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Élection présidentielle – Catherine Connolly l’emporte : une victoire historique pour la gauche en Irlande

par Paul Murphy

La victoire retentissante de Catherine Connolly lors de l’élection présidentielle irlandaise est un moment décisif. C’est la première fois que la gauche remporte une majorité des suffrages lors d’un scrutin national. Il ne s’agir pas non plus d’une victoire serrée : Catherine a obtenu le plus important pourcentage de votes et le plus grand nombre de votes en valeur absolue de tous les candidats à la présidentielle de l’histoire. 

Les forces combinées de l’establishment politique et de l’establishment médiatique ont tout mis en œuvre pour contrer Connolly afin de stopper l’élan suscité par sa campagne. « Recouvrez-la de déchets » : c’est devenu la stratégie déployée, ainsi que l’avait suggéré Yvan Iates. Son voyage en Syrie, le fait qu’elle ait embauché un Républicain reconnu coupable d’un crime commis avec une arme à feu, ses commentaires hostiles aux impérialismes des Etats-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne, tout comme son activité antérieure d’avocate, tout cela a été scruté et disséqué sans fin. 

Le fil rouge qui relie toutes ces diffamations est le fait que, par sa défense de la neutralité et son opposition à un alignement de plus en plus ouvert sur l’OTAN, elle se situe en extériorité à l’establishment politique et médiatique. Alors que Heather Humphreys du Fine Gael refuse ostensiblement de critiquer ce qu’elle appelle « nos alliés » et le fait qu’ils arment le génocide, Catherine Connolly a critiqué ouvertement le soutien des USA aux crimes de guerre israéliens et la volonté de réarmement en Europe, au grand désespoir de la plupart des commentateurs politiques. 

Malgré cela, sa campagne soutenue par tous les partis « de gauche » et un mouvement venu d’en bas, a continué à gagner du terrain dans les sondages successifs et a facilement battu le candidat de l’establishment. Il va y avoir des tentatives pour minimiser l’ampleur de cette victoire en soulignant les calamités qui ont frappé les partis de l’establishment : depuis l’abandon du candidat favori du Fine Gael, Mairead McGuinness, à cause de sa maladie, en passant par le retrait dramatique à mi-parcours du candidat du Fianna Fail et, pour finir, par les performances médiatiques peu convaincantes de Heather Humphreys. Mais ces calamités sont pour l’essentiel l’expression du déclin de la base sociale du Fianna Fail et du Fine Gael.

Le fait que Fianna Fail, qui est historiquement le parti le plus important du pays, n’ait pas pu trouver un candidat crédible dans ses propres rangs et que la direction se soit sentie obligée d’y aller avec une célébrité pour éviter que ne soit désigné Bertie Ahern, le précédent Taoiseach (Premier ministre) corrompu, est en soi instructif. Le fait que Jim Gavin ait été ruiné par un scandale car il volait l’argent d’un locataire était une justice poétique pour le Fianna Fail.

De la même manière, le fait que Heather Humphreys ait fait la preuve qu’elle était une piètre candidate illustre à quel point le Fine Gael est déconnecté de la majorité des gens. Ils étaient convaincus que Humphreys se révélerait être un personnage populaire grâce à ses manières terre-à-terre. En pratique, elle est apparue comme étant mal à l’aise avec les questions allaient au-delà des éléments de langage. Malgré sa position précédente de Ministre, elle n’avait jamais été confrontée à des questions difficiles. Est-ce que Mairead McGuinness aurait été une meilleure candidate pour Fine Gael ? Elle aurait sans aucun doute été meilleure dans les débats. Mais dans ce cas, les débats auraient été davantage focalisés sur le thème de l’Union européenne et de sa relation étroite avec Ursula von der Leyen, la Présidente de la Commission qui soutient Israël et la majorité aurait toujours été favorable à Connolly. 

Pourquoi a-t-elle gagné ?

Il ne faut pas oublier que les journalistes grand public ont largement loupé le coche. Ils étaient tellement occupés à nous rabâcher que cette élection présidentielle était « ennuyeuse » et « sans intérêt », alors qu’un mouvement derrière Connolly se développait rapidement. Pour ceux qui pense que la politique réelle se situe entre les quatre murs de Leinster House, c’était une campagne ennuyeuse. Mais à l’extérieur, dans le monde réel, Catherine a motivé 1 500 jeunes à assister à un concert de collecte de fonds à Vicar St., les billets ont été vendus en moins d’une heure, et les rassemblements et réunions à travers le pays ont été remplis à craquer à chaque occasion.

Beaucoup d’encre va être répandue pour éviter la conclusion la plus simple et la plus basique : elle a gagné parce que la majorité des gens partagent ses valeurs, les valeurs de la gauche, plutôt que celles de Fianna Fail et Fine Gael. Une grande majorité est favorable à la neutralité, au droit au logement et aspire à une société plus égale et plus juste. Cette même majorité est horrifiée par le génocide à Gaza et veut un Président qui ne soit pas ambigu sur la liberté des Palestiniens. Le message de Connolly en faveur d’un mouvement qui travaille à construire ce qu’elle a appelé une « nouvelle République » a résonné en profondeur.

Ce sont les jeunes qui ont apporté l’énergie et la vitalité à la campagne. Dans le dernier sondage, Connolly recueillait 57% des suffrages des 18-34 ans (contre 17% à Humphreys). Parmi les 35-54 ans, elle atteignait 49% et 43% chez les plus de 55 ans. Le journal Irish Times a interviewé 35 primo-votants : 29 avaient voté pour Connolly, 5 avaient gaspillé leur suffrage et un seul avait voté pour Humphreys. Connolly faisait également mieux chez les femmes que chez les hommes, ce qui était évident sur le terrain. Au sein de la campagne, beaucoup ont noté les ressemblances avec la campagne Repeal pour le droit à l’avortement, les jeunes femmes étant la force motrice. Les jeunes rejetaient les partis conservateurs et ont voté pour quelqu’un qui offre de l’espoir et une alternative. 

La campagne de calomnies a été totalement inefficace et finalement contreproductive pour Fine Gael pour un certain nombre de raisons. L’une d’entre elles est que Connolly n’a jamais hésité face aux attaques. Elle n’a pas cédé un pouce et ne s’est pas excusée de ses critiques contre le réarmement ni pour avoir embauché un condamné. L’idée que son franc-parler pourrait travailler contre elle n’a pas de sens si l’on considère que notre Président actuel bien-aimé est également critique de l’impérialisme US et de la politique du gouvernement. La nature même de la Présidence a également créé un terrain plus favorable pour la gauche. Le manque de pouvoir réel du Président signifie que les gens étaient libres de voter pour les valeurs progressistes auxquelles ils aspirent sans que l’establishment ne soit capable d’agiter de manière crédible la menace de graves conséquences économiques. 

Les qualités personnelles de Catherine sont également apparues au premier plan lors de la campagne. Beaucoup de gens ordinaires utilisaient le mot « authentique » pour la décrire. Toutes les vidéos la montrant jouer aussi bien avec des enfants qu’avec des adultes, jongler et dribler le ballon au basket, des extraits vidéo d’elle dansant un ceili1 et jouant du piano, ont révélé sa dimension humaine que les gens ont trouvé extrêmement séduisante.

Le mouvement qui s’est cristallisé autour d’elle constitue une autre raison pour laquelle Catherine l’a emporté avec un tel écart. Il n’existe aucun précédent dans l’histoire récente d’une campagne présidentielle qui se soit transformée en mouvement de cette façon. Alors que Michael D. Higgins s’est révélé être un Président efficace, sa campagne de 2018 était en réalité soutenue par Fianna Fail et Fine Gael, alors qu’il avait gagné en 2011 du fait de l’effondrement du soutien à Sean Gallagher après le débat final. Ce qui s’en rapproche le plus est la victoire en 1990 de Mary Robinson qui était soutenue par une coalition regroupant le Parti travailliste, le Parti des Travailleurs et les Verts.

Ça a été une campagne insurrectionnelle, d’opposition, organisée par des militants compétents venus des indépendants et des partis de gauche. Il y a eu plus de 15.000 bénévoles dont la très grande majorité n’étaient membres d’aucun parti. Plus de la moitié d’entre eux ont financé la campagne ou sont devenus actifs au cours de celle-ci. Cette énergie combinée avec une organisation numérique intelligente et l’utilisation de messages sur les réseaux sociaux signifie que la campagne de Connolly a été bien plus efficace que la campagne du Fine Gael en rassemblant et en discutant avec des électeurs. Dans chaque circonscription, un nombre significatif de tournées de porte-à-porte a été organisé à un niveau que l’on n’avait sûrement pas connu depuis des décennies pour une élection présidentielle. 

Gaspiller son vote ?

Comme l’extrême droite catholique ultraconservatrice n’a pas réussi, de peu, à obtenir suffisamment de noms de candidats, députés ou de sénateurs, pour figurer sur le bulletin de vote, l’extrême droite a mené une campagne active « gaspillez votre vote ! ». Ce qui était, à nouveau, une première dans la vie politique irlandaise.

Les plus de 12% de votes nuls qu’ils ont obtenu constituent un autre avertissement : l’extrême droite a planté ses griffes et développé son influence dans les communautés ouvrières. Donc, l’expérience qui consiste à faire du porte-à-porte dans les quartiers ouvriers défavorisés a prouvé que ce n’était pas une bataille perdue, mais une bataille dans laquelle il faut s’engager. La plupart de ceux qui s’interrogeaient sur le gaspillage de leur vote étaient disponibles pour être convaincus que la meilleure protestation consisterait à infliger une défaite à l’establishment politique. Organiser en profondeur les communautés et essayer de mobiliser les gens pour agir sur des questions comme la crise du coût de la vie seront essentiels pour ne pas livrer ces communautés à l’extrême droite.

Bien que l’extrême droite n’ait pas été présente directement lors du scrutin, sa montée et l’augmentation du nombre d’attaques racistes et des sentiments réactionnaires ont été sans aucun doute un élément de cette campagne. Beaucoup ont, à juste titre, vu le soutien à Connolly comme un moyen de s’opposer au tournant politique droitier, alors que Fine Gael et Fianna Fail penchaient dans cette direction. Sa victoire s’inscrit à contre-courant face à la montée de l’extrême droite.

Connolly est également connue comme une militante de longue date en faveur d’investissements dans la communauté irlando-phone et le soutien à la langue irlandaise. Le fait qu’elle ait appris à bien parler couramment irlandais alors qu’elle avait déjà 40 ans souligne son engagement en faveur d la langue et de la communauté irlando-phone. On peut donc aussi considérer sa campagne comme faisant partie de la nouvelle renaissance de la langue irlandaise, attestée par la popularité de Kneecap2 et d’autres artistes. Cela contribue à la formation d’une identité progressiste à propos de ce que c’est qu’être Irlandais aujourd’hui, en rapport avec notre histoire anticoloniale, en opposition avec le nationalisme blanc étroit qui est celui de l’extrême droite, qui fait un mauvais usage du drapeau tricolore. 

La gauche socialiste : un pilier essentiel de la campagne

La gauche socialiste, en particulier People Before Profit et les militants indépendants de gauche, a été une composante essentielle de la campagne de Connolly. Beaucoup des militants clé qui ont joué un rôle central au niveau national étaient des vétérans des précédentes campagnes victorieuses menées par la gauche. 

La décision de People Before Profit de se lancer dans la campagne, en dépit des limites du statut de Président, a trouvé sa justification dans le dynamisme de la campagne, le résultat et les opportunités qui s’offrent désormais. Alors que le militantisme de terrain a été moindre qu’il n’aurait pu l’être si la campagne avait duré plus longtemps, il représente néanmoins une victoire cruciale après des élections générales difficiles et ouvre de nouvelles perspectives.

Les militants indépendants qui étaient auparavant sceptiques vis-à-vis de People Before Profit ont noté que ce dernier a adopté une approche constructive et non-sectaire. Ils devraient prendre en considération le fait de rejoindre People Before Profit pour travailler ensemble à le construire comme un parti de masse pluraliste et écosocialiste.

Les secteurs de la gauche socialiste qui ont apporté leur soutien à contrecœur à Catherine tout en critiquant l’engagement de People Before Profit dans la campagne, devraient, espérons-le, réfléchir aux événements survenus et à ce dont ils se sont tenus à l’écart. Une polarisation gauche-droite s’est opérée, et la gauche l’a emporté. Des milliers de nouveaux militants se sont mobilisés pour la première fois. L’élan qui s’était exprimé vers la droite a été regagné par la gauche. 

Les autres partis dans le camp de Connolly

La campagne de Connolly a également impulsé une dynamique au sein des autres partis qui l’ont soutenue. Comme People Before Profit, les Sociaux-Démocrates ont soutenu Catherine Connolly dès le début. Ils ont aidé à créer un élan au sein de la gauche ce qui, en pratique, a laissé aux Travaillistes et aux Verts le choix entre soutenir Connolly ou n’avoir aucun candidat. Les membres du Parti Social-Démocrate se sont engagés avec enthousiasme au niveau local et national.

Sinn Fein a rejoint la campagne relativement tard, après avoir envisagé de présenter son propre candidat. Ils ont apporté à la campagne sur le plan qualitatif, au niveau central et au niveau local, travaillant de façon constructive, tout en utilisant également la campagne pour repopulariser Mary Lou McDonald comme future Première Ministre alternative. Cela a constitué la première tentative sérieuse de mettre en œuvre une stratégie de « bloc républicain de gauche progressiste qui respecte l’indépendance et l’autonomie des partis politiques qui coopèrent », une idée initialement proposée après les dernières élections générales par le président national du Sinn Féin, Declan Kearney. 

Quel que soit le critère, cela a été un succès, pas seulement du fait de la victoire de Catherine Connolly, mais aussi grâce au gain de 5% pour Sinn Fein dans les sondages. Le fait de travailler avec d’autres s’est avéré positif pour renforcer le soutien au Sinn Fein. Pour les membres et la direction de Sinn Fein, la question est de savoir s’ils veulent désormais en finir avec la coalition avec Fianna Fail et Fine Gael et consacrer toute leur énergie à une campagne pour un gouvernement de gauche. 

Pour le Parti travailliste et les Verts, la campagne de Connolly a été une source de divisions. Elle a mis en lumière et miné leurs secteurs les plus à droite. L’ancien dirigeant travailliste Alan Kelly a été sollicité presque chaque semaine par les médias pour proclamer son opposition à Catherine Connolly et son soutien au Fine Gael. Les médias se sont fait l’écho de plus larges inquiétudes au sein du groupe parlementaire, même si elles ne se sont pas matérialisées. Comme Connolly l’a emporté de façon décisive, la position de Kelly est désormais affaiblie. 

La même chose s’est produite chez les Verts où l’ancien député Brian Leddin a démissionné du parti par opposition au soutien à Catherine Connolly, essentiellement à cause de l’opposition de celle-ci à la guerre et à l’impérialisme. Quelques autres personnes l’ont suivi vers la porte de sortie. 

La diminution au sein du Parti travailliste et des Verts de l’opposition à une coopération de gauche devrait rendre plus facile pour leurs dirigeants de poursuivre cette orientation s’ils le souhaitent. Il y a cependant un obstacle majeur : jusqu’à présent, l’alliance progressiste proposée par le Parti travailliste et les Verts (dont la cible était essentiellement les sociaux-démocrates) consistait à maximiser la puissance de négociation de ces partis dans une future coalition avec le Fianna Fail ou le Fine Gael. Ce n’est absolument pas ce que recherchent ceux qui se sont impliqués dans la campagne de Connolly : ils souhaitent, à juste titre, se débarrasser de Fianna Fail et de Fine Gael.

Et maintenant ?

Pour les milliers de personnes qui se sont engagées activement dans la campagne de Catherine Connolly et pour ceux encore plus nombreux qui l’ont soutenue passivement, la grande question c’est : et maintenant ? Compte tenu de la faiblesse des pouvoirs qui y sont associés, personne ne croit que remporter la Présidence sera suffisant pour changer le pays. A la Présidence, Catherine Connolly représentera bien nos valeurs et elle va prouver qu’elle est une épine dans le pied de l’establishment. Il ne fait aucun doute que les chroniques des commentateurs déplorant que le président outrepasse les limites de son rôle, tellement habituelles sous la présidence de Michael D. Higgins, vont continuer.

Mais les gens comprennent bien que pour rendre effectif le changement dont nous avons besoin, nous devons gagner bien plus que la Présidence. La grande leçon, c’est que lorsque la gauche s’unit et cherche à mobiliser les gens, elle peut gagner. La dynamique de l’unité peut créer de la confiance et inciter d’autres personnes à s’impliquer. A nouveau, la question d’un gouvernement de gauche se retrouve de plus en plus au centre des préoccupations.

Cependant, toute tentative de développer une initiative qui se focalise entièrement sur les prochaines élections générales est vouée à l’échec, car cela laisserait l’énergie et le militantisme se dissiper. Le fait de jouer le rôle d’un gouvernement responsable en attendant entre 2020 et 2024 s’est révélé calamiteux pour Sinn Fein.

Les gens qui souffrent sous l’impact des hausses répétées des prix de l’énergie ou des produits alimentaires ne peuvent pas attendre. Ceux qui sont confrontés aux expulsions ou bien aux hausses massives des loyers sous l’égide des nouveaux plans gouvernementaux ne peuvent pas attendre. Ceux qui veulent une action significative pour la Palestine et en défense de notre neutralité ne peuvent pas attendre. Il faut organiser des actions communes entre syndicats et mouvements sociaux pour défendre le Triple Verrouillage3 ; réclamer la mise en œuvre complète de la Résolution sur les Territoires Occupés avant Noël ; en finir avec la crise du coût de la vie à travers le contrôle des prix et la fin de la spéculation ; mettre en œuvre un moratoire sur les expulsions, accompagné d’un contrôle significatif des loyers et de la construction de logements sociaux.

Cependant, à elles seules, les luttes défensives sont insuffisantes. Nous devons accroître dans l’imaginaire des gens la possibilité d’un gouvernement de gauche pour la première fois dans l’histoire de ce pays. People Before Profit propose aux autres partis et individus l’organisation d’une grande conférence de la gauche l’année prochaine pour discuter de la manière d’approfondir la coopération à gauche avec comme objectif de présenter un choix clair lors des prochaines élections générales : ou bien Fianna Fail, Fine Gael et ceux qui les soutiendraient ou bien un gouvernement de Gauche. 

Tout cela pose des questions compliquées à la gauche socialiste. Nous comprenons que le système capitaliste, où c’est le profit qui domine, ne peut pas apporter ce que réclament les gens et dont ils ont besoin : le droit au logement et à une bonne vie, un monde sans guerre ni oppression, le droit à un avenir soutenable et vivable pour nos enfants. En conséquence, nous ne participerons qu’à un gouvernement qui s’engage dans une stratégie de mobilisation populaire visant à surmonter l’opposition de la puissante classe capitaliste et à instaurer un changement écosocialiste. C’est très éloigné du programme des autres grands partis qui ont soutenu Connolly.

Néanmoins, nous voulons activement mettre fin à la domination de Fianna Fail et Fine Gael. Nous voulons un gouvernement de gauche, même sur un programme nettement plus faible que le programme écosocialiste que nous aurions défendu. Nous voulons que ce gouvernement ainsi que l’approche qui consiste à réformer le capitalisme soient testés devant les masses. En conséquence, nous sommes ouverts à participer à cette dynamique vers un gouvernement de gauche, ce qui inclut l’engagement au vote pour permettre la constitution de ce gouvernement malgré les limites très significatives de son probable programme. Pour nous, la condition clé est le maintien de notre droit à l’indépendance, à mettre en avant notre propre positionnement écosocialiste et de continuer à renforcer nos liens avec les communautés pour mobiliser à partir d’en bas le pouvoir du peuple.

En 1843, Karl Marx a formulé des conseils utiles aux socialistes qui seraient confrontés à des situations difficiles :

« Nous n’affrontons pas le monde d’une façon doctrinaire avec un nouveau principe : ceci est la vérité ! Agenouillez-vous devant elle ! Nous élaborons de nouveaux principes pour le monde à partir des principes propres au monde. Nous ne disons pas au monde : cessez vos luttes qui sont absurdes : nous allons vous donner le vrai mot d’ordre de la lutte. Nous ne faisons que montrer au monde ce pour quoi il se bat réellement et la conscience est quelque chose qu’il doit acquérir, même s’il n’en n’a pas envie ».

Bon nombre de gens sont désormais impatients de franchir les étapes suivantes après la campagne Connolly afin de travailler à se débarrasser de Fianna Fail et de Fine Gael et d’élire un gouvernement de gauche. C’est là que nous devons être, parmi eux, pour organiser et franchir ensemble de nouvelles étapes, tout en utilisant cela comme une occasion de gagner les gens à l’argument mis en avant par James Connolly en 1897 :

« Si demain vous chassez l’armée anglaise et hissez le drapeau vert sur le château de Dublin, vos efforts auront été vains si vous ne vous attelez pas à l’organisation de la République socialiste. »

Pour gagner une république réellement nouvelle, ce ne sera pas suffisant de remplacer le gouvernement ni même d’écrire une nouvelle constitution. Ce dont on a besoin, c’est d’une République socialiste où les travailleurs et les opprimés soient au pouvoir.

Publié le 25 octobre 2025 dans le magazine Rupture (Irlande)

Traduction et notes : François Coustal

  • 1

    Le ceili est un bal de danses traditionnelles irlandaises.

  • 2

    Kneecap est un groupe (trio) de hip-hop, originaire de Belfast et dont les compositions mélangent les langues anglaises et irlandaises.

  • 3

    Triple Lock (triple verrou) fait référence au processus permettant d’envoyer des troupes irlandaises à l’étranger. Cela implique un vote favorable des Nations Unies, un vote du gouvernement et un vote du Parlement irlandais.