières années ; il s'agit aussi en partie de l'impuissance d'une forme syndicale qui ne parvient pas - dans de nombreux cas, sans même tenter de le faire - à intégrer les nombreuses couches de travailleurs informels, sans emploi, non rémunérés, migrants, désireux de s'organiser et de lutter, mais pour lesquels la forme organisationnelle des syndicats apparaît déconnectée. Mais que ces questions soient plus ou moins discutées, le fait est que, contrairement à d'autres débats, le débat programmatique et idéologique sur le travail salarié ne sera pas porté par les représentants syndicaux au sein de la Convention constitutionnelle. Pour le mouvement social et, en particulier, pour le mouvement féministe, se pose l'importante tâche politique de s'approprier légitimement ce débat, d'autant plus que, le 29 mai dernier, le PS a remporté les élections à la CUT, évinçant le PC du podium. Cela ne peut se faire qu'avec des choix organisationnels audacieux sur ce plan.

Tremblement du centre politique, impuissance de la droite

Des élections présidentielles et législatives auront lieu en novembre prochain. Le mercredi 19 mai était la date limite pour que les partis politiques enregistrent des pactes en vue d'organiser des primaires présidentielles - trois jours seulement après l'élection de la Convention constituante. La journée a tourné en une comédie donnée par l'opposition.

Alors que le Parti communiste et le Frente Amplio avaient déjà convenu d'organiser des primaires entre leurs candidats respectifs à la présidence, la veille et avec l'accord des deux secteurs, le Parti socialiste s'est joint à eux avec son candidat. Ce fait est d'une importance significative, car il signifiait que le PS mettait fin à son alliance historique avec la Démocratie chrétienne, l'abandonnant à son sort après le résultat dévastateur obtenu par cette dernière au sein de la Convention.

Cependant, au moment même où tous les partis se réunissaient au service électoral pour procéder à l'inscription, le Parti socialiste est arrivé main dans la main avec le Parti pour la démocratie (un petit parti instrumental de l'ancienne Concertación annonçant qu'il avait déposé sa lettre présidentielle), et exigeant par conséquent l'inclusion du PPD dans le pacte afin que la primaire commune puisse prospérer. À cette demande s'ajoutait celle de s'entendre sur des listes communes pour les élections législatives. Après des heures tendues d'allers et retours, de chamailleries et de divergences rendues publiques au sein des partis qui composent le Frente Amplio, tant ce bloc que le PC ont fermé la porte au PS pour avoir voulu faire entrer son petit frère par la fenêtre.

Finalement, la droite a enregistré sa propre primaire, le PC et le FA ont fait de même alors que l'ancienne Concertación n'a pas réussi à s'enregistrer en tant que bloc pour les primaires légales de l'élection présidentielle. Cela ne signifie pas que ce secteur ne peut pas avoir de candidature présidentielle, mais il devra parvenir à un consensus sur une candidature unique à la présidence, alors qu'il est traversé par des sentiments de trahison et de débâcle électorale. Et s'il ne parvient pas à un tel consensus, le PS et la DC devront concourir chacun séparément.

En tout état de cause, un changement sans précédent des paramètres politiques a eu lieu. Nous voyons une droite aux contours définis mais qui stagne autour de 20 % de suffrages et qui a peu de marge pour croître ; nous voyons un nouveau pacte de partis de gauche qui vient prendre la place du centre fantôme et, incontestablement, tout le pays sait que quelque chose a fait irruption dans le pouvoir constituant et que ce quelque chose est plus à gauche que tous les partis traditionnels.

Importance du moment électoral

Le 20 mai, dans un éditorial de Radio Bio Bio, la principale station de radio du pays, son propriétaire, Tomás Mosciatti, connu pour ses positions conservatrices, a déclaré : " à ces élections, ce n'est pas le centre gauche qui a été victorieux, mais une gauche sans nom. La gauche n'a jamais eu autant de pouvoir que désormais. Cette victoire dépasse celle de Salvador Allende car, à l'époque, l'Unité populaire n'avait pas l'intention de modifier la Constitution, mais a accepté un renforcement de celle-ci - le Statut des garanties démocratiques - pour pouvoir accéder au pouvoir. Ce qui s'est passé maintenant, c'est que la gauche a réussi à avoir le mandat populaire, c'est-à-dire un mandat légitime, pour rédiger la Constitution sans aucune restriction, car la seule limite, celle des deux tiers qui l'obligeait à négocier, n'existe pas… Cette limitation a complètement disparu ».

Cette affirmation est discutable, mais l'importance de ce qui est en jeu est bien réelle. Pour penser à l'ampleur transformatrice qu'ouvre le moment constituant actuel, il faut prendre en compte autant les défis politiques et organisationnels que le mouvement populaire a devant lui, que les effets possibles des élections présidentielle et législatives.

Trois projets de loi visant à permettre la participation des indépendantÀes à leurs propres listes pour les élections parlementaires, comme ce fut le cas pour les élections constituantes, ont été présentés au Congrès par différents groupes. Il serait contre-intuitif pour le législateur d'approuver une telle réforme, mais ce n'est pas une possibilité à exclure. Si tel est le cas, il est fort probable que le Congrès qui accompagnera les travaux de la Convention constitutionnelle aura une composition similaire à celle-ci. Si cela ne se concrétise pas, le pays pourrait entrer pendant un certain temps dans une dualité de pouvoirs, instable et tendue, entre le pouvoir constitué et le pouvoir constituant.

Il en va de même en ce qui concerne la présidence où l'une des anciennes coalitions de l'exécutif tentera de s'imposer. Toutefois, si c'est le bloc PC-FA qui l'emporte en ce moment constituant, le scénario pourrait prendre un tournant à gauche sans précédent. Cette affirmation fait abstraction de la radicalité plus ou moins grande du bloc en question, mais tient plutôt compte - comme lors de l'Unité Populaire - de l'attente populaire qui est en jeu et de l'initiative auto-organisée que ces attentes déclenchent.

Il reste à voir ce qui se passera sur ce plan dans les mois à venir. Certains scénarios - comme celui de la présidentielle - sont non seulement possibles, mais probables.

Tâches à venir

Le peuple a remporté une victoire. Il l'a obtenu par en bas et par la gauche, hétérogène comme la révolte elle-même. Les secteurs organisés l'ont remporté et ceux peu organisés aussi. Aucun accord au sommet n'a pu empêcher la volonté d'un peuple qui s'est levé déterminé pour renverser tant d'injustice. C'est le peuple qui a déjà commencé à faire et fera maintenant ce que les gouvernements post-dictatoriaux n'ont pas fait en 30 ans : mettre fin à l'héritage de Pinochet et ouvrir ainsi une nouvelle façon d'organiser la vie au Chili. Contrairement aux processus constituants qui ont eu lieu en Amérique latine au cours du cycle dit progressiste, il l'a fait ici en dépit et sous le mandat d'un gouvernement qui lui a déclaré la guerre, en dépit de ce gouvernement, et malgré une pandémie.

Le peuple a sa propre histoire, il ne part pas de zéro, mais il ne propose pas non plus un retour nostalgique à un passé violemment interrompu. La présence centrale du féminisme, des luttes socio-environnementales et de la plurinationalité est tournée vers l'avenir, avec une mémoire du futur qui met en jeu des exercices d'imagination politique émancipatrice.

Bien que durant ces décennies, partout dans le monde, les peuples se soient soulevés pour empêcher l'avancée des réformes néolibérales, le cas chilien a la particularité que sa clé anti-néolibérale ne consiste pas à arrêter cette avancée, mais à démanteler jusqu'au bout un néolibéralisme complètement installé. Il n'y a rien d'existant à protéger ou à laisser intact. En ce sens, il s'agit d'une expérience nouvelle.

Sur le plan interne, certaines gauches se méfient quelque peu de la diversité de la représentation populaire au sein de l'organe constituant. Il y a des gauches qui craignent ce qu'elles déclarent vouloir ou qui succombent simplement à leur propre impuissance qui les a fait arriver mal et en retard à une décision populaire de conflit, qui était déjà en cours et dans lequel elles sont restées dans le wagon de queue. Rien n'est plus dangereux pour ces gauches-là que leur pulsion conservatrice. Elle les conduit à se méfier de la puissance d'un peuple qui a décidé, à juste titre, de compter sur ses propres forces, laissant le champ ouvert à une large adhésion aux idées anticapitalistes.

Dans l'immédiat, les représentations populaires de la Convention ont déjà entrepris la tâche de former le groupe des éluÀes du peuple, exigeant en premier lieu des conditions politiques minimales pour que le processus constituant puisse avoir lieu :

• Libération inconditionnelle de tous les prisonniers politiques de la révolte ;

• Démilitarisation du Wallmapu - territoire ancestral des Mapuches ;

• Création d'une commission vérité et justice qui doit mettre en avant une politique de réparation intégrale pour les victimes de violations des droits de l'homme, ainsi que la détermination des responsabilités politiques et judiciaires des responsables de ces crimes.

Karina Natasha Nohales Pe±a, avocate spécialisée dans le droit du travail, militante anticapitaliste et féministe, a été active dans le mouvement social contre les fonds de pensions " No+AFP ». Elle est actuellement porte-parole de la Coordinadora Feminista 8M.
Cet article a été d'abord publié par la revue Viento Sur n° 176 de juin 2021.
(Traduit du castillan par JM).

notes

Chronologie 2019-2021 du Chili (Inprecor)

2019

Le Chili est le premier producteur mondial de cuivre. Il représente 50 % des exportations et 18 % du PIB. La Chine est le premier client. Codelco est le plus grand producteur du monde. Pilier de l'économie, cette ressource est aujourd'hui majoritairement aux mains de concessions étrangères (www.defensadelcobre.cl). Le chili est aussi un grand producteur de lithium (batteries).

Les écarts de revenus sont gigantesques au Chili. 1 % de la population concentre un tiers des richesses.

Au Chili, le coût de la vie est équivalent à celui d'un pays européen alors que la moitié des salariés gagnent environ 500 € par mois. Les familles ouvrières et de la classe moyenne sont surendettées, notamment pour payer les études des enfants. Ces familles ne peuvent offrir des études supérieures à leurs enfants car les universités publiques coûtent au moins 300 € par mois.

L'inégalité sociale limite l'accès aux soins. La couverture de l'assurance maladie est insuffisante et les mutuelles privées trop chères. En cas de maladie grave, il faut emprunter pour se faire soigner.

La moitié des retraités chiliens reçoivent une pension dérisoire. Un enseignant reçoit une retraite de 150€ par mois.

Partout dans le pays domine un sentiment d'inégalité.

En octobre, Sebastian Pi±era augmente le prix du ticket de métro. Les étudiants appellent à ne pas payer et envahissent les rues de la capitale.

Le Chili connaît une mobilisation sociale sans précédent, violemment réprimée, pour dénoncer notamment le coût de la vie et les inégalités.

A partir du 18 octobre, plus d'un million de manifestants descendent quotidiennement dans les rues. Les manifestants protestent contre les inégalités sociales dans le domaine de l'éducation, de la santé et des retraites. Le pouvoir décrète l'État d'urgence.

La rage des citoyens enfle. Pour la première fois depuis la dictature, l'armée est déployée dans les rues. La police utilise systématiquement des tirs de balles en caoutchouc ou de chevrotine, des gaz lacrymogènes délétères asphyxiants et pulvérise de l'eau qui contient des produits chimiques et qui provoquent des brûlures. Ils font des tirs tendus rapprochés en visant les yeux. 240 personnes sont gravement blessées aux yeux. Les yeux crevés deviennent le symbole du mouvement.

En un mois, la crise sociale fait 30 morts tués par les forces de l'ordre, 2.000 blessés. 110 personnes sont torturées et certaines en meurent.

La colère ne cesse de grandir. Les Chiliens manifestent chaque jour pendant des semaines. Aux quatre coins du Chili, des réunions citoyennes s'organisent où les gens partagent leur vision d'une société plus juste.

Grève générale le 12 novembre.

Le centre de Santiago est pris d'assaut par les manifestants. Les manifestants réclament la démission du président Pi±era et une meilleure redistribution des richesses.

Sebastian Pi±era recule et demande pardon, annonçant des mesures sociales. Rien n'y fait, la population réclame une nouvelle Constitution et veut un référendum pour que le peuple décide seul sans l'avis du Parlement.

Accord des partis pour organiser un référendum en avril 2020 pour une nouvelle Constitution pour remplacer celle héritée de Pinochet.

2020

Le Chili est le troisième pays le plus inégalitaire de l'OCDE : 1 % des Chiliens détient 26,5 % du PIB national.

La Constitution de Pinochet stipule que la gestion de l'électricité, l'eau, la Santé, l'Éducation, les retraites doivent dépendre essentiellement du secteur privé.

Le 8 mars, 3 millions de chiliennes descendent dans les rues. Les mobilisations se développent grâce à la mobilisation féministe. Elles organisent des ballets de rue de masse qui ont un retentissement international : L'Etat oppresseur est un macho violeur ! Beaucoup de femmes vivant seules avec beaucoup d'enfants ont perdu leur travail à cause de la pandémie.

Avec l'épidémie et le confinement, la situation sociale devient critique pour beaucoup. Beaucoup de Chiliens manifestent malgré le confinement.

Le 18 mai, des émeutes de la faim explosent dans la capitale chilienne confinée. Les habitants dénoncent une grave crise sociale et le manque d'aides du gouvernement.

Le 9 octobre, plus de 30.000 personnes se rassemblent à Santiago du Chili pour célébrer l'anniversaire du grand soulèvement social de 2019. Les revendications n'ont pas changé.

Le 25 octobre, les Chiliens votent à plus de 79 % par référendum pour l'abandon de la Constitution en vigueur, héritée de la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990) qui a été le laboratoire du néolibéralisme. Ils votent pour le principe d'une assemblée constituante composée uniquement de citoyens et non pour moitié de parlementaires.

2021

Les 15 et 16 mai, élections des députés de la Convention constitutionnelle, des gouverneurs, des maires et des conseils municipaux. Faible participation. 155 personnes sont élues pour rédiger une nouvelle constitution. Plus de la moitié des élues et des élus sont des indépendants, qui ne militent pas au sein d'un parti.