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Brésil : Tisser le matin – Manifeste pour une nouvelle organisation écosocialiste

par Resistêncian, Insurgência

1.
Un coq seul ne fait pas le matin :
il aura toujours besoin d'autres coqs.
Qu'un coq reprenne ce cri
et le lance à un autre ; qu'un autre coq
reprenne le cri qu'un coq a lancé auparavant
et le lance à un autre ; et que d'autres coqs
se mêlent à beaucoup d'autres coqs
pour tisser les fils de soleil de leurs cris,
afin que le matin, à partir d'une toile ténue,
se tisse, entre tous les coqs.

2.
Et s'épaississant en toile, au milieu de tous,
érigeant une tente où tous peuvent entrer,
se divertissant pour tous, sous l'auvent
(le matin) qui plane libre de toute armature.
Le matin, auvent d'un tissu si aérien
qu'il s'élève de lui-même : lumière ronde.
João Cabral de Melo Neto1

Ce manifeste parle d’une rencontre. À une époque où l’espoir semble étouffé par le bruit des multiples crises mondiales, de l’avancée de l’extrême droite néofasciste et de la barbarie capitaliste, nous, militants de Résistência (Résistance) et de Insurgência (Insurrection), avons pris la décision d’unir nos rangs pour construire un nouveau courant révolutionnaire au Brésil. Notre tâche est d’être un instrument utile dans la défaite de l’extrême droite en ascension et dans le rassemblement des révolutionnaires. Nous savons que nos organisations, seules, ne lèveront pas au matin d’un autre temps.

Nous sommes « un » parce que nous ne sommes pas la seule. Nous sommes « courant » parce que nous ne nous considérons pas comme un parti, mais plutôt comme une partie d’un mouvement qui est beaucoup plus large que nous, et dont nous ne sommes qu’une des composantes. « Révolutionnaire » parce que nous ne nous confondons pas avec les organisations qui ont abandonné cette stratégie au profit de la démocratie bourgeoise ou des projets réformistes. Plus important encore : nous savons que nous ne sommes pas une fin en nous-mêmes. Nous sommes en constante construction parce que nos outils ne sont pas prêts, et parce que nous n’avancerons qu’avec de nouvelles rencontres à venir. Notre but est d’être un instrument pratique, capable de remplir un rôle dans ce temps où nous avons dû vivre et lutter.

La dure situation mondiale a sérieusement affecté l’organisation indépendante de la classe ouvrière et, par conséquent, les organisations révolutionnaires. Nous cherchons, dans la rencontre de nos trajectoires et élaborations, à améliorer notre capacité d’action, à combattre la dispersion et à poursuivre notre disposition réelle d’être un point d’appui pour l’union des révolutionnaires au 21e siècle. Après presque deux ans de discussions réfléchies mais fraternelles et ouvertes entre nos organisations, nous croyons que cette rencontre est un pas important dans la construction d’un marxisme à la hauteur de nos défis historiques.

Le capitalisme, dans sa recherche incessante du profit, conduit l’humanité et la planète dans l’abîme. La crise sociale, économique et environnementale menacent la survie du monde tel que nous le connaissons. Les progrès scientifiques sont instrumentalisés pour la reproduction du capital, générant de plus en plus d’exploitation, d’oppression et d’aliénation. Nous sommes écosocialistes parce que nous savons que la vie des peuples du monde dépend de la préservation des conditions qui nous ont permis d’arriver ici, et parce qu’il n’y a pas de développement capitaliste qui ne signifie pas aussi la destruction de la planète.

Le néofascisme – notre ennemi numéro un – est la face la plus cruelle de ce système, et la lutte contre lui est impérative. C’est la tâche la plus urgente de notre temps. Dans cette guerre contre la haine, nous nous appuyons sur l’unité de la classe ouvrière et sur le courage de ceux qui s’insurgent et résistent, au Brésil et dans le monde. Nous sommes internationalistes parce que dans le génocide du peuple palestinien se concentrent les méthodes d’extermination du néocolonialisme et du néofascisme du 21e siècle et qu’il n’est pas possible d’être socialistes à notre époque historique sans la défense active de la Palestine libre.

Nous sommes partie prenante des luttes sociales, parce que c’est le terrain sur lequel nous semons chaque jour un nouveau matin. Nous sommes aux côtés des mouvements étudiant et jeunesse, du mouvement syndical, du mouvement noir et indigène, de la lutte pour la terre et du mouvement écologiste. Dans nos rangs, nous sommes conscients de la place centrale qu’occupent les femmes, les noirs et les LGBT, dans la construction d’un avenir libre de l’exploitation et de l’oppression.

Nous construisons le PSOL parce que nous le comprenons comme un espace fondamental pour la réorganisation de la gauche brésilienne. Le parti se distingue aujourd’hui par sa confrontation à l’extrême droite bolsonariste dans tout le pays, et donne l’exemple au monde en combinant l’unité des forces populaires avec la construction d’une alternative d’avenir. Nous sommes partie prenante de cette construction au Brésil, et nous revendiquons avec fierté des mandats de nos élu·es de Bancada Feminista, Guilherme Cortez, Matheus Gomes, Atena Roveda, Grazi Oliveira, Iza Lourença, Sônia Meire, Lu Pataxó. Nous voulons contribuer au développement du PSOL en organisant l’avant-garde de la jeunesse et de la classe ouvrière, et en mettant l’accent sur toutes les luttes justes de notre peuple.

Notre congrès d’unification aura lieu en mars 2026, et ce manifeste est aussi une invitation à toutes les personnes, mouvements et organisations qui s’identifient avec ces idées et tâches, de se joindre à nous dans ce processus. Ce pas en avant est plus grand que la simple somme de l’accumulation de nos forces par la révolution au Brésil : c’est un mouvement qualitatif. Nous sommes et voulons faire partie de ceux qui jettent les fils du soleil qui, ensemble, tissent le matin d’un nouveau temps.

Publié le 28 septembre 2025 par Insurgencia, traduit par Luc Mineito.

  • 1

    1.

    Um galo sozinho não tece uma manhã:

    ele precisará sempre de outros galos.

    De um que apanhe esse grito que ele

    e o lance a outro; de um outro galo

    que apanhe o grito que um galo antes

    e o lance a outro; e de outros galos

    que com muitos outros galos se cruzem

    os fios de sol de seus gritos de galo,

    para que a manhã, desde uma teia tênue,

    se vá tecendo, entre todos os galos.

    2.

    E se encorpando em tela, entre todos,

    se erguendo tenda, onde entrem todos,

    se entretendendo para todos, no toldo

    (a manhã) que plana livre de armação.

    A manhã, toldo de um tecido tão aéreo

    que, tecido, se eleva por si: luz balão.