Jean Puyade est décédé le 12 décembre 2024. Pour les militants de L’insurgé qui l’ont connu, c’était un militant avec lequel nous avons pu échanger durant des années, un militant expérimenté - tout à la fois militant de terrain et en même temps cadre politiquement cultivé -, passionné par la lutte des classes, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle internationale : il était « chez lui » quand il scrutait la situation en Amérique latine, en Espagne et Catalogne.
Autour d’un verre ou par téléphone, nous pouvions constater notre accord politique sur bien des questions, indépendamment du cadre organisationnel dans lequel il avait choisi d’inscrire son activité. De sa jeunesse, il avait gardé une solide formation trotskyste, et continuait à se moquer, ou s’indigner – c’est selon – des dérives opportunistes ou sectaires des uns ou des autres, tout en demeurant toujours d’une grande courtoisie.
Il y aura fort à faire, et bien des témoignages à rassembler, pour rappeler tous les combats qui furent les siens.
On ne peut ici que survoler ce que fut sa vie de militant révolutionnaire.
Né en 1940, il sera élève à l’École Normale d’instituteur de Versailles, et brièvement adhérent des Jeunesses communistes.
Rapidement, il rejoint le groupe trotskyste La Vérité animé par des militants qui proclameront l’OCI en 1965.
Il est alors étudiant en Espagnol à la Sorbonne et milite au CLER (Comité de Liaison des Étudiants Révolutionnaires) fondé en 1961.
Le CLER regroupe alors à peine quatre douzaines de militants dont la moitié sont membres du groupe La Vérité. Ces militants interviennent au sein de l’UNEF, l’organisation syndicale étudiante. En 1962, Jean Puyade prend brièvement quelques responsabilités dans une structure interne à l’UNEF parisienne : la FGEL (Fédération des groupes de Lettres).
Il devient professeur d’Espagnol et rédige une thèse sur le surréalisme en Argentine.
En 1968, comme d’autres organisations, l’OCI est dissoute par le gouvernement de De Gaulle. Cela ne met pas fin, bien évidemment, à l’activité des militants. Pour Jean Puyade, cette activité se traduit en particulier par sa participation à la construction d’une organisation dans une Espagne encore aux mains de la dictature franquiste, puis par des responsabilités croissantes sur le plan international. De facto, une activité de permanent.
C’est ainsi que, pour de longues années, son engagement professionnel et politique va le conduire en Amérique latine, au Brésil en Argentine notamment. Il fut par exemple durant plusieurs années, directeur de l’Alliance Française de Santa Fe en Argentine. Et, à l’occasion, manifeste son intérêt persistant pour le surréalisme, avec un texte consacré à Benjamin Péret (« Benjamin Péret: um surrealista no Brasil 1929-1931 »). Ces années sont pour lui décisives : même quand il sera revenu en France, politiquement et culturellement, une part de lui-même reste en Amérique latine. Ce qui le conduira, une fois revenu, à présider l’Association culturelle La Casa de Santa Fe à Paris.
Quant à l’OCI, devenue PCI, cette organisation – dont la direction s’est assujettie au PS et à Force Ouvrière, elle dégénère rapidement au cours des années 80, procédant à des exclusions brutales de tous ceux qui résistent à cette évolution.
Celui que certains appellent encore « Johnny » rompt alors avec le PCI et le courant lambertiste en 1987.
Revenu en France, Jean prend un poste d’enseignant d’espagnol dans l’agglomération parisienne.
Son activité s’inscrit dès lors dans les combats qui marquent le paysage politique français de ces années.
Sa réflexion le conduit à rester attentif à tout processus pouvant contribuer à la construction (à la reconstruction) d’un parti révolutionnaire, même par des chemins très improbables.
Il sera ainsi attentif à la construction d’une éphémère résistance au sein du PS (autour de Forces militantes) en 2008.
L’année 2009 voit la naissance quasi simultanée du NPA et du Parti de gauche (février 2009). Il tâte d’abord des deux avant de choisir de s’engager au NPA. (Ultérieurement le NPA-A).
Sans fétichisme : car il demeure intéressé à participer aux discussions de différents réseaux militants (tels que le réseau Bastille, ou aplutsoc…). Et à l’activité de collectifs, en solidarité avec le peuple catalan par exemple, ou - il y a peu encore - en soutient à la résistance ukrainienne (avec RESU).
Le monde entier l’intéressait, et il avait ainsi manifesté son soutien à la révolution syrienne en butte à la dictature de Bachar al Assad.
Mais l’Amérique latine demeurait sa passion : du 22 au 24 mars 2013, il participe ainsi aux rencontres intersyndicales qui réunissent 60 organisations syndicales et formalisent la constitution du réseau syndical international de solidarité et de lutte animé par Solidaires et CSP-Conlutas (au Brésil).
Il participe aussi à diverses rencontres internationalistes organisées en Suisse sous le titre « L’autre Davos » (à l’initiative de La Brèche et d’A l’Encontre), à Bâle en 2011, puis à Lausanne et à Genève.
Parallèlement, il signe différents articles sur les développements de la lutte des classes en Amérique latine, et réalise nombre de traductions. On retrouve sa signature dans la revue Carré rouge (créée en 1995) pour laquelle il coordonne 4 dossiers sur le Brésil en coopération avec le site À L’Encontre, dans les numéros 26 à 29, puis dans le numéro 34 (octobre 2005), où il présente la naissance du P-SOL. Il écrit et traduit aussi pour l’Anticapitaliste, et pour les éditions Syllepse.
Mais c’est surtout pour le site À L’Encontre qu’il écrit et traduit le plus largement. L’ensemble de ce travail est une contribution utile à la compréhension des processus étudiés.
Lui qui avait manifesté sa solidarité avec les peuples qui se dressaient contre les dictatures, avec le combat du peuple syrien contre la dictature de Bachar el-Assad, décède au moment même où s’effondre cette dictature sanguinaire. Nul doute que Jean aurait aimé discuter, passionnément, de la situation nouvelle ainsi créée.