Déclaration de la Ligue de la Gauche Ouvrière (LGO)

Tunis, place de la Kasbah, le 26 février 2011. Discussion sur l'Assemblée constituante. Photothèque Rouge/Fremen Tabr.

La révolution avance, la révolution s'approfondit !
Le peuple veut la chute du régime !

Les martyrs du Kef, les masses toujours en rébellion dans Menzel Bouzaiane, à Sidi Bouzid, à Thala, à Kasserine, le peuple encercle et chasse les préfets du gouvernement des corrompus. A Tatatouine, Kebili, Sousse et Bizerte, le peuple affronte la police. Les jeunes chômeurs, les lycéens et les étudiants manifestent et organisent leurs propres rangs. Dans les villages, les quartiers et les institutions, un flux d'auto-organisation populaire et civile déborde et avance pour la défense de la révolution avec des grèves et des luttes ouvrières qui touchent tous les secteurs. Les artistes, les créateurs, les intellectuels, les avocats et les médecins entrent en mouvement pour s'organiser de manière autonome.

Le peuple travailleur, le peuple révolutionnaire de Tunisie approfondit sa révolution par le sang de ses martyrs et par la force de sa volonté. Il avance et continue pour la chute du régime de corruption et de répression. Notre peuple touche le ciel : sa vie, ses réalités sont toute la révolution, une révolution de la liberté, de la dignité et des droits sociaux !

Le gouvernement Ghannouchi et les opportunistes ne sont que les serviteurs des maîtres américains et français qui répriment et assassinent. Il ment et manœuvre avec pour unique objectif l'asservissement du peuple révolutionnaire. Son ministre des Affaires étrangères se traîne devant ses maîtres en France et en Europe, se réjouit de leur autorité et de leur appui à une politique de répression et d'exploitation. Un gouvernement qui sort de ses mains la police et les milices pour terroriser le peuple et tuer ses fils, qui impose des préfets et des responsables corrompus et bouchers, qui utilise l'ensemble des médias pour claironner des mensonges et des manœuvres et pour tromper le peuple.

Le gouvernement Ghannouchi-Mebazaa n'est que la continuité et le prolongement du gouvernement Ghannouchi-Ben Ali, c'est-à-dire un gouvernement d'appauvrissement et d'assujettissement aux cercles impérialistes. C'est un gouvernement de répression policière et " constitutionnaliste » (1), de mensonge et de trahison, ennemi du peuple.

Ceux qui sont terrifiés par lui parmi les dirigeants du Parti démocratique progressiste, du Tajdid (2) et d'Al-Baccouche, participent aux crimes envers le peuple révolutionnaire.

Ceux qui appuient le gouvernement Ghannouchi au sein de la bureaucratie syndicale et l'armée des opportunistes parmi les intellectuels " chiens de garde » sont contre la révolution. Ils doivent choisir : le peuple ou le gouvernement de la police, du RCD, de la répression et du pillage.

Aux hésitants qui ont peur de la nature populaire, démocratique et sociale de la révolution, dont les plus éminents sont dans le groupe al Nahdha (3), à tous ceux-là, nous disons : le peuple a choisi la voie de la liberté, de la dignité et de l'égalité. Les tentatives pour chevaucher, mettre sous tutelle et encercler la révolution au travers de coalitions avec des éléments de la clique au pouvoir et ou avec des libéraux ne marcheront pas. Ne prenez pas en considération les brutalités du peuple révolutionnaire car le peuple connaît la voie de la liberté, de la dignité et de la justice sociale, vers l'imposition du pouvoir des masses populaires et démocratiques.

La révolution de notre peuple a une voie claire : la voie pour balayer tous les organes du pouvoir. Les outils fondamentaux de la révolution sont l'auto-organisation populaire dans les quartiers, les villages et les institutions ainsi que l'indépendance, son caractère de masse et la nature combattive de ses associations et ses syndicats.

Aujourd'hui, imposer l'enterrement du régime de répression passe par l'imposition du Congrès national pour la protection de la révolution. Un tel congrès exprime et représente tous les comités, les organes populaires que les masses révolutionnaire ont constitué, où sont représentés toutes les organisations indépendantes, les associations syndicales, professionnelles et de droits humains, tous les partis et toutes les composantes politiques qui ont lutté contre la clique de Ben Ali, son parti corrompu et son décor politique.

La révolution de notre peuple s'élargit et s'approfondit dans son programme et ses dimensions locales et arabes. Les masses élargissent les formes de leurs luttes et de leurs organisations contre l'économie d'appauvrissement dépendant des maîtres américains et français.

Notre révolution s'élargit et s'approfondit par la révolution égyptienne, révolution au cœur de l'arabité. La révolution de la place al-Tahrir (Libération), la révolution d'Égypte est la manifestation puissante sur laquelle s'appuie la révolution de Tunisie. Dans les révolutions de Tunisie et d'Égypte, apparaît la révolution du peuple travailleur arabe, révolution de la liberté et de la dignité.

Nous, Ligue de la gauche ouvrière, composante du Front du 14 janvier, nous sommes avec notre peuple révolutionnaire contre la clique du gouvernement " constitutionnel » policier de Ghannouchi, serviteur du capitalisme mondial. Nous luttons avec notre peuple pour imposer un Congrès national de protection de la révolution qui compose un gouvernement provisoire en charge des affaires courantes, qui prenne des mesures immédiates en matière économique, sociale et politique en faveur du peuple révolutionnaire et qui prépare des élections à une Assemblée constituante qui promulgue une constitution nouvelle démocratique, populaire et patriote.

Pour l'annonce immédiate d'un programme de réformes immédiates :

► Dissolution du " Rassemblement Constitutionnel » (RCD)

► Dissolution des organes de la police politique et refondation de l'ensemble des structures sécuritaires selon les besoins qui correspondent aux réalités et aux attentes de notre peuple révolutionnaire

► Fournir des emplois aux chômeurs

► Dissoudre les sociétés de sous-traitance

► Contrat permanent pour tous les travailleurs temporaires

► Assurer la gratuité des transports, de la santé et des services fondamentaux

► Égalité complète et effective entre hommes et femmes y compris en matière d'héritage et de wilaya (4).

► Nationalisation des biens des bandes corrompues et leur placement sous contrôle populaire et ouvrier

► Annulation de la dette extérieure

► Mise en place d'un régime d'imposition juste dans l'intérêt des masses populaires

► Abolition de toutes les lois entravant les libertés et imposition de la liberté de création d'organisation, de manifestation et d'expression

► Reconnaissance des organes d'auto-organisation des masses comme outils de contrôles et de suivi

► Pour un congrès national afin de protéger la révolution avec représentation de toutes les composantes du peuple révolutionnaire qui formera un gouvernement provisoire

► Pour une Assemblée constituante disposant de la souveraineté afin d'élaborer une constitution populaire, démocratique et civile qui assure la dignité nationale

► Pour un gouvernement populaire, ouvrier et démocratique

Vive la révolution continue de notre peuple !

Victoire à la révolution de notre peuple en Égypte !

A bas tous les pouvoirs et les éléments répressifs et réactionnaires !

Vive la lutte contre le capitalisme mondial !

Tunis, le 08 février 2011

* Nous reproduisons ici la déclaration de la Ligue de la Gauche Ouvrière (LGO), partie prenante du Front du 14 janvier, diffusée massivement sous forme de tract.

notes
1. D'après le nom du parti de Ben Ali, le RCD, Rassemblement constitutionnel démocratique.

2. Tajdîd, Parti du renouveau, issu du PC tunisien.

3. Parti islamiste dont la principale personnalité est Rached al-Ghannouchi.

4. wilaya : tutorat. Il s'agit ici du droit des femmes à choisir librement leur mari sans l'accord du wali, son protecteur, en l'occcurence le père (NDLR).

traducteur
Chedid Khairy