
Le gouvernement de Milei connait sa plus grande crise politique depuis son arrivée au pouvoir à la suite des élections de décembre 2023. Sa cuisante défaite aux élections régionales de Buenos Aires le 7 septembre dernier a fracturé le bloc gouvernemental et surtout la majorité (relative) dont il disposait à la chambre des députés et même au Sénat. Ce qui s’est répercuté sur un approfondissement des signaux économiques qui lui sont défavorables. Toutefois ces éléments n’ont pas encore provoqué une mobilisation massive dans la rue susceptible de menacer son pouvoir et il n’est pas écrit que Milei ne puisse pas redresser la situation en sa faveur tant sur le plan économique que sur le plan politique et notamment lors des élections législatives générales (hors Buenos Aires) du 23 octobre prochain.
La défaite du 7 septembre à Buenos Aires
C’est son ampleur qui a constitué la surprise. La coalition du parti de Milei (Libertad Avanzada) avec celui de Macri (PRO) a perdu par plus de 13% d’écart. Milei perd 2 millions de voix par rapport à leur score de 2023. Le péronisme et le reste de l’opposition ne progressent pas, c’est surtout en s’abstenant que ses électeurs se sont détachés de Milei. Il semble en outre que ce soit la portion populaire et jeune de l’électorat de Milei qui se soit le plus abstenue. Plus qu’une victoire du péronisme, c’est une défaite de Milei, la première depuis son élection et qui a eu immédiatement des conséquences sur le plan législatif. Cela dit, la figure du gouverneur péroniste Kicillof, qui cultive une image de « péroniste progressiste » qui a provoqué ces élections anticipées sort grandie.
La « crise législative »
Milei et son parti sont loin d’avoir la majorité au parlement. Depuis deux ans, il n’a contenu l’opposition parlementaire qu’en alliance avec la droite libérale de Macri et en fédérant au coup par coup les centristes et les gouverneurs d’obédiences diverses à la recherche de faveurs gouvernementales. Même ainsi le gouvernement Milei n’est pas assuré d’une majorité absolue au parlement. Avant les élections à plusieurs reprises il avait dû mettre son veto à des lois d’origine parlementaire, répondant à des mobilisations populaires et qui allaient à l’encontre de son programme ultra libéral. Pour que la chambre des député·es passe outre un veto présidentiel, il faut que les deux tiers de l’assemblée le rejettent. Jusqu’ici Milei avait presque toujours réussi à l’empêcher.
Mais depuis le début de l’année, l’image de Miléi s’est dégradée. Les résultats économiques, surtout concernant la hausse du dollar et la baisse du crédit financier international de l’Argentine, divers scandales touchant notamment sa sœur et principale conseillère y ont largement contribué. Dans la rue cette opposition croissante s’est exprimée à plusieurs reprises, notamment dès le 1er février où en réponse au discours ultra réactionnaire de Milei au forum de Davos, la journée « d’orgueil antifasciste et anti raciste » a rassemblé des centaines de milliers de manifestant·es.
Tout cela s’est traduit par des fractures au sein du bloc majoritaire, de nombreux député·es ou gouverneurs de la droite et du centre commençant à prendre leurs distances vis-à-vis de Milei et de son parti. La cuisante défaite de Milei aux élections de septembre à Buenos Aires les a approfondies. La semaine dernière la chambre des député·es a repoussé deux vetos présidentiels contre deux lois qu’elle avait votées, l’une sur la santé, l’autre sur l’éducation. Des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées devant le parlement pour fêter ce nouvel échec de Milei.
Et maintenant ?
Malgré de nombreuses mobilisations sectorielles ou sociétales, pour l’instant il n’y a pas de mobilisation massive pour le renversement du gouvernement. La crise législative, qui se traduit par des défections ou des prises de distances n’a pas rompu le bloc majoritaire qui reste uni sur les objectifs fondamentaux de Milei : imposer l’austérité et briser les résistances populaires. La défaite électorale de septembre à Buenos Aires n’implique pas nécessairement une défaite aux élections dans tout le reste de l’Argentine en octobre. Le crédit de Milei dans l’opinion reste important. Milei maintient son cap et son discours, il vient d’annoncer qu’il n’appliquerait pas les lois votées par le parlement, malgré le rejet de son véto.
Deux choses seront déterminantes dans les semaines à venir. La situation économique, le redémarrage ou non de l’inflation et la stabilisation du crédit financier de l’Argentine d’une part, l’unification des mobilisations populaires sur une base politique d’autre part.
Le 24 septembre 2025, avec correspondant·es