Dans le numéro deux d’INPRECOR, nous informions sur l’assassinat de trois militants ouvriers du PST (Partido Socialista de los Trabajadores), organisation sympathisante de la Quatrième Internationale en Argentine. L’assassinat a eu lieu le 30 mai. Une véritable équipe de gangsters pénètre dans un des locaux du PST, dans la région nord de Buenos Aires, enlève six militants du PST et en massacre trois : Antonio Moses, Oscar Dalmacio Mesa et Mario Sida.
Le meurtre des trois membres du PST, tous trois militants syndicalistes connus, fait partie d’une véritable campagne terroriste lancée par les fascistes et la bureaucratie syndicale pour écraser l’opposition ouvrière aux projets péronistes d’« institutionnalisation ». Nous indiquions aussi diverses autres attaques contre les locaux du PST et contre ses militants. Depuis lors, de nouveaux attentats eurent lieu. Le même 30 mai au soir, huit individus armés enlevèrent trois membres du PST dans la zone de Lanús. « Nous avons déjà assassiné trois de vos camarades, il y en aura bientôt six », affirmèrent-ils. Battus, les yeux bandés, ils furent emmenés dans une maison et y furent battus durant plus d’une heure avant d’être relâchés. Les agresseurs se déclarèrent eux-mêmes être membres de l’administration et de la police de Lanús.
Les attaques des fascistes et des bureaucrates ne se limitent pas au seul PST. Durant les mois d’avril et de mai, on estime à plus de 50 les attaques contre des locaux de groupes péronistes de gauche et des organisations sympathisantes. Des menaces de mort furent adressées à des dirigeants du Frente de Izquierda Popular (Front de la Gauche Populaire) et du Partido Revolucionario Cristiano (Parti Révolutionnaire Chrétien). Rubben Poggione, un membre de la Fédération de la Jeunesse Communiste fut tué dans le Nord de Buenos Aires, peu avant le début du 10ème Congrès national de son organisation. La semaine précédente, la résidence d’un médecin communiste et deux locaux du PC furent attaqués à la bombe. En plus des assassinats, il y eut des arrestations de militants manifestant pour des objectifs qui n’ont pas l’appui du gouvernement péroniste. Le 25 mai, furent arrêtés 250 manifestants demandant la libération des prisonniers politiques qui sont détenus dans la prison de Villa Devoto. Le 29 mai, soixante personnes furent appréhendées par la police au cours d’une manifestation en commémoration du mouvement insurrectionnel de Córdoba en 1969.
Les funérailles des trois militants assassinés du PST réunirent plus de 4000 personnes. Y étaient présents de très nombreux membres des syndicats et des organisations politiques ; elles prirent l’allure d’une vaste démonstration de solidarité avec les victimes des attaques fascistes. Des dizaines d’organisations politiques et étudiantes envoyèrent des messages de solidarité.
Le quotidien de Buenos Aires Noticias, citant Juan Coral, un des dirigeants du PST qui prit la parole lors des funérailles, écrit : « Le terrorisme est utilisé comme un instrument pour renforcer le Pacte Social (la politique anti-ouvrière du gouvernement). » De plus, il attaqua le gouvernement pour ne pas avoir pris les mesures adéquates afin de prévenir des assassinats comme celui qui eut lieu dans le Nord de Buenos Aires. Il accusa la bureaucratie syndicale de perpétrer de tels crimes pour briser la combattivité ouvrière.
Le PST appela « tous les travailleurs et les organisations populaires, ainsi que tous les partis politiques et les organisations de jeunesse qui sont en faveur de la défense des droits démocratiques à s’unir dans l’action », afin de réclamer une enquête et la condamnation des responsables de ces crimes. Coral annonça que le PST avait demandé au gouvernement qu’il lui accorde le droit d’avoir des armes dans ses locaux pour organiser l’autodéfense. Cette demande fut faite lors d’une réunion, le 31 mai, entre Coral et le ministre de l’Intérieur, Benito Llambi. Durant cette rencontre ce dernier affirma que la police fédérale argentine était la meilleure du monde. « Si c’est le cas » demanda Coral : « Pourquoi n’ont-ils pas mis la main sur aucun des responsables des centaines d’attaques contre la classe ouvrière ? »
Durant les funérailles Coral résuma les positions du PST sur les mesures à prendre dans la situation actuelle : « ... si des résultats concrets n’apparaissent pas dans les 15 ou 30 jours après le début de l’enquête promise contre les activités terroristes, nous considérerons que le gouvernement a avoué sa complicité avec les bandes d’assassins d’extrême-droite. Dans cette période de pactes et d’accords secrets d’attaques criminelles, de conspirations, nous appelons à la formation d’un Accord d’Unité d’Action pour la défense des libertés civiles. Et comme le général Perón, qui semble être mêlé à tant de manœuvres contre les travailleurs et le peuple, nous lui demandons aussi de prendre une position claire en faveur de cette initiative que nous devons prendre sur le champ afin de défendre les droits démocratiques. Finalement, nous réclamons la formation d’une commission parlementaire qui possède le pouvoir d’arrêter et d’interroger. Cette commission doit avoir l’appui de toutes les organisations confrontées aux attaques terroristes fascistes et de tous les secteurs du mouvement ouvrier qui ont subi les coups de la bureaucratie criminelle. »
Lors de la réunion du Comité exécutif du PST, Nahuel Moreno souligna le besoin de former des brigades ouvrières et populaires anti-fascistes et des piquets de défense du mouvement ouvrier contre ces attaques ininterrompues.
Avanzada Socialista, le journal du PST, rapporta dans ses colonnes les réponses positives que son appel à la formation d’un front unique reçut de la part du « Bloque de base » et du « Peronismo de base » (organisations de la gauche péroniste), du syndicat des travailleurs de l’industrie pharmaceutique, de la « Lista Marrón Metalúrgica » de Villa Constitución (tendance lutte de classe du syndicat de la métallurgie), de l’UDELPA (Unión del Pueblo Adelante), du « Partido Intransigente » et du Parti Communiste.
Fracción Roja : organisons l’auto-défense ouvrière
Tract commun distribué par la Fracción Roja du PRT (organisation sympathisante de la IVème Internationale) et le Grupo Obrero Revolucionario (G.O.R.) lors de la manifestation de riposte à l’assassinat de trois ouvriers militants du PST argentin. (Voir N° 2 de INPRECOR)
Les bandes armées para-policières et de la bureaucratie ont commis un nouveau crime : trois militants ouvriers, Antonio Moses, Oscar Dalmacio et Mario Sida, militants du Partido Socialista de los Trabajadores (Parti Socialiste des Travailleurs, organisation sympathisante de la IVème Internationale) ont été séquestrés dans un local et sommairement fusillés.
Ces trois camarades qui sont tombés, nouveaux martyrs de la lutte de notre peuple pour le pouvoir ouvrier et le socialisme, s’ajoutent à la liste déjà longue des victimes de la répression policière et des assassinats d’extrême-droite qui se sont succédés depuis le retour du péronisme au pouvoir le 25 mai 1973. Le jour même de la venue de Cámpora au pouvoir, deux camarades furent tués lors de la manifestation pour la libération des prisonniers politiques à Villa Devoto. Depuis lors, on a compté de nombreux morts dans les rangs de toutes les tendances politiques ouvrières et populaires : péronistes révolutionnaires ou combatifs comme Delleron, Liliana Ivanoff, Grinberg, Razzetti, etc. ; guérilleros de l’ERP (Ejército Revolucionario del Pueblo - Armée Révolutionnaire du Peuple) comme Gimenez, Roldan et Antelo; marxistes-révolutionnaires, comme la camarade Nancy Magliano de la Fracción Roja du PRT ; des militants du PST comme Inocencio Fernandez, etc.
Ainsi les exploiteurs et leurs alliés, les bureaucrates, utilisent le terrorisme de droite comme arme pour décapiter le mouvement ouvrier, le mouvement étudiant et d’autres secteurs populaires, et leur arracher leurs meilleurs militants. Cette répression ne vise pas seulement une tendance ou une organisation particulière, mais tous ceux qui luttent de façon déterminée pour défendre les intérêts de notre peuple.
À qui profite ce terrorisme de droite ? Aux exploiteurs et aux profiteurs de toujours et à la politique qui défend leurs intérêts : le pacte social des bureaucrates et des patrons, la « Ley de Prescindibilidad » (loi sur la sécurité de l’emploi) des fonctionnaires, la loi sur les investissements étrangers, la loi sur les associations professionnelles, la réforme du code pénal, la loi universitaire, etc. La répression et l’intimidation sont nécessaires pour réussir à imposer cette politique contraire aux intérêts des travailleurs et du peuple.
Ce terrorisme de droite qui se développe impunément est dirigé à partir des sphères les plus élevées du gouvernement. Les bandes d’assassins de groupes fascistes comme le CNU et le C de O et de la bureaucratie sont armées et fournies en munitions par la police et l’armée. Les responsables sont ceux qui s’entourent d’assassins comme Villar et Margaride(anciens chefs de police de la dictature militaire, rappelés par Cámpora et Perón), López Rega et Osinde, Brito Lima et Lastiri. Le responsable c’est ce gouvernement, qui n’a rien de populaire, et qui est au contraire un gouvernement des patrons, des bureaucrates et des profiteurs. Le responsable c’est ce gouvernement qui n’a jamais levé un doigt pour enquêter sur le massacre de Ezeiza et qui protège les tortionnaires de la dictature militaire. Le responsable c’est ce gouvernement qui continue à utiliser la répression contre les travailleurs en grève, comme ce fut encore le cas hier à Propulsora, ou contre tous ceux qui manifestent leurs droits comme les habitants des bidonvilles sur la Plaza de Mayo. Le responsable c’est ce gouvernement qui a couvert le « coup » de Córdoba et qui foule aux pieds quotidiennement la liberté de la presse (El Mundo, Descamisado, Militancia, presse révolutionnaire), la liberté de réunion, de manifestation, etc.
Il n’y a rien à attendre de ce gouvernement d’exploiteurs et de bureaucrates pour freiner et mettre fin au terrorisme de droite. Il ne faut pas faire confiance à la légalité bourgeoise. Nous ne devons faire confiance qu’à nos propres forces. La seule enquête qui donnera un résultat est celle que les organisations et partis ouvriers et populaires pourront mener, unis sans sectarisme dans la lutte contre la répression et les assassinats.
Contre les groupes fascistes et les bandes para-policières il n’y a pas de discussion ou de tergiversations possibles. Nous ne pourrons arrêter leurs crimes que si nous sommes capables de les affronter de façon unie et par la force. Aucun militant ne doit tomber sans riposte, aucun crime ne doit rester sans réponse.
Contre la répression et les assassinats, organisons l’auto-défense ouvrière. Il ne faut pas attendre les bras croisés qu’ils nous frappent. Les militants révolutionnaires et les militants les plus conscients ont une responsabilité bien concrète : se préparer et préparer tous ceux qui les entourent. Dans toute lutte de masse, dans toute mobilisation, organisons des piquets et des groupes d’auto-défense, capables de faire front de façon organisée aux attaques de la droite. Créons des comités de vigilance sur les lieux de travail et dans les écoles, en réalisant l’unité d’action sans sectarisme contre la répression et pour défendre les militants. Les fascistes et les assassins ne reculeront que s’ils nous trouvent sur leur chemin, unis et organisés, pour les écraser.