Un an après le Tsunami

par Niel Wijethilake
Niel Wijethilake est membre de la direction du Nava Sama Samaja Party (NSSP, section sri lankaise de la IVe Internationale). Nous traduisons le nom de ce parti par : Nouveau parti pour une société de l'égalité, tout en remarquant que " sama samaja » est aussi une façon de dire " socialisme » et qu'on peut donc également traduire ce nom par Nouveau parti pour le socialisme.

C'est le 26 décembre 2005 que les Sri Lankais ont commémoré le premier anniversaire du Tsunami, qui avait provoqué les dévastations et animé les craintes qui hanteront leurs esprits longtemps encore. Les estimations officielles parlent aujourd'hui de près de 60 000 morts et les destructions des habitations et des propriétés ont été immenses. Tous les Sri Lankais, sans distinction de classe, de foi ou de couleur de peau ont pleuré durant des longs mois après cette catastrophe. On peut dire que cette tragédie a non seulement coûté de nombreuses vies humaines et des destructions, mais que le coup de tonnerre qui a atteint l'économie du pays demandera à cette dernière des décennies pour qu'elle s'en remette.

 

 

La situation présente

 

Dans les secteurs atteints par le Tsunami, les familles survivantes vivent dans des conditions beaucoup plus difficiles aujourd'hui. Beaucoup ont perdu leurs proches. Des milliers d'enfants sont devenus orphelins. Les inondations virulentes ont condamné de nombreuses veuves et de nombreux veufs au dénuement. Le destin des personnes déplacées est devenu désespéré. Si après la catastrophe quelques ONG et la population mobilisée leur sont venus en aide pour satisfaire leurs besoins immédiats et mettre en place des habitations provisoires, un an plus tard la très grande partie des rescapés vit toujours ce provisoire-là. Ils avaient vainement espéré qu'ils verraient à l'horizon s'allumer une lumière qui éclairerait leurs sombres vies. Mais le gouvernement sri lankais s'avère incapable de reconstruire les maisons pour ceux qui ont vu les leurs détruites.

 

Si quelques travaux de reconstruction ont commencé le long du littoral méridional, il faut dire avec tristesse que les littoraux des provinces nordique et orientale sont laissés à eux-mêmes et totalement négligés. Bien que le précédent gouvernement de Mme Kumaranathunga ait fait adopter au parlement avec le soutien de tous les partis politiques à l'exception du JVP&JHU chauvin cinghalais une résolution établissant une Structure de gestion opérationnelle post-Tsunami (PTOMS), cette dernière a été paralysée du fait de l'opposition des minorités communautaires qui ont trouvé des astuces légales rendant cette structure nulle et non avenue.

 

Les programmes de reconstruction du gouvernement et de quelques ONG sont ainsi réalisés de manière léthargique. Le travail traîne. Et il n'y a aucun mécanisme qui permettrait de l'accélérer. Il faudrait une gestion appropriée des fonds reçus des donateurs. C'est à ces questions vitales que nous devons faire face aujourd'hui, alors qu'il ne serait pas difficile de dépasser les faiblesses et de résoudre les problèmes rencontrés s'il y avait la volonté politique de le faire.

 

 

Le rôle du NSSP

 

Comme d'habitude, le Nouveau parti pour une société de l'égalité (NSSP, section sri lankaise de la IVe Internationale) préparait pour le 30 décembre 2004 sa fête anniversaire. Le Tsunami du 26 décembre l'a donc affecté particulièrement. Beaucoup de ses membres et sympathisants et des membres et sympathisants des syndicats que le NSSP anime en ont été victimes. Le rassemblement du 30 décembre a ainsi été employé pour centraliser et coordonner l'action du parti venant en aide aux victimes du Tsunami. Nous avons étudié la situation, réfléchi comment un parti prolétarien pourrait leur venir en aide et en quelques heures nous avions pris les initiatives en vue de loger ceux qui en avaient besoin, d'établir des jumelages pour l'aide, de rassembler les articles les plus nécessaires (vêtements, lait maternisé, nourriture). Nous avons pris la décision que les biens collectés par nous seront en particulier distribués parmi les personnes déplacées des provinces nordiques et orientales, que le gouvernement négligeait. Notre appel a eu un écho retentissant et les collectes ont été un succès. N. Janagan, membre du Bureau politique du NSSP, pouvait clairement annoncer aux donateurs que la collecte sera distribuée parmi les Tamouls de la province orientale : " Je suis très heureux que les militants ont collecté autant de biens de première nécessité et les 2-3 et 4 janvier le NSSP a pu les distribuer à Batticaloa et Kalkudda. »

 

Au cours de ces heures où le dénuement et le désespoir prévalaient et alors que les vagues du Tsunami envahissaient notre pays, le NSSP a également lancé un appel à l'aide à la IVe Internationale (1). Et la réponse de ses militants a été à la hauteur de notre espoir. Le NSSP et le Front de la nouvelle gauche (NLF) tiennent à remercier l'Internationale pour les initiatives de solidarité de ses sections, en particulier en Europe, aux États-Unis et au Japon. Les camarades de ces pays ont été ainsi capables de nous fournir l'aide monétaire, que nous avons employée pour venir en aide aux personnes vivant dans la misère dans les régions affectés par le Tsunami.

 

De nombreuses maisons ont été complètement détruites par la marée et nombre de familles continuent à vivre sous des tentes ou dans des huttes. D'autres ont été déplacées dans des camps de réfugiés. Le gouvernement a imposé que les habitations ne pourront être reconstruites à moins de 100 mètres du bord de mer. Cela rend la reconstruction encore plus difficile, car il est impossible d'acquérir les terrains à l'intérieur des terres. Tout cela provoque un retard anormal des travaux de reconstruction et de restructuration des zones affectées.

 

Notre parti a analysé la situation sérieusement et a pris la décision de reconstruire les maisons qui furent seulement partiellement endommagées, de manière à reloger leurs habitants et leur permettre de reprendre une vie normale. Dans le cadre de ce nouveau programme nous pourrions fournir des matériaux de construction pour les secteurs de Ratmalana, Moraruwa, Panadura, Ambalangoda, Hikkaduwa, Galle, Hamnbanthota, Batticaloa et pour quelques zones de Trincommalee.

 

Nous avons également fourni une aide financière pour prendre en charge les travaux. Ainsi par exemple le camarade M.R. de Pandura, ouvrier dans l'usine de chaussures Bata, dont la maison a été ruinée par les vagues, s'est adressé au Fonds Tsunami du NSSP et, après avoir étudié son cas, le Fonds lui a accordé promptement une aide de 200 000 Rs. De même, le camarade Jayasinghe, employé de la santé, s'est vu accorder 100 000 Rs (800 euros) pour la reconstruction de sa maison.

 

Alors que le Fonds rassemblé par le NSSP aidait de diverses manières les victimes du Tsunami, le parti a également pris l'initiative de dénoncer les négligences, l'inefficacité et les détournements affectant la reconstruction. Engagés dans un programme parallèle de reconstruction, dont l'efficacité (malgré la faiblesse de nos moyens qui ne peuvent être comparés à ceux dont dispose le gouvernement et quelques grandes ONG) contraste avec l'inefficacité des actions gouvernementales, nous avons pu mener une campagne qui a réussi dans tous les coins du pays. Nous avons ainsi pu réaliser 15 meetings publics qui furent à chaque fois un succès.

 

Nous avons également mené la campagne contre l'expulsion des pêcheurs et de ceux qui vivaient près des bords de mer, car le gouvernement poursuit ses tentatives visant à les faire évacuer pour les céder aux entreprises du tourisme, locales et étrangères. La prétendue " zone de sécurité » de 100 mètres n'a d'autre fonction que celle d'expulser les pauvres pour faire place à l'industrie touristique.

 

 

Gratitude

 

Tout en félicitant l'Internationale pour avoir rapidement répondu à notre appel, nous tenons à remercier toutes et tous les camarades et toutes les organisations pour leurs généreuses contributions. Sans votre aide le NSSP n'aurait pas été capable d'organiser l'aide à une telle échelle et son combat contre les irrégularités n'aurait pas eu le même écho.

 

Ce combat n'est nullement terminé. Nous continuerons à dénoncer l'utilisation de la catastrophe au profit du capital et les détournements des fonds en général et de mobiliser contre eux jusqu'à ce que de nouvelles perspectives sociales prennent racine sur les ruines du Tsunami.

 

Car si le Tsunami a pris des milliers de vie, a semé la terreur et la tristesse, il nous a aussi donné la leçon de l'unité nécessaire. Il a montré que le capitalisme mondial n'hésite pas à tirer profit des catastrophes naturelles pour achever ses buts. Il a montré que la classe capitaliste sri lankaise a failli et n'est pas capable de venir en aide aux victimes du Tsunami mais qu'au contraire elle pratique la discrimination raciale. Le gouvernement sri lankais s'est aussi montré incapable à venir en aide aux victimes vivant sur le littoral des provinces du Nord et de l'Est zones majoritairement habitées par les Tamouls et les Musulmans et les a délibérément abandonné à leur sort. Cette faillite misérable ne laisse d'autres choix aux Tamouls que celui de renforcer leur lutte de libération.

 

1. Cf. Inprecor n° 501/502 de janvier-février 2005 et Inprecor n° 505/506 de mai-juin 2005.